Radio-Canada fait peau neuve Par Marie Trudel
/ 2 septembre 2002
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La chaîne d'État revoit sérieusement la production
musicale de sa radio française.
On a décidé de regrouper dans un
même service toutes les ressources financières et créatives de la production
musicale, isolées depuis des années », raconte Christiane LeBlanc, directrice de
la production musicale depuis environ six mois à la radio française de
Radio-Canada. « Par production musicale, on entend le travail réalisé en studio
avec des musiciens en chair et en os, précise-t-elle, par opposition à la
diffusion de disques, comme le font certaines stations. » Pour la directrice, la
diffusion en direct reste une priorité et même une caractéristique de la radio
française de Radio-Canada.
Le secteur musical français de
la radio d'État entend continuer à privilégier l'appui aux jeunes artistes, la
commande et la création d'œuvres tout autant que la diffusion de multiples
concerts enregistrés partout au Canada. « C'est une façon pour nous de refléter
l'accès à un haut niveau musical que nous tenons aussi à offrir aux auditeurs
des régions – où les activités de concerts sont souvent rares », explique
Christiane LeBlanc. Toutefois, cette dernière croit que la nouvelle direction
apportera très certainement « un changement à tout point de vue dans la
structure interne de Radio-Canada, dans le but de développer à long terme une
nouvelle synergie, une stratégie commune, une vision canalisée ». Outre Bande à
part.com, site Web de Radio-Canada sur la musique alternative, la radio
française de la société comprend les services Nouveaux Médias, Galaxie (musique
continue par câblodistribution), la Première Chaîne, la Chaîne culturelle ainsi
que Radio-Canada International. Mais c'est la première fois, à la société
d'État, que tous les genres musicaux sont réunis sous un même chapeau de
production : classique, hip hop, rap, jazz, chanson d'expression française et
musiques du monde. « C'est une famille devenue très large, dit la directrice, et
ce qui est intéressant, c'est que ma position me donne accès à plusieurs
plates-formes de diffusion et de distribution. »
Le « multiplates-formes »
Christiane LeBlanc cite deux
réalisations « multiplates-formes » qu'elle a déjà concrétisées avec son équipe.
Le récent Concours International de Montréal des Jeunesses Musicales en est une.
« Pour faire le concours en direct sur le Web, explique la directrice, j'ai
réuni des réalisateurs de Bande à part, expérimentés en captation visuelle, et
des réalisateurs en son de formation très classique, ce qui a produit un
résultat fort intéressant. De plus, Radio-Canada International a diffusé le
concours en Chine et on l'a offert aussi à toutes les radios européennes. Le
gala a également été diffusé sur ARTV. » Rappelons que le site Web
, qui existe depuis un an et demi et se retrouve
aujourd'hui intégré sous la direction de Christiane LeBlanc, ne tend pas
vraiment vers l'opéra... mais plutôt vers le rock, le pop, le rap et les autres
singularités dont il fait des captations visuelles pour la génération des 15-30
ans.
D'autre part, la présentation sur le site Web de la radio d'État des
coulisses de production de Don Giovanni – qui a été présenté à Québec au printemps
dernier et sera diffusé le 14 septembre à l'Opéra du samedi – a été qualifiée de
très probante par la directrice, qui a envoyé l'équipe Internet de Radio-Canada
sur les lieux des répétitions. « Je pense que c'est une première mondiale,
dit-elle. En synchronisation parfaite avec l'opéra à la radio, les gens vont
pouvoir suivre la traduction française sur leur écran, grâce à la bande de
défilement que nous avons créée. » Quant au matériel des coulisses de production
– photos, entrevues avec les artistes, vues d'arrière-scène –, le spectateur
pourra le consulter à son gré sur l'écran, histoire d'éviter une fixation
fastidieuse des yeux sur le texte. « Les jeunes de nos services Internet, qui
connaissent peu le monde de la musique classique, ont trouvé extraordinaire leur
expérience dans les coulisses d'une maison d'opéra. Je pense que ces amalgames
vont provoquer des développements vraiment intéressants et qu'ils représentent
une valeur ajoutée à notre produit initial ! » Les productions musicales et leur
nouvelle dirigeante comptent donc utiliser à fond cet atout des «
multiplates-formes ».
