Livres/Books
July 2, 2003
Version française...
L'Encyclopédie selon Jean-Jacques Nattiez
C'est au printemps dernier que paraissait, en français, le premier tome du
monumental projet Musiques : une encyclopédie pour le XXIe siècle, dirigé
par Jean-Jacques Nattiez. Ce premier tome, intitulé Musiques du XXe
siècle, est
d'abord paru en 2001 chez l'éditeur italien Einaudi. Soulignons au passage que
ce livre volumineux jouit d'une somptueuse présentation : reliure, papier, mise
en page, tout est d'une parfaite esthétique.
Peut-être faut-il rappeler que le
maître d'œuvre de cette monumentale entreprise, Jean-Jacques Nattiez, est un
célèbre musicologue d'origine française, établi au Québec depuis plusieurs
années, où il enseigne à l'Université de Montréal. Il est essentiellement
reconnu pour ses recherches ethnomusicologiques, ses essais de sémiologie
appliquée à la musicologie générale et ses éditions des livres de Pierre Boulez.
Voyons un peu son travail d'architecte.
Dans le domaine de l'encyclopédie musicale, la référence est habituellement
le gargantuesque New Groove Dictionnary of Music and Musicians. De fait,
on imagine mal comment surpasser ce dictionnaire de 29 tomes... L'approche de
Nattiez ne tend précisément pas vers le dictionnaire, mais plutôt vers une vaste
tribune thématique, un peu dans l'esprit de Diderot et de d'Alembert. L'idée
qu'exprime Nattiez dans sa présentation générale est que tenter de peindre une
fresque de tout ce qu'il est possible de savoir est une démarche devenue
utopique et, dans un sens, périmée. Depuis les années 1960, la musicologie
aborde son objet au travers d'un prisme multiforme. Sociologie, psychanalyse,
biologie, anthropologie, économie ne sont que quelques-uns des outils utilisés
pour porter sur la musique un regard pénétrant. Ainsi, l'encyclopédie de Nattiez
ne consiste pas en une collection de faits classés par ordre alphabétique ou
chronologique, mais en un corpus d'articles s'inscrivant dans une charpente
thématique préétablie. Il s'agit
donc moins d'un ouvrage de consultation que d'un ouvrage de lecture. Cette
approche laissant une large place à la multiplicité et à la subjectivité, on
comprendra qu'il y ait certaines inégalités, et même des points de vue
divergents, d'un article à l'autre. Ces asymétries font toutefois partie du
jeu.
Pourquoi commencer par le XXe siècle ? Les disciplines extramusicales
énumérées plus haut se sont jointes à la musicologie à la suite de grands
bouleversements de la pensée survenus au cours du XXe siècle. L'idée de Nattiez
était donc d'ouvrir le bal avec ces bouleversements, avec ces révolutions, de
manière à porter ensuite, dans les autres tomes, un regard sur le passé, mais
avec cette approche moderne. Mais comment aborder le XXe siècle ? Ce premier
tome est constitué de 1492 pages, à travers lesquelles se déploient une
soixantaine d'articles (par presque autant d'auteurs), eux-mêmes répartis en
quatre parties. La première partie traite des recherches effectuées dans le
domaine de la musique savante de tradition occidentale ; la deuxième, des autres
musiques (jazz, musique de film, muzak, rap, techno, etc.) ; la troisième partie
touche un sujet d'actualité : l'économie et les moyens de diffusion de la
musique. Enfin, la quatrième partie concerne les nombreuses hybridations
musicales de notre époque, comme le world beat.
Pour tout dire, la table des matières couvre à elle seule 15 pages. On
remarque la grande pertinence des titres choisis pour chacun des articles. En
effet, ils ciblent clairement les sujets, ces derniers étant généralement
passionnants lorsqu'on les connaît et intrigants lorsqu'on ne les connaît pas :
« La Musique dans les camps de concentration nazis » (Jean-Jacques Van
Vlasselaer), « Musique pop et sexualité » (John Shepherd), « Groupes sociaux et
goûts musicaux » (Mario Baroni), « La Musique savante contemporaine en Afrique »
(Justinian Tamusuza). Ces titres ne risquent pas d'effrayer outre mesure
le néophyte.
