Les concours internationaux Par Laurier Rajotte
/ 26 avril 2004
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Pour plusieurs jeunes interprètes
canadiens, le printemps annonce le début de la saison des concours. En
effet, près de 750 musiciens de moins de 25 ans se préparent pour les épreuves
du Concours de Musique du Canada (CMC) de même que plus de 120 000 musiciens de
tous les niveaux participeront à l'un ou l'autre des festivals-concours de
musique affiliés à l'Association Canadienne des Festivals de Musique, pour ne
nommer que ceux-là. Pour les plus avancés, les concours internationaux sont
légion (plus de 314 pour l'année 2004) et offrent aux jeunes de moins de 30 ans
l'occasion d'entrer en compétition avec leurs pairs. Montréal aura du reste son
Concours Musical International (CMIM) en mai prochain. En somme, tout au long de
leur formation, les jeunes interprètes, par choix ou par obligation, doivent
faire face à la réalité des concours de musique, qu'ils y participent ou non.
Une réflexion s'impose.
Aperçu historique national
Les concours tels que nous les connaissons
aujourd'hui n'ont pas toujours été présents dans le paysage musical. La
compétition, par contre, a toujours su s'immiscer dans la sphère humaine et, par
extension, dans l'activité musicale. Au Canada, à l'instar de l'ensemble des
pays où la musique dite classique -- harmonique, traditionnelle et tonale --
s'impose, les concours de musique sont apparus de manière officielle aux
environs de la Deuxième Guerre mondiale. Depuis le début du siècle, le pays
connaissait déjà les « festivals-concours de musique », ces festivals-événements
locaux aux épreuves publiques ouvertes à tous les musiciens, de l'amateur
jusqu'au jeune étudiant. Fruit d'une mentalité, très anglaise, de philanthropie,
les festivals-concours de musique ont vu le jour dans l'Ouest canadien. Ils
exercent encore aujourd'hui un rôle primordial dans le circuit des concours au
pays.
C'est en 1943 que le premier concours d'importance,
organisé par la Société Radio-Canada (SRC), a vu le jour. Seize ans plus tard,
en 1959, la SRC instaurait son Concours des jeunes interprètes de Radio-Canada.
Ainsi, dans les années suivantes, on verra apparaître plusieurs autres concours
de musique, tels que le Concours d'orgue de Montréal (avant 1954), le Festival
de musique du Québec (1958), qui deviendra le Concours de Musique du Canada et
sa contrepartie internationale (1970–1971), le Concours International de Musique
de Montréal (1965), le Concours de l'Orchestre Symphonique de Montréal (1965) et
le Concours national de musique Eckhardt-Gramatté (1976). La liste pourrait se
poursuivre, car, à l'échelle nationale comme à l'échelle internationale, les
concours continuent de se multiplier.
Aperçu historique international
Le Concours international de musique de Genève, né
en 1939, se présente comme l'une des plus anciennes compétitions à l'échelle
internationale, avec celles de Munich, de Bruxelles et de Prague. À la fin de la
Guerre, en 1945, initialement pour contrer les Jeunesses hitlériennes, on
assiste à la création des Jeunesses Musicales Internationales (JMI). Considéré
par l'UNESCO comme l'organisme culturel pour la jeunesse le plus important du
globe, les JMI sont aujourd'hui présentes dans 39 pays, dont le Canada. Ce sera
ensuite au tour de la Fédération mondiale des Concours internationaux de musique
(FMCIM) de voir le jour en 1957. Les quelque 112 membres de cette fédération
constituent aujourd'hui une partie du grand total des concours internationaux
actifs, tels le Concours international de piano Ferruccio Busoni (fondé en
1949), le Concours musical international Reine Elisabeth de Belgique (1951), le
Concours international Tchaïkovski (1958), le Leeds International Pianoforte
Competition (1961), le Van Cliburn International Piano Competition (1962), ou le
Sydney International Piano Competition of Australia (1977). Dans cette
fédération comme pour l'ensemble des concours internationaux, le piano est de
loin le plus représenté. En effet, il y aura en 2004 plus de 104 concours
internationaux de piano. Rien ne semble indiquer que ce nombre cessera de
croître.
