Il
est intéressant -- et agréable! -- de constater que des sentiments réalistes et
optimistes occupent une place égale dans le coeur des gens du milieu musical de
la ville de Québec, tant chez les directeurs d’organisme et les coordonnateurs
de programmes que chez les musiciens de carrière qui y vivent et y travaillent.
Dans le dédale des difficultés que rencontrent ces personnes semble briller un
espoir en un avenir prometteur... un avenir qui se manifeste déjà fortement au
présent.
Le palais Montcalm
Daniel Laforce, directeur de la programmation du
palais Montcalm, raconte comment la série»Classique et Cie», auparavant sous la
gouverne de l’Institut canadien de Québec, est devenue, depuis deux ans,
l’apanage du Palais.»Nous avons remis en question la philosophie de sa
programmation et de sa mise en marché. Nous visons à développer une clientèle de
700 à 800 personnes par concert dans un ensemble éventuel de 40 événements par
année plutôt que 8. L’an dernier, le nombre d’abonnements avait triplé et, cette
année, il a encore augmenté de 15 %. Nous sommes donc assez contents!»
Daniel Laforce demeure quand même réaliste. Il n’est pas facile, selon lui, d’attirer des gens aux concerts classiques, surtout les jeunes.»Le marché, dit-il, demeure très petit.»L’an dernier, le Palais a reçu Andreas Staier,»un baroqueux claveciniste branché!», précise Laforce. Cette année, dans la même veine»branchée», le Palais accueillera le haute-contre Andreas Scholl, la violoniste Lara St. John, ainsi que le jeune hautboïste Philippe Magnan. Laforce considère essentiel de familiariser davantage le public de»Classique et Cie»avec le répertoire de base, qu’il appelle le»corpus musical classique»: Chopin, Liszt et Beethoven, par exemple. Les activités du palais Montcalm sont supportées financièrement par le ministère de la Culture du Québec et par Radio-Canada, qui agit à titre de coproducteur et enregistre tous les concerts. Les budgets de promotion sont encore trop maigres au goût du directeur, même si la vision d’ensemble de ce dernier est optimiste:»Je peux dire aux lecteurs de La
Scena Musicale que, à Québec, l’effervescence actuelle en musique classique
ne s’estompera pas, affirme-t-il sans ambages, car, malgré les difficultés, un
milieu s’est créé.»Laforce souligne également l’existence, depuis deux ans, à
Québec, de l’organisme Québec-Musica, qui a pour mandat de développer les
marchés de la culture. Le directeur attend de pied ferme la rénovation de la
salle du palais Montcalm.»Selon notre projet d’en faire une salle de concert,
conclut-il, il est certain qu’il va falloir mettre des concerts dedans!»Ce que
Daniel Laforce semble, plus que jamais, résolu à faire.
L’Orchestre symphonique de Québec (OSQ)
L’administratrice artistique à l’OSQ, Judith de Repentigny, déclare que»la vie musicale de la ville est en ébullition. Québec vit un peu ce qui s’est produit à Montréal il y a environ 15 ans». En ce qui concerne l’OSQ, ce nouveau dynamisme correspond, d’après elle, à l’arrivée encore récente de Yoav Talmi.»Avec lui, l’orchestre a pris un nouveau souffle. On trouve de nouveaux types de concerts et de nouvelles idées musicales.»Une interaction positive, croit-elle, entre les différents organismes musicaux pousse les musiciens à se dépasser pour offrir au public une diversité intéressante de spectacles. Aux yeux de Judith de Repentigny, l’OSQ est un»vaisseau amiral en pleine maturité»ayant traversé différentes phases de renouvellement.»C’est le plus vieil orchestre actif au Canada!»précise-t-elle avec fierté. L’OSQ présente une moyenne annuelle de 40 concerts, incluant les concerts d’été.»C’est la chaleur de l’accueil des gens de Québec, assure Judith de Repentigny, qui a séduit pour beaucoup Talmi lors de son arrivée ici.»Stéphane Laforest est toujours l’assistant-chef à l’OSQ et la série populaire d’Hydro-Québec accueillera, cette saison-ci, Bob Walsh,»qui fera sa première rentrée symphonique!»annonce l’administratrice. Quant à Bernard Labadie, aussi directeur artistique de l’Opéra de Québec, il mènera ses»Violons» dans la fosse de l’OSQ pour y jouer Mozart. De plus, l’OSQ a réalisé deux disques, mijote des projets de tournée canadienne et prépare allègrement son centenaire:»On veut le souligner de grande et belle façon, dit l’administratrice. C’est quelque chose, pour un orchestre, d’atteindre 100 ans! On offrira des éléments spéciaux de programmation et des surprises. Il faut surveiller cette programmation qui sortira en mars 2002!», conclut avec enthousiasme Judith de Repentigny.
Les Violons du Roy
À Québec même, Les Violons du Roy joueront, entre
autres, du Bach, du Haendel et du Mendelssohn. Le directeur général et financier
de l’organisme depuis cinq ans, Simon Noël, explique que Les Violons du Roy
(spécialisés, comme on le sait, dans la musique des xviie et xviiie
siècles)»abordent occasionnellement la musique du xixe siècle et un peu celle du
XXe», comme ce sera le cas lors du concert du 19 novembre. Simon Noël trouve que
le public de Québec répond extrêmement bien à la diversité musicale que présente
la ville. À cet égard, il signale son regret face au manque de productions de
musique contemporaine, sinon à l’Université Laval et au Conservatoire.»D’après
des statistiques du ministère de la Culture, la reprise la plus importante
d’activités, de 1995 à 2000, aurait été en musique classique, et ce, non
seulement à Québec, mais dans toute la province. Au fond, on est train de bâtir
la tradition», conclut le directeur général avec une certaine satisfaction.
Les Violons du Roy sont subventionnés par le Conseil des
Arts du Canada, par le Conseil des arts et des lettres du Québec et par la Ville
de Québec, mais monsieur Noël, en bon administrateur financier, trouve difficile
la réalité de la vie des musiciens à Québec. «Un musicien, ici, n’accumule pas
suffisamment de semaines de travail. Et il y a moins d’organismes qu’à Montréal
où il peut jouer comme pigiste.» Il souhaite que la fusion des municipalités
améliore le financement des organismes culturels. «Le Conseil de la culture de
la région de Québec a fait des demandes en ce sens», assure le directeur
général, qui surveille, lui aussi, d’un oeil vigilant le projet de rénovation de
la salle du palais Montcalm, laquelle, selon lui, devrait être prête, avec ses
1000 places, en 2003 ou en 2004. «Ce projet de rénovation serait capital pour
notre développement. De plus, affirme-t-il, des études approfondies d’acoustique
ont été réalisées par des experts du monde entier pour essayer d’éviter,
justement, les erreurs du passé!» Sans aucun doute, la musique classique
s’impose, vit et bouge à Québec. Grâce au dynamisme du milieu, l’avenir s’empare
déjà du présent. Cela ne peut que servir les intérêts de tous les musiciens
soucieux et amoureux de leur art.