Effrayer le néophyte, voilà qui
soulève une question importante : est-ce que cette encyclopédie s'adresse à un
lectorat de connaisseurs, d'amateurs ou moyen ? Cela dépend évidemment des
articles, bien que chacun demande certainement une lecture attentive. En fait,
tous les articles ne font pas appel aux mêmes types de connaissances de la part
du lecteur. Un article comme « Complexité / simplicité / complexité » (Serge
Provost) demande une certaine connaissance du langage musical et de son
histoire, puisqu'il en retrace les aspects de son évolution à travers les
catégories qualitatives complémentaires de la simplicité et de la complexité. En
revanche, certains articles ont parfois quelque peu hermétiques et utilisent un
jargon qui n'est pas spécifiquement musical. Par exemple, un scientifique
trouvera sans doute plus de plaisir qu'un musicien à lire un article comme « Du
rouleau de cire au disque compact » (Jacques Hains), qui résume l'évolution des
technologies audio. Cela dit, plusieurs articles sont de lecture aisée et ne
demandent aucune connaissance particulière. L'article « Aspects économiques de
la vie musicale » (François Colbert), par exemple, consiste essentiellement en
des constats statistiques et des conclusions quelque peu éditorialistes. En
somme, l'entreprise est tellement vaste et volontairement éclectique qu'il y en
a pour tous les goûts...
Or, il y a dans toute cette diversité un dénominateur commun qui a pour nom
Jean-Jacques Nattiez. Celui-ci n'aurait certainement pas signé chacun des
articles de cette encyclopédie. Sa personnalité, ses idées et ses goûts sont
toutefois imprégnés dans la globalité du livre. Le fait que la partie
consacrée à la musique contemporaine de tradition savante et occidentale se
nomme, non sans un certain panache, « Recherches et tendances », et que la
partie consacrée à la musique populaire, d'ambiance, de divertissement, etc., se
nomme simplement « Les Autres Musiques », laisse entrevoir le musicologue
spécialiste de Pierre Boulez. D'autre part, cette partie nommée « Les Autres
Musiques » a un contenu beaucoup plus anthropologique que musical, ce qui est
évidemment l'affaire des auteurs choisis pour ces articles. Mais c'est
précisément Nattiez qui les a choisis et c'est lui que l'on voit entre les
branches. En somme, bien que Jean-Jacques Nattiez ait eu l'ouverture d'esprit de
commander des articles sur une très grande variété de sujets, et parfois à des
auteurs qui sont loin de penser comme lui, le fait qu'il soit le directeur de
cette entreprise est indéniable et un lecteur averti pourrait même le deviner...
Bref, la subjectivité de Nattiez agit comme un ciment sauvegardant toutes ces
subjectivités du chaos. Du reste, la subjectivité est sans doute le mot
clé, en ce qu'elle constitue la particularité et l'originalité de cette
Encyclopédie pour un XXIe siècle, qu'en toute subjectivité, je vous
recommande. Maxime McKinley
Musiques – Une encyclopédie pour le XXIe siècle ; tome 1
: musiques du XXe siècle. Sous la direction de Jean-Jacques Nattiez. Actes
Sud/Cité de la musique, Paris, 2003, 1492 p.
Augusta Holmès ou la gloire interdite
– Une femme compositeur au XIXe
siècle. Michèle
FRIANG, Éditions Autrement, Collection «
Mémoires », no 87, Paris, 2003, 176
p.
Compositeur, chef d'orchestre, interprète, beauté célèbre, fille illégitime
(mais rien n'est confirmé) d'Alfred de Vigny, élève de César Franck (qui aurait
écrit son poignant Quintette après qu'elle se soit refusée à lui),
Augusta Holmès a aussi entretenu des liens privilégiés avec Liszt, qui
l'appelait amicalement, dans ses lettres, « Maestra ». Menant une vie au parfum
de scandale, elle a aussi été pendant de nombreuses années la maîtresse de
Catulle Mendès. Femme de tête et de carrière, elle a composé de nombreuses
œuvres, que ce soient des poèmes symphoniques (Irlande, Pologne), des
odes symphoniques (Hymne à Apollon, mais aussi l'Ode triomphale,
écrite pour le centenaire de la Révolution française), un opéra (La Montagne
noire),
des symphonies ou de nombreuses mélodies (qu'elle chantait elle-même à
l'occasion dans les salons).
