Initiation à la musique: L'orchestre : évolution et disposition Par Sarah Choukah
/ 2 octobre 2002
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Un soir de concert à l'orchestre symphonique est tout
d'abord un plaisir auditif. Vient ensuite le plaisir des yeux : celui de voir
tout l'orchestre (ainsi que le chef) en action. Il a toujours été impressionnant
d'observer l'ensemble des musiciens durant l'exécution de pièces demandant de
grands effectifs. La densité sonore, ajoutée à la multitude de détails visuels
qui se déploient devant soi, exalte les sens, elle les oriente dans la
perception de la grandeur et de la beauté. Par contre, la vue restreinte qu'un
auditeur a de l'orchestre ne lui permet pas toujours de saisir toutes les
subtilités de cette disposition. Une initiation à l'orchestre et à l'art de
l'utiliser de la façon la plus fidèle à la pensée du compositeur aidera sûrement
à une compréhension approfondie des œuvres symphoniques. De plus, elle mettra
l'accent sur un élément essentiel de la musique : le timbre et l'infinité de son
potentiel.
L'orchestre symphonique contemporain est issu d'une longue évolution qui n'a
connu sa forme actuelle qu'au XVIIIe siècle. Sa composition a
toujours été variable et l'est encore plus pour les orchestrateurs
d'aujourd'hui. Les premières dynasties égyptiennes utilisaient déjà un ensemble
d'instrumentistes pour accompagner des chanteurs ou des danseurs durant les
cérémonies religieuses. Vers 700 av. J.-C., les Égyptiens organisaient de façon
précise le cortège de musique de Ninive. Lyres, trigones polycordes (instruments
à cordes pincées de forme triangulaire, similaires à une harpe inversée), flûtes
à anches doubles et frappeurs de mains se côtoyaient pour célébrer des valeurs
communes. Il n'existe pas de formation instrumentale suffisamment grande pour
rappeler la notion d'« orchestre » dans la Grèce antique, mais c'est elle qui
donnera son étymologie au terme. « Orchestra » désignait en fait l'emplacement
où était installé le chœur durant les représentations théâtrales, généralement
entre la scène et les gradins. Au début du VIIe siècle, le
mot désigne l'espace réservé au chef et à ses musiciens, puis devient
exclusivement employé pour nommer ceux-ci.
Anciennement, ce que nous appelons aujourd'hui la composition des
orchestres était
attribuée à l'évolution tout aussi lente des instruments de musique. Ce n'est
qu'aux XVIIIe et XIXe siècles que les facteurs ont équipé les instruments à
vents de pistons et de clefs, qu'ils les ont perfectionnés afin de permettre des
modulations sur tous les tons et une aisance de jeu et de virtuosité suffisante
pour égaler le rôle des cordes. Avant cela, les différents instruments de la
catégorie des vents étaient disséminés selon les formes de musique. Les
trombones, par exemple, étaient réservés à la musique religieuse et leur emploi
était encore rare avant les œuvres de Haendel. Les clarinettes garnissaient les
rangs des orchestres d'opéra à Venise, à Vienne et à Hambourg au XVIIIe siècle,
et n'ont servi dans les orchestres qu'à partir de la seconde moitié du siècle,
de façon sporadique au début, puis plus générale. Il en est de même pour les
cors anglais qui n'ont vu leur place assurée qu'en 1780. D'autres instruments,
tels le hautbois d'amour (un hautbois sonnant dans le registre des altos), sont
graduellement disparus de la distribution orchestrale.
Les violons, les altos, les violoncelles et les contrebasses (qui ont été
introduites dans les orchestres et opéras français aux alentours de 1700)
forment le corps principal de l'orchestre. Une analogie les rapproche des
registres de la voix (soprano, alto, ténor et basse). La souplesse du doigté,
l'aisance de modulation, le timbre homogène et la virtuosité d'exécution commune
aux cordes suffit à en faire le « noyau » de l'orchestre, à l'opposition des
vents qui, généralement, ponctuent et soulignent le discours musical. La ligne
mélodique leur est très souvent accordée, l'homogénéité de leur timbre en fait
un puissant quatuor capable de rendre les effets les plus subtils autant sur le
plan dynamique que pour les modes d'attaques (en pizzicato, col legno : avec le
bois de l'archet). Selon les époques, le rôle des cuivres, des bois et des
percussions sera différent, allant de la coloration des traits musicaux à
l'ajout d'effets sonores inusités, de simples remplissages harmoniques ou, tout
au contraire, de brillantes mélodies exotiques rendues par un timbre
particulier.
Pour assurer une bonne
transmission acou-stique, les instruments à cordes sont disposés au devant de
l'orchestre, leur rôle de noyau et d'interprète mélodique justifiant leur
proximité du chef pour un meilleur contact. La raison la plus importante réside
cependant dans leur infériorité sur le plan de la projection sonore. On entendra
clairement deux trompettes jouant simultanément avec la masse des violons, tout
instrument à vent, bois ou cuivre, ayant une capacité de projection plus grande
que celle d'un instrument à cordes. Il en est de même pour les instruments à
percussion. La harpe, habituellement installée entre les violons et les cuivres,
sert souvent à ponctuer la musique par des accords harmoniques. Le modèle n'a
toutefois pas toujours été le même. Ainsi, Monteverdi dirigeait ses
instrumentistes répartis sur deux côtés de la salle, dans le but de souligner le
contraste entre les parties de certaines de ses œuvres. La mégalomanie
d'effectifs orchestraux dont étaient atteints Berlioz et Wagner a suscité la
création de symphonies titanesques qui n'arrivaient pas encore à satisfaire
leurs compositeurs. Le plus grand orchestre à ce jour aurait été réuni en 1872,
à Boston, pour le Gilmore Peace Jubilee, célébrant la fin de la guerre civile et
de la guerre franco-prussienne. Plus de 4000 instrumentistes étaient présents,
dont plus de 300 violons, 100 violoncelles et 100 contrebasses, 24 clarinettes,
bassons, cors français... À l'imagination de concevoir la salle de spectacle
!
Plusieurs considèrent l'orchestre
des 24 Violons du Roy, celui de Jean-Baptiste Lully et inauguré en 1626, comme
le premier de formation semblable à ceux d'aujourd'hui. Depuis Louis XIII,
beaucoup de changements d'effectifs s'imposent encore dans l'orchestre. Le
mécénat étant encore présent dans les cours impériales et ne disparaissant qu'au
XXe siècle, les formations étaient donc asujetties aux ressources financières
des compagnies et des employeurs, selon les aspirations de la cour en matière de
diffusion culturelle et de divertissement. La disparition de plusieurs sociétés
orchestrales en même temps que des gouvernements monarchiques au cours du XIXe
siècle a même fait des compagnies d'opéra les meilleurs employeurs. Le flambeau
a été toutefois repris grâce à l'intervention de l'État, de sociétés et de
particuliers épris de musique, soucieux de faire partager une si grande
tradition.
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