Une petite histoire de l'Électroacoustique Par Frédéric Cardin
/ 1 octobre 1998
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Il n’y a pas qu’Israël
qui ait 50 ans en 1998. La musique électroacoustique atteint, elle aussi, le demi-siècle
cette année. Ce fut un parcours semé d’innovations, d’expériences à la fois
des plus déroutantes, intéressantes et fascinantes mais aussi d’incompréhension.
Ces dernières sont venues d’abord de la part d’un public qui avait et a encore
à assimiler les bouleversements apportés au début du siècle par la Seconde École de
Vienne, puis du milieu classique lui-même et de ses institutions, qui parfois ne savaient
trop quelle attitude adopter envers cet art nouveau, pour qui, souvent, toutes les
conventions du passé ne tiennent plus. Voyage rapide au coeur d’une histoire très
actuelle.
La naissance survient en 1948. Le père en est Pierre Schaeffer,
un homme fasciné par les sons, ceux enregistrés surtout, et par la myriade de
possibilités créatrices provenant de leur manipulation, de leur transformation et de
leur juxtaposition. La mère? La technologie naissante capable autant de créer de
nouveaux sons que de capter, d’emmagasiner et de transformer des sons «réels» (ou
«concrets» : un chien qui jappe, par exemple).
Les pionniers sont ceux qui travaillent avec le concret, d’où
le terme de concrète pour qualifier la musique résultant de leurs recherches. Des
studios dotés d’immenses consoles et de machines tout aussi gigantesques
apparaissent en France, puis à Milan, notamment. Lieux de pèlerinages où se
rencontreront les premiers iconoclastes. Lieux de découvertes apparemment infinies. Lieux
fascinants où les artisans de la Nouvelle Ère avaient sans doute l’impression de
réinventer la musique et, probablement, le monde.
La discorde va rapidement s’installer, cependant. Les tenants
du concret, de par la nature même du matériau, n’avaient que faire des structures
traditionnelles de la musique. Une forme sonate, ou encore une séquence sérielle
s’avère difficilement applicable lorsque l’on traite les sons de la ville, par
exemple. Pourtant, certains compositeurs vont faire bande à part et tenter de créer une
musique électronique pouvant se plier à certaines exigences des lois musicales, en
particulier à celles du sérialisme. Au début des années 1950, un studio se formera à
Utrecht (Pays-Bas) et deviendra le point de mire de l’école électronique. On y
travaillera surtout avec des sons électroniques plutôt que concrets, les premiers étant
plus faciles à contrôler dans une structure musicale, qu’elle soit tonale, atonale
ou sérielle. Il serait cependant erroné de croire qu’il y eut ghettoïsation des
clans. Les tenants de l’une ou de l’autre voie ont utilisé des sons de toutes
les provenances. Pierre Henry s’est servi de sons purement électroniques alors que
Stockhausen, que l’on place volontiers dans le camp électronique (du moins à cette
époque), a réalisé l’une de ses oeuvres marquantes (Gesang der Jünglinge) à
l’aide de voix d’enfants!
La différence fondamentale entre les deux approches ne se situe pas
au plan du matériau mais plutôt à celui de l’attitude adoptée face à lui. Chez
les concrets, il y a une volonté de travailler les caractéristiques intrinsèques du
matériau (comme un sculpteur adaptant son travail selon qu’il soit face à du bois
ou du marbre). Chez les «électroniciens», il s’agit plutôt d’une volonté de
contrôler le son dans un contexte structurel précis.
En 1960, une étape fondamentale est franchie avec l’arrivée
du synthétiseur moog. Alors qu’auparavant, il fallait se rendre dans des studios
pour travailler (studios fort coûteux à mettre sur pied), l’avènement du
«synthé» banalise la lutherie et rend accessible à un grand nombre la manipulation
électronique des sons. Deuxième conséquence moogienne : l’électronique rejoint la
musique populaire.
Seconde révolution technologique en presque 20 ans : 1982 voit
arriver le synthétiseur numérique (le DX-7 de Yamaha) aux possibilités multipliées par
cent, voire par mille. On assiste à une intégration de plus en plus poussée de
l’ordinateur, et maintenant, de l’Internet.
Finalement, en 1987 apparaît dans les faubourgs de Détroit ce qui
deviendra la «techno», un genre musical pop aujourd’hui omniprésent.
Quel bilan peut-on faire aujourd’hui? Les vieilles querelles se
sont atténuées, mais il persiste une différence entre «l’attitude» concrète et
«l’attitude» électronique. Les concerts se font plus nombreux qu’auparavant.