Quant aux événements en direct,
Christiane LeBlanc souhaite les « bonifier, car on aime être près de l'événement
». Ainsi, elle veut améliorer grandement le contact direct avec les auditeurs
des régions. « C'est là un aspect très important de notre travail »,
insiste-t-elle. La radio française de Radio-Canada étant déjà, d'après elle, le
reflet des réalisations musicales qui ont lieu d'un bout à l'autre du Canada,
elle désire, en outre, faire en sorte que soient utilisés au maximum les talents
et les compétences des réalisateurs en place depuis longtemps. Pour la saison
qui vient, la directrice parle d'innovation, d'une place privilégiée à prendre
et de l'importance à donner à certaines séries telles Musiques du monde, « parce
que nous sommes dans une ère de globalisation et que c'est répondre là à un
désir des gens ». Christiane LeBlanc compte utiliser abondamment ces outils de
diffusion, par exemple en partenariat avec les radios européennes, pour
promouvoir internationalement les talents qu'elle espère découvrir grâce au
réseau d'éclaireurs qu'elle et son équipe sont en train de mettre sur pied
partout au Canada. « Parce qu'on est quand même très branchés! »,
affirme-t-elle. Et, selon ses vœux personnels, la chanson d'expression française
devrait aussi trouver sa place dans ce nouveau paysage multisonore.
Des gestionnaires et des
réalisateurs de tout âge, expériences et genres confondus, et dont 80 %
détiennent une certaine formation en musique, composent l'équipe de Christiane
LeBlanc. « Cette équipe doit avoir l'esprit ouvert, dit-elle, car une nouvelle
aventure commence, mais je sais fort bien qu'on ne change pas facilement une
culture radio-canadienne implantée depuis longtemps. » Elle n'a donc pas craint
d'aller chercher du sang neuf, dans l'industrie privée de la musique, « des
personnes de formation et de pensée différentes, ayant œuvré dans des milieux
autres que la radio publique ou le Conseil des arts. J'ai beau être créative et
pourvue d'un certain leadership, je n'ai pas de baguette magique. Et l'on
souhaitait de toute manière se rapprocher de l'industrie musicale en dehors de
Radio-Canada. »
Se définissant comme « une femme
qui fonctionne aux projets », elle reconnaît en son plus récent service
l'immense responsabilité qu'il suscite, alors qu'il « s'étend de Halifax à
Vancouver, avec tous les genres de musique confondus et toutes ces
plates-formes! Mais c'est ce qui me fait arriver au bureau chaque matin avec
énormément de bonheur! » D'ailleurs, la fibre artistique de Christiane LeBlanc,
elle-même fille et sœur de cantatrices, vibre de plus belle lorsqu'elle retrouve
matérialisée dans un lieu de concert l'idée farfelue née de rien un an
auparavant. « Quand je pense aux 25 000 auditeurs à l'antenne, que je vois le
public dans la salle et les musiciens heureux sur scène, je me dis : voilà mon
moteur! »
Cette femme délicate, mais non
moins énergique et dont le regard immensément bleu laisse entrevoir une
motivation d'acier, affirme : « Je n'aime pas faire des discours de papier. Il
faut que ça s'incarne! Je dois sentir à l'antenne et voir dans les yeux des
réalisateurs que tout le monde vibre un petit peu au même diapason! L'auditeur
est invisible mais il faut avoir envie de lui communiquer quelque chose. En
musique, ce n'est pas un partage d'information, mais plutôt d'émotion et
d'intimité. Et il faut aimer partager. Sinon, je pense que ce n'est pas
intéressant. »
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