L'historienne Michèle Friang trace un portrait saisissant de la musicienne et
tente de nous faire comprendre pourquoi le nom d'Augusta Holmès, sur toutes les
lèvres à son époque, est maintenant tombé dans un quasi-oubli. Est-ce à cause de
son immoralité, de son refus des conventions sociales, de ses inaptitudes
maternelles (Mendès a élevé lui-même les quatre enfants qu'elle lui a donnés),
de son intransigeance (ses crises avant les premières auraient été légendaires)
? Qu'importe finalement, car l'intérêt de ce livre réside plus dans la peinture
d'époque que dans la biographie au sens traditionnel du terme. Holmès se
découvre par petites touches, à travers les témoignages de ses contemporains
(qu'ils s'appellent Massenet, Saint-Saëns ou Mallarmé), mais elle semble
toujours nous échapper. L'écriture de Michèle Friang, parfois un peu trop
savante, est truffée de citations, certes éclairantes, mais qui finissent par
alourdir le texte (par moments, l'impression de lire une thèse universitaire est
forte !). Pourtant, on se surprend à vouloir connaître la vie de cette femme
compositeur (qui aurait sans doute renié le féminin « compositrice ») et on
s'interroge sur la teneur musicale de ses œuvres. Les curieux pourront
d'ailleurs entendre, en première canadienne (et, possiblement, nord-américaine),
La Nuit et l'amour, interprétée par l'OSM en février 2004. Lucie
Renaud
Great Russian Musicians - From Rubinstein to Richter,
Ernst Zaltsberg,
Mosaic Press, New-york, 160 p.,
ISBN: 0889627568
For a long time, Russian
musicians have deservedly been well respected throughout the world. Their
reputation has withstood both the 1917 revolution and the shattering of the
communist dream. So this book provides interesting insights into how remarkable
musicians were produced in Russia, first under the tsars and later in the
communist era. To withstand the tremendous political and social pressures to
which everyone is subjected in Russia and leave their mark, musicians had to be
extremely gifted and courageous. Mere talent was not enough.
The author, who has lived in
Canada since 1981, is himself a product of the Russian school and these
extremely well documented biographical sketches span the history of classical
music in Russia since the founding of the St-Petersburg Conservatory in 1862
right up to the 1960 and beyond. Much of the material is derived from Russian
sources, many of which have never been translated, so it makes for fascinating
reading. The style is sometimes scholarly but never overbearing.
Though a number of the 11 musical
masters presented are little known outside Russia, they all played a significant
role in shaping music and musicianship both in Russia and abroad. With the
exception of Sviatoslav Richter, all of the musicians described in the book were
also outstanding teachers besides being great performers. In one way or another,
all of them impressed and influenced the musicians of their day.
There is much to be learned for a music lover and admirer of the Russian
school from reading this book. Alexandre
Lebedeff
Music and Emotion. Patrik N. JUSLIN et John A.
SLOBODA, Theory and Research Oxford, Oxford
University Press, 2001, 487 p.
Bien que le rapport musique et
émotion puisse être une évidence pour plus d'un, la recherche scientifique à cet
égard laisse à désirer. Le dernier ouvrage d'importance dédié à ce rapport était
Emotion and Meaning in Music de Leonard B. Meyer (University of Chicago Press),
publié en 1956. Cette lacune a finalement été comblée en 2001 par la publication
de Music and Emotion, un livre de P.N. Juslin et J.A. Sloboda. Les auteurs y
font la mise au point de l'état actuel des recherches dans ce domaine, indiquant
qu'il a été ouvertement ignoré par la communauté scientifique.
L'intérêt premier de cet
excellent ouvrage réside dans sa multidisciplinarité. Les auteurs considèrent
que le rapport musique et émotion n'est pas uniquement psychologique, mais tout
autant social, culturel, cognitif, philosophique, biologique et
neuropsychologique. Cette ouverture d'esprit étonne pour ce genre de livre, bien
qu'on puisse remarquer un virage vers la multidisciplinarité dans certains
domaines scientifiques.
