Faisant peu à peu son chemin, le quatuor à cordes
Bozzini peut se féliciter d’une année bien remplie. En effet, c’est à l’automne
de l’an 2000 que cette jeune formation fit sa première percée en s’associant
avec le guitariste compositeur Tim Brady, le chevronné directeur de l’Ensemble
Bradyworks et l’organisateur des Concerts M. Fort de sa première saison, ce
quatuor semble désormais sur sa lancée, comme le confirme sa feuille de route
des derniers mois: première tournée européenne en Allemagne et en Suisse (fin
d’avril, début de mai), résidence au Festival June in Buffalo, concert estival à
Montréal en août, «L’Odyssée du quatuor à cordes»(un ambitieux programme de
trois concerts en une soirée au Théâtre de la Chapelle le 15 septembre dernier),
trois prestations à New York, au Kitchen et au American Festival of Microtonal
Music, dans la dernière quinzaine du mois, bref, de quoi susciter l’envie de
plus d’un ensemble de musique de chambre.
Fondée en 1998 par les soeurs Bozzini (Stéphanie à l’alto
et Isabelle au violoncelle), cette formation montréalaise mise principalement
sur le répertoire contemporain, donc de compositeurs de notre temps, comme le
souligne la violoncelliste, mais cela ne l’empêche pas pour autant d’inscrire
des pages de Haydn, de Mozart ou de Chostakovitch dans ses programmes de
concert. Comme deux et deux font quatre, l’ensemble compte aussi sur deux
violonistes expérimentés, soit Clemens Merkel (un virtuose spécialiste en
musiques contemporaines, qui a quitté son Allemagne natale pour s’établir au
Québec) et Geneviève Beaudry (une interprète d’expérience qui a trempé dans tous
les répertoires, tant ancien, baroque que contemporain).
«Le quatuor est l’aboutissement de notre expérience
commune», explique Isabelle, à peine de retour d’un second séjour européen qui lui a permis de jouer en duo, avec son conjoint Clemens, dans le prestigieux festival Ultima à Oslo.» En fait, c’est au moment de poursuivre mes études à l’Université de Montréal que j’ai formé un premier groupe avec ma soeur, le Quatuor Euterpe, et celui-ci nous a permis d’explorer un large éventail de musiques, tant “classiques” que “contemporaines”.» De Ives à Feldman, voire de Webern à Nono, l’actuel quatuor dispose d’un solide répertoire de référence, mais ce sont aussi les créations de nouvelles oeuvres qui lui donnent son cachet. Plus que jamais, cette belle équipe poursuit son travail d’approfondissement des musiques de notre temps en exécutant un nombre accru d’oeuvres québécoises et canadiennes, dont des créations récentes de pièces commandées à Jean Lesage, à Justin Marriner et à Michael Oesterle. Par-delà les titres qui composent son répertoire, cet ensemble cherche toujours à faire reculer ses frontières et sa récente Odyssée du mois
de septembre lui a d’ailleurs donné l’occasion de présenter des programmes
complets de musique microtonale et «électrique».
En dépit du rythme croissant des activités du quatuor, il
n’en demeure pas moins que la partie est loin d’être gagnée. «Nous sommes des
musiciens pigistes après tout», renchérit Stéphanie, la soeur cadette, «car on
doit encore faire toutes sortes de musiques, qu’elles soient baroques,
classiques ou simplement alimentaires. Cependant, j’ai eu de la chance, parce
que j’ai pu travailler dans plusieurs ensembles européens lors de mon stage
d’études de deux ans à la Musikhochschule de Zurich.» Outre des cours
particuliers qu’elle donne à l’Université Concordia, Isabelle est, elle aussi,
active sur plusieurs fronts, notamment au sein des ensembles Arion et Kore.
Comme tout nouveau venu qui cherche à se tailler une
place au soleil, le quatuor place l’enregistrement au coeur de ses
préoccupations. À ce chapitre, les nouvelles semblent prometteuses, car deux
projets sérieux sont sur la table en ce moment. «À la suite de notre tournée
européenne du printemps, précise la violoncelliste, nous avons eu une réaction
favorable de la part de la maison Wandelweiser en Suisse, et elle se dit bien
intéressée par nous, mais rien n’est encore arrêté en ce moment.» Désireux de
diffuser la musique de chez nous, le quatuor compte aussi graver un autre disque
vers la fin de l’été 2002, quoique les recherches se poursuivent toujours pour
trouver du soutien.
Bien lancé dans sa deuxième saison des Concerts M, le quatuor ne ralentira en rien ses activités durant les prochains mois et on pourra d’ailleurs l’entendre à cinq reprises d’ici mai. Parmi les rendez-vous prévus, le plus ambitieux de tous sera celui du 12 au 16 mars, lorsque le Quatuor Bozzini et l’Ensemble Bradyworks se diviseront les honneurs d’un événement conjoint (Voyage Dublin [Montréal] avec
deux formations irlandaises, le Crash Ensemble et Vox 21. D’ici là, on pourra
voir le quatuor dès le 11 novembre prochain, à 20 h, dans la salle de récital
des Jeunesses Musicales du Canada (305, avenue Mont-Royal, 845-4108). Fidèle à
sa vocation de présenter la contemporanéité musicale selon ses époques, le
quatuor interprétera une oeuvre de Malcolm Goldstein, en plus d’une de Sciarrino
et d’une de Webern.