L'invention des ondes musicales martenot Par Jean Laurendeau
/ 1 novembre 1998
English Version... Le jour où, pendant la guerre de 1914-1918, les postes de
radio à lampes triodes arrivèrent dans les tranchées avec les sons très purs
qu’ils émettaient, Maurice Martenot, fort peu présent à l’esprit de la
guerre, rêva plutôt d’en faire un instrument de musique pouvant exprimer la
sensibilité humaine. En effet, bien qu’il fut à l’époque
radio-télégraphiste pour les besoins de l’armée, il était d’abord et surtout
un musicien ayant, selon ses propres termes, le «virus de l’invention».La guerre finie, il se mit au travail. En 1928, il donna un premier concert
à l’Opéra de Paris avec ses «ondes musicales». Ce fut immédiatement un triomphe
et le début d’une belle carrière pour le nouvel instrument.
Plus soucieux d’améliorer son invention que de la faire
connaître, Maurice Martenot n’a jamais empêché, néanmoins, les compositeurs
d’écrire pour elle, ni les instrumentistes d’en jouer. C’est ainsi que, de
Darius Milhaud à Jacques Brel, en passant par Maurice Ravel et Rabindranath
Tagore&127;, sans oublier, surtout, André Jolivet et Olivier Messiaen, les plus
grandes personnalités musicales de notre temps se sont accordées pour reconnaître au
Martenot un pouvoir d’expression tout à fait exceptionnel qui en fait
d’ailleurs l’invention du siècle dans le domaine des instruments de musique. Il
constitue, pour celui qui en joue, un véritable prolongement tactile et sonore de son
système nerveux.
À QUOI RESSEMBLE LE MARTENOT ?
En rodage presque ininterrompu depuis plus de 70 ans, le Martenot
comprend : un clavier monodique avec vibrato contrôlé de façon aussi nuancée que celui
d’un violon; un jeu à bague donnant aux effets de glissandi une âme véritable et
une touche d’intensité autorisant les nuances les plus subtiles ou les plus
contrastées, toutes les articulations et tous les modes d’attaque souhaitables.
Il offre par ailleurs un jeu de timbres possédant une grande
richesse de coloris. Le timbre électronique «pur», émanant d’une membrane de
diffuseur, constitue le son de base de l’instrument, celui utilisé le plus souvent.
Trois autres timbres fondamentaux résultent de la mise en résonance par
l’électricité d’éléments vibratoires non électroniques au départ : ce sont
les cordes tendues, le gong et les ressorts, tous trois mis en vibration par des moteurs
de diffuseurs. Il y a donc quatre diffuseurs en tout. Mais chacun d’eux peut être
affecté par un dosage d’harmoniques - progressif ou subit - rendant possible une
grande variété de timbres.
C’est un instrument monodique, au même titre que la voix
humaine ou la flûte. Sa tessiture de sept octaves lui permet de passer sans interruption
du registre de la contrebasse à celui du piccolo.
C’est un instrument de musique qui se joue en temps réel,
exigeant par conséquent la présence continue d’un interprète - exactement comme
pour le violoncelle, la clarinette, etc.
On l’enseigne en France, aux conservatoires de Paris, Lyon,
Saint-Maur et dans plusieurs autres villes. Plus près de nous, les conservatoires de
Québec et Montréal en ont dispensé l’enseignement pendant 29 ans, de 1968 à 1997,
année où des coupures budgétaires rendirent sa suspension inévitable, en tant
qu’instrument enseigné comme discipline principale.
Cet instrument est joué dans la plupart des pays d’Europe, en
Amérique du Nord et au Japon.
À PROPOS DE MAURICE MARTENOT
Disons pour terminer que Maurice Martenot ne fut pas que
l’inventeur de l’instrument qui porte son nom. Il fut aussi un pédagogue,
pratiquant et perfectionnant toute sa vie la méthode mise au point par sa soeur aînée,
et qui a pour objet l’initiation des jeunes enfants à la musique. Il enseigna aussi
la relaxation, écrivit le livre Se relaxer, pourquoi, comment ? (publié en 1977 et
réédité récemment au Courrier du livre). Cette dernière discipline - la relaxation -
n’est d’ailleurs pas sans rapport avec l’invention des ondes musicales. Il
en avait fait l’expérience pour la première fois dans les années 1920, pendant la
gestation et le travail de recherche qui devait le conduire à la production du premier
modèle des ondes musicales.
Toute personne intéressée à en savoir plus pourra se référer au
livre de Jean Laurendeau Maurice Martenot, luthier de l’électronique, qui comporte,
en plus d’une passionnante biographie de Maurice Martenot, une liste impressionnante
d’oeuvres ayant été composées pour ondes ou pour des ensembles impliquant cet
instrument, ainsi qu’une discographie et une bibliographie.
Pour commémorer le 70e anniversaire des ondes Martenot et le 100e
anniversaire de naissance de l'inventeur Maurice Martenot, la Société pour le
développement des ondes musicales présente, en coproduction avec la chaîne culturelle
de Radio-Canada, le Festival d'ondes Martenot de Montréal, qui se déroulera du 13 au 18
octobre 1998, dans les salles Pierre-Mercure, du Gesù, du Conservatoire de musique du
Québec à Montréal et de la Chapelle historique du Bon-Pasteur. Information:
450-652-3705. English Version... |
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