Ce livre traite de musique et
d'émotions tant du point de vue du compositeur, de l'interprète que du mélomane,
là encore un traitement inhabituel car, généralement, on ne tient compte que de
l'auditeur en psychologie. Par ailleurs, un chapitre est dédié à l'écoute
personnelle et journalière de la musique, ce qui surprend lorsqu'on sait que ces
études, généralement réalisées en laboratoire, utilisent des extraits musicaux
hors du contexte qui donne justement à la musique sa valeur
émotionnelle.
Ce livre, tout en démontrant l'ampleur de la recherche dans ce domaine, met
aussi en évidence le fait qu'il en reste encore beaucoup à faire. Il donne un
bon aperçu de ce que l'avenir nous réserve, un avenir sans doute fort
intéressant, surtout si les chercheurs maintiennent cette ouverture d'esprit.
Bruno
Deschênes
The Origins of Music. Nils L. WALLIN, Björn MERKER et Steven BROWN, Éditions Cambridge, Cambridge (Massachusetts), 2001, 498 p.
Malgré la quantité considérable
d'ouvrages sur la musique, ceux portant sur ses origines sont encore assez
rares. Cet imposant livre tente de combler ce manque.
Le volume se divise en six
parties. La première présente les bases de recherche de la musicologie
évolutionniste. Les quatre parties suivantes constituent le corps de la
recherche : la deuxième partie traite de la communication animale ; la troisième
aborde l'évolution du langage et de la musique chez l'homme; la quatrième
propose diverses théories de l'origine de la musique et la cinquième nous parle
des universels en musique. La dernière partie conclut l'ensemble.
Malheureusement, ce livre
contient quelques manques et inconsistances. La section sur la communication
animale est longue, bien que d'un très grand intérêt. La section sur le rapport
évolutif du langage et de la musique intéresse davantage : il y est suggéré que
l'avènement du langage ferait suite à la musique et non l'inverse. On y décrit
aussi une flûte faite d'un os datant de plus de 36 000 ans. Malgré cela, le
lecteur reste sur son appétit en ce qui concerne la recherche archéologique.
Dans les quatrième et cinquième parties, on a l'impression d'une inconsistance
parce que la plupart des théories se recoupent plus ou moins. La cinquième
partie, courte et décevante, ne traite que d'un thème ciblé de la musique, alors
que le champ est si vaste.
Malgré ces quelques critiques, ce livre, recommandable par ailleurs, démontre
en fait que les origines de la musique sont encore incomprises et incertaines,
et qu'il reste beaucoup de chemin à parcourir avant d'y arriver. Bruno
Deschênes
Appassionata – Claudio Arrau, prodige,
dandy, visionnaire. André
TUBEUF, Préface de Daniel Barenboïm, NiL
éditions, Paris, 2003, 212 p.
Claudio Arrau, qui nous a quittés en 1991, était né en 1903. Pour commémorer
ce centenaire, le critique musical André Tubeuf, qui fut un ami des dernières
années, a voulu tracer du « Maestro » un portrait à la fois intimiste et
respectueux. Tout au long du livre, souvenirs personnels, anecdotes et
méditations sur l'art s'entremêlent, dans un survol averti du XXe siècle
musical. Les événements biographiques ne sont évoqués que dans la mesure où ils
s'avèrent utiles à la compréhension de l'homme, complexe et cosmopolite. Ainsi,
le côté « dandy » faisait chez lui bon ménage avec le côté « visionnaire ».