Objectifs d'hier et d'aujourd'hui
Les concours ont toujours conservé des objectifs
semblables au fil des années : découvrir et récompenser de jeunes talents et
soutenir le développement d'une carrière. Il semble aujourd'hui y avoir un
effort marqué à promouvoir et à diffuser la musique de notre temps en faisant
appel à un compositeur du pays pour écrire l'oeuvre imposée (s'il y a lieu) et
aux médias pour diffuser à grande échelle. Pour les objectifs, hormis ces
points, rien n'a vraiment changé. Par contre, le contexte, lui, a changé. Par
exemple, démarrer une carrière avec un premier prix était beaucoup plus réaliste
il y a 40 ans, alors que le nombre de concours n'était qu'une fraction de ce
qu'il est aujourd'hui. Bien qu'exceptionnellement ce soit une véritable
consécration, un premier prix peut davantage ressembler de nos jours à une
goutte d'eau dans un océan de lauréats. Demandons-nous si le public a augmenté
de façon aussi exponentielle que le nombre de concours ? Si l'on constate une
difficulté pour les concours à s'adapter à notre époque, pourquoi les
interprètes y participent-ils encore ?
Pourquoi participer ?
Pour échanger, pour rencontrer, pour s'imposer des
dates butoirs dans l'apprentissage, par défi personnel, pour se dépasser, pour
jouer devant public, pour des possibilités de carrière, pour se situer dans le
milieu et pour avoir un retour constructif de la part de professionnels, diront
certains ; pour être le premier et pour prouver, avoueront d'autres. Bref, il
existe deux espoirs, compatibles ou non, lorsqu'on participe à un concours :
grandir et gagner. Le premier ne concerne pas la compétition comme telle, mais
l'événement, voire la fête. C'est le choix que devraient faire les professeurs
pour leurs jeunes élèves, les parents pour leur enfant, le jeune interprète pour
lui-même. Il en va de la philosophie personnelle de chacun. Mais si on
participait aux concours faute d'alternatives ? On peut se poser la question :
hors des concours, quelles sont les possibilités pour un jeune interprète
non-professionnel de jouer en public ? Nulles. Rien. L'exception confirmera la
règle.
Concours ou musique-réalité
Si beaucoup de gens pensent que les concours sont
un passage obligé dans le développement de l'interprète, affirmer qu'ils
découlent d'un phénomène purement musical tient de l'absurde. Les objectifs de
ces épreuves où plusieurs adversaires recherchent simultanément le même résultat
les éloignent de l'événement de nature artistique. Le concours n'est pas un
concert. Voilà bien de la pensée au goût « réalité » du jour que de croire que
le concours de musique, cette mise en scène de la compétition évaluée, notée et
aux résultats figés, constitue un phénomène comparable au concert, qui a, lui,
une véritable portée artistique et universelle. Mais nous savons tous au fond
que le concours n'a rien d'un moment purement musical choisi comme le concert,
où l'échange et le partage dominent sur la compétition. Nous savons tous qu'il
s'agit d'un jeu dont le but est d'être l'unique gagnant. Les meilleurs en font
abstraction, les autres abandonnent.
Avec une explosion exponentielle et des objectifs
semblables à ceux d'hier, mais dans un contexte différent, la grande institution
des concours s'impose toujours. Pourquoi leur nombre augmente-t-il ? Qui, du
public, des professeurs, des parents, des organisateurs, des compositeurs, des
médias, des diffuseurs ou des interprètes, en sort vraiment vainqueur ? C'est ce
que nous tâcherons de découvrir en observant de près le Concours Musical
International de Montréal des Jeunesses Musicales et la vie en coulisses de ses
artisans.
L'auteur de cet article est un jeune pianiste
issu de l'apprentissage collectif de la classe d'Hélène Maltais, Ph.D.
éducation, et il s'est perfectionné auprès de Marc Durand. À 21 ans, il
terminait une maîtrise en interprétation à l'Université de Montréal. Tout au
long de son parcours, au Canada, en Italie et en France, ou dans les villes de
New York et de Genève, ses rencontres avec d'autres musiciens ont toujours su
stimuler sa réflexion. Concerné par la composition, l'exploration théâtrale,
l'écriture et par la création au sens large, il s'intéresse à l'Art comme
langage universel.
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