Le synthétiseur, la bande magnétique et divers autres moyens de reproduction sont
utilisés de plus en plus fréquemment (le synthétiseur est même devenu un accessoire
courant dans plusieurs orchestres). Mais surtout, et c’est peut-être là
l’élément le plus important, l’électroacoustique est maintenant entrée dans
nos mœurs. Ne serait-ce que grâce à la «techno», les jeunes sont familiers avec
le principe d’«objet sonore». Reste à les former à écouter une musique
électroacoustique où le discours prime sur l’effet.
Instruments DU XXe
SIECLE
Theremin : deux tiges verticales réagissent à la présence
d’objets (les mains d’un musicien, par exemple) grâce à une force
électro-magnétique. Il a été utilisé abondamment dans les films d’horreur de
série b des années 1950 et 1960.
Synthétiseur : véritable studio en boîte, il a fait connaître à un nouveau
public, surtout populaire, les sons électroniques. Sa première version fut analogique
(le moog, en 1960), puis sa version numérique est apparue en 1982 (le dx-7 de Yamaha,
entre autres).
Échantillonneur : appareil qui capte des sons acoustiques et les garde en mémoire
en vue de leur traitement ultérieur.
Ondes Martenot : voir page 7
RIEN À VOIR :4e
ÉDITION
L’organisme Réseaux présente pour la 4e fois depuis 1997 la
série Rien à voir , série dont la formule est gagnante : dans une petite salle qui a
l’avantage d’être facilement bondée (en l’occurrence le Théâtre La
Chapelle) et de créer ainsi une atmosphère de convivialité entre tous les participants
(auditeurs et compositeurs), des enceintes acoustiques sont réparties un peu partout, les
lumières sont éteintes et l’auditeur (le terme prend ici tout son sens) est invité
à se laisser transporter, toucher, choquer ou bouleverser par une aventure sonore unique.
Cette édition nous présentera des compositeurs d’un peu partout : Stéphane Roy
(Québec), Ludger Brümmer (Allemagne), Erik Michael Karlsson (Suède) et de la grande
visite de France avec François Bayle, l’un des pionniers avec Pierre Schaeffer. Cinq
formules de concerts sont proposées. D’abord, la formule Solo, où un compositeur
présente un éventail de ses œuvres. Deuxièmement, le concert Carte blanche, pour
lequel un compositeur a sélectionné des œuvres acousmatiques de son choix. La
soirée Rétrospective se consacre quant à elle à un compositeur reconnu. Un concert
Réseaux met au programme des œuvres des directeurs artistiques de l’évènement
(Jean-François Denis, Gilles Gobeil et Robert Normandeau), alors que, finalement, un
concert Surprise fait place à des œuvres de jeunes compositeurs, souvent encore
étudiants. Rien à voir no 4 : à entendre absolument!
NOUVELLES CORDES 1998
La série de concerts intitulée « Évolution 98 - les nouvelles
cordes » entamera, du 8 au 11 octobre prochain, la quatrième saison du programme
Innovations en concert , au Théâtre La Chapelle, à Montréal. Au programme, nous aurons
la chance d’apprécier, le 8, le Quatuor Impro composé de Helmut Lipsky (violon),
Jean René (alto), Eric Longsworth (violoncelle) et du violoniste américain Jason Hwang.
Ces quatre improvisateurs chevronnés tenteront de nous révéler une approche nouvelle du
quatuor à cordes.
La soirée du 9 octobre est dédiée quant à elle au Tim Brady and
the Brady works ensemble qui présentera des œuvres du compositeur anglais Jeremy
Peyton-Jones, du Norvégien Atle Pakusch Gundersen et des Canadiens Wende Bartley et Wes
Wraggett. Au programme: des œuvres pour guitare électrique de même que pour bande
et ensemble.
Le 10 octobre, la violoniste torontoise Parmela Attariwala nous
convie à un mélange de musique contemporaine occidentale et de musique classique
indienne. Accompagnée par Ravi Naimpally, elle interprétera des œuvres de Harry
Somers, de Rick Bidlack, de Ken Schaphorst, de Robert Rosen et de Andrew Hurlbut. Un
concert qui promet d’être haut en couleur.
Pour terminer la série, le 11 octobre permettra au quatuor féminin
Euterpe de présenter le Quatuor à cordes no 8 de Shostakovitch et des œuvres de
compositeurs canadiens tels Heather Schmidt et Michel Osterle. Mentionnons également la
première mondiale d'une œuvre pour bande et cordes de Jean-François Laporte.