Intransigeant dès qu'il s'agissait de son art, il attachait beaucoup d'attention
à ses vêtements et s'adonnait avec passion à la danse... sociale. Il entretenait
aussi un amour profond pour le chant et pour les grandes chanteuses du début du
XXe siècle, dont il collectionnait photos et enregistrements. Autre passion,
moins connue : celle de la nature, des arbres en particulier, nombreux dans sa
propriété d'été du Vermont. Le mérite central de ce livre est de mettre en
lumière les luttes qu'Arrau a livrées contre lui-même pour dépasser l'enfant
prodige qu'il fut afin de devenir l'interprète idéal que son maître bien-aimé
Martin Krause voyait en lui. De très belles pages sont consacrées aux liens
profonds qui unissaient le jeune Claudio à ce pédagogue berlinois exceptionnel,
lui-même élève de Liszt. C'est toute la tradition du siècle romantique qui a été
ainsi transmise à Arrau, en même temps qu'un style de jeu libéré de toute
tension musculaire dont le pianiste était fier. Une précieuse discographie de 16
pages complète cet ouvrage qui se lit d'une traite malgré une certaine verbosité
et un goût parfois immodéré de la formule frappante. Alexandre Lazaridès
Quarante ans au cœur de l'Orchestre symphonique
de Montréal.
Lyse VÉZINA, Les
Éditions Varia, collection Mémoires et
Souvenirs, Montréal, 2000, 219 p.
Quelques jours à peine avant la date de tombée de ce numéro de La Scena
Musicale paraissait chez Varia un deuxième livre de Lyse Vézina intitulé Le
violoncelle : ses origines, son histoire, ses interprètes. Nous reviendrons sur
ce livre lors de notre prochain numéro, mais nous pouvons quand même vous parler
tout de suite de son auteure et vous dire qu'elle peut en effet prétendre
connaître l'instrument dont elle parle, puisqu'elle l'a tenu durant 40 ans au
sein de l'OSM. Réédité en version « revue, corrigée et augmentée », cette
autobiographie est indispensable pour bien connaître l'évolution musicale du
Québec moderne. Depuis ses premiers contacts avec le violoncelle vers l'âge de
11 ans, et son passage à l'Orchestre symphonique de Trois-Rivières à compter de
1947, puis à la Symphonie féminine de Montréal (orchestre composé entièrement de
femmes et dirigé par Ethel Stark, premier orchestre canadien invité à Carnegie
Hall), jusqu'à son entrée à l'OSM en 1954 et sa retraite en 1993, Lyse Vézina
livre un témoignage aussi touchant qu'instructif. On y lit avec intérêt ses
portraits des quatre chefs attitrés qu'elle a connus à l'OSM : Igor Markévitch,
le « Prince de la musique »; Zubin Mehta, « le Magnifique » ; Franz-Paul Decker,
le « Bâtisseur d'orchestres » et, bien sûr, Charles Dutoit, le « Magicien de la
couleur orchestrale ». De ce dernier, elle écrit : « On dit parfois de lui qu'il
a mauvais caractère, mais c'est généralement ce que l'on dit de tous les chefs
qui ont du caractère ». La vie des tournées de l'orchestre et ses
enregistrements sont évoqués avec de nombreux détails et un plaisir que
l'auteure transmet aisément. Réjean Beaucage
Maryvonne Kendergi – La musique en partage (comprend un CD) Louise BAIL, Hurtubise HMH, Cahiers du
Québec, collection Musique, Montréal, 2002,
378 p.
Il y a quelques années, Claude Gingras, le critique de musique classique du
quotidien montréalais La Presse, avait demandé à plusieurs personnalités du
monde musical d'ici quel serait le disque ou l'œuvre qu'ils emporteraient sur
une île déserte. Évidemment, chacun répondait par son œuvre préférée de Bach, de
Beethoven ou de Mozart... Maryvonne Kendergi avait cité, si je me souviens bien,
une œuvre de Serge Garant (ou était-ce Gilles Tremblay ?). Bref, une fois de
plus, celle que l'on nomme ici « la Grand'Mère des musiciens », et qui le prend
à bon droit comme un honneur, persistait dans sa volonté de voir les
compositeurs de chez nous reconnus à leur juste valeur, une tâche à laquelle
elle s'est attelée, avec une ferveur proche du prosélytisme, dès la fin des
années 50 par ses collaborations avec Radio-Canada, puis avec la Faculté de
musique de l'Université de Montréal. Louise Bail, une musicologue qui a suivi
les traces de Maryvonne Kendergi en participant, entre autres, à la fondation de
l'Association pour l'avancement de la recherche en musique du Québec, offre ici
un livre qui s'attache surtout à dépeindre la première moitié de la vie de la
grande dame. Le parcours qui débute en 1915 par sa naissance en Cilicie et la
transporte ensuite à Paris, puis à Gravelbourg, en Saskatchewan, où elle rejoint
ses parents, occupe les deux tiers du livre. C'est en 1956 que Maryvonne
Kendergi choisit de quitter Gravelbourg pour retourner à Paris, en faisant une
escale à Montréal qui durera, pour notre profit, toute sa vie. Participant à la
fondation de la Société de musique contemporaine du Québec en 1966, elle aura
laissé sur notre histoire musicale une empreinte indélébile. Un superbe disque
compact complète la lecture. On peut y entendre des extraits d'émissions qu'elle
a réalisées à Radio-Canada et qui sont autant de morceaux d'histoire. Ses
entretiens avec Stravinski, Milhaud, Boulez, Stockhausen, Varèse, Xenakis,
Garant, Messiaen, Cage, Mercure et d'autres encore ont contribué à façonner
notre paysage musical. Réjean
Beaucage
Niki Goldschmidt: A Life in Canadian Music Gwenlyn Setterfield, University of Toronto Press, 2003,194 p.
Niki Goldschmidt is a man who
loves classical music in particular vocal and choral music and opera. For this
generation of musicians and music-lovers, the name Niki Goldschmidt is
synonymous with the successful Toronto International Choral Festivals (1989,
1993 and 2002) and Music Canada Musique 2000. Gwenlyn Setterfield's biography of
Goldschmidt reveals the 94-year-old spitfire as an accomplished
self-accompanying lieder recitalist championing Hugo Wolf, an operatic
conductor, an early talent as composer and arranger, Canada's godfather of music
festivals, and operatic pioneer.
At an early age, Goldschmidt's
ability to motivate and inspire revealed itself in his collection of rare
butterflies; his brothers and the entire home town of Modavia (now in the Czech
Republic) became involved. The large collection was given to the Museum in
Znojmo before he left Europe in 1937 for the US.
Music was always a part of Goldschmidt's youth; the brothers spent hours
playing duets on the piano of actual works, including the piano reduction of
Wagner's Gotterdammerung. It was a rather unorthodox approach to
learning music and piano technique, but it promoted excellent sight reading
skills and knowledge of the musical literature. Goldschmidt's philosophy is that
children "must love the music first before they get into all those scales." He
went on to study music in Vienna where on occasion he played piano four-hands
with fellow student Herbert von Karajan. The 1927 centenary Festival of
Beethoven's death became a model for Goldschmidt's future endeavours.
Through the 1930s Goldschmidt
worked his way from coach to assistant conductor and from chorus master to
conductor in the German theatres of northern Czechoslovakia. In 1937, he left
for the US where he taught at Columbia University and the San Francisco
Conservatory.
In 1946, at age 38, Goldschmidt
arrived in Canada to start an opera school at the Royal Conservatory and the
University of Toronto; he heard of Arnold Walter's search by chance, and Canada
has since reaped the rewards of this tireless visionary.
In only 193 pages of text,
Setterfield successfully paints Goldschmidt as the man behind Toronto's first
opera school (which begot the Canadian Opera Company), the Vancouver
International Festival in the 1950s, the Guelph Spring Festival, the Algoma Fall
Festival, the 1967 centenary celebrations Festival Canada, the 1983 Competition
marking the Bach bi centennial and commemorating Glenn Gould, and the Mozart
International Competition, as well as the choral festivals and millennium
celebrations.
In the foreword to the book, Teresa Stratas aptly calls Goldschmidt a
visionary, for it has been his uncompromising attention to quality, in stressing
the need to promote Canadians and new music alongside international standards,
that has helped advance music in Canada. A Life in Canadian Music is
required reading for all in the arts community as well as the general public.
Wah Keung
Chan
Editor's Note: Since the
writing of the book, Goldschmidt organized a successful tribute to Hugo Wolf in
Montreal and is planning a hommage to Benjamin Britten in Toronto in October
2003
Version française... |
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