La série Innovations en concert se poursuivra le 21 octobre, alors
que le Théâtre La Chapelle sera l’hôte du lancement du disque compact Kappa par
l’ensemble du même nom rassemblant 18 musiciens. Les trois jours suivants seront
consacrés à une série de concerts donnés par cet ensemble aux multiples influences :
jazz, minimalisme, country, classique, contemporain. Information : (514) 843-7738
- Jean-Claude Thériault
NEM FORUM 1998
Présentée à la Salle Claude-Champagne de l’Université de
Montréal les 25, 26 et 28 novembre prochain, la série de trois concerts de la quatrième
édition du Forum International des jeunes compositeurs (Forum 98) s’annonce des plus
intéressantes. À l’instar des trois éditions précédentes (Forum 91, 93, 96), le
jury a dû choisir les œuvres à être présentées dans le cadre de cet événement.
Cette difficile tâche consistant à examiner 300 partitions a été accomplie par cinq
intervenants musicaux de renommée internationale, soit : John Rea et Lorraine
Vaillancourt, du Canada; Luca Francesconi, d’Italie; Mary Finsterer, d’Australie
et Frans van Rossum, des Paus-Bas.
Initiés en 1991 par le Nouvel Ensemble Moderne (NEM) et la Faculté
de musique de l’Université de Montréal en collaboration avec la Société
Radio-Canada sous l’égide du Conseil International de la musique (Unesco), les
Forums se veulent un tremplin de premier choix pour les jeunes compositeurs de partout
dans le monde. En effet, les créateurs de demain ont la chance d’être invités à
répéter leur œuvre pendant trois semaines en compagnie du NEM et de son chef,
Lorraine Vaillancourt. Une quatrième semaine est ensuite consacrée à faire entendre les
œuvres sélectionnées. Il s’agit donc d’une expérience irremplaçable
pour ces futurs compositeurs qui courent de plus la chance de voir leur travail
immortalisé sur support enregistré.
Les heureux candidats de l’édition de 1998 proviennent du
Portugal (Sérgio Azevedo), d’Australie (Kirsty Beilhartz), des États-Unis (Brooke
Joyce), du Mexique (Javier Torres Maldonado), du Canada (Yannick Plamondon), de Russie
(Olga Rayeva) et de Chine (Ji Xue Wu). Si l’on se rapporte aux programmations
précédentes, le public québécois risque une fois de plus de faire de belles
découvertes. Information: (514) 343-2443
SMCQ JEUNESSE
La Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ.) amorce
cette année la deuxième saison de son volet SMCQ Jeunesse. Résultat de la fusion de
L’Ensemble Clavivent et de l'orchestre de la SMCQ, auxquels sont associées les
Jeunesses musicales du Canada (JMC), ce volet jeunesse a pour objet d’initier les
jeunes à la musique de notre temps par des créations originales et diversifiées.
Ainsi, le coup d'envoi des activités sera donné, début octobre,
par la tournée « Jouer dans l’île » avec au programme la reprise de
L’Histoire du petit tailleur, un conte musical qui a connu un vif succès
l’année dernière et pour lequel 12 représentations sont prévues dans différentes
salles de Montréal, Blainville et Québec. La création d’un Fonds des abonnés
parrainé par Maryvonne Kendergi permettra aussi, pour une deuxième année consécutive,
la présentation en milieu hospitalier du conte Le piano muet , composé sur un texte de
Gilles Vigneault.
L’année 1999 sera marquée quant à elle par la mise sur pied
d’un concert-atelier pour quintette à vent et narrateur intitulé www.Triton@hôtel
des dissonances . Le but est d'initier les jeunes au domaine de la composition et aux
instruments à vent. Un deuxième concert-atelier, pour quatuor à cordes et narrateur
celui-là, Panique au musée de la musique est prévu pour le mois de juin. Cette
activité éducative, qui se veut être une enquête musico-policière, aura lieu au
Musée d’art contemporain de Montréal.
Comme on le constate, ce ne sont pas les idées et les projets qui
manquent au sein de la Société et cette deuxième saison de la SMCQ Jeunesse risque fort
de connaître autant, sinon plus de succès que la précédente. Pour en savoir davantage,
vous pouvez téléphoner à la Société de musique contemporaine du Québec au (514)
843-9305.
-Jean-Claude Thériault English Version... |
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