Les sentiers du jazz Par Marc Chénard
/ 1 juin 2001
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Tout le monde connaît l’histoire y´ vers la fin de mars, au moment où les torpeurs de l’hiver commencent à peine à laisser place aux douces brises d’un printemps toujours hésitant, les premiers signes de la ferveur estivale se dessinent dans le décor culturel montréalais. Et qui dit estival dit… festival. Si bien qu’on peut facilement parler de pléthore, tant ils sont nombreux et variés en cette période de l’année. Au centre de cette constellation, il y a toujours le Prométhée du Festival international de jazz de Montréal (FIJM) qui nous revient pour sa 22e édition annuelle. Le FIJM occupera une fois de plus l’avant scène du Montréal culturel pendant ses 10 jours, soit du 28 juin au 8 juillet.
Mais cette année, le Montréal jazzistique ne se résume pas à cette seule kermesse musicale, qui comprend tous les genres de musique sur ses scènes extérieures… sans oublier quelques soupçons de jazz pour la cause. L’année dernière, des musiciens de jazz montréalais se permirent d’organiser un événement parallèle : l’Off Festival. Après un succès financier inespéré, son comité organisateur revient avec une seconde édition qui misera d’abord et avant tout sur les talents d’ici. Aux dernières nouvelles, les spectacles seront tenus dans trois salles : Le Lion d’Or, le Cheval Blanc et l’Alizé - ces deux dernières rue Ontario, la première au coin de St-Hubert, la deuxième à l’angle de Papineau. Du big band, à l’électrique, au bop, en passant par la musique improvisée, la programmation sera variée et remplie de nouveaux groupes et projets, comme on nous l’annonce à la veille du dévoilement officiel, le 5 juin prochain.
Si cette double dose de festivalité vous semble copieuse, sachez que l’histoire ne s’arrête pas là, car un troisième joueur vient se faufiler dans le paysage. Sans tambour ni trompette, une modeste petite boîte sise rue St-Laurent, à quelques pas du boulevard St-Joseph, est en voie de devenir le nouveau creuset des énergies créatives de la ville, tous genres confondus õ musiques électroniques, improvisées, jazzistiques, projections de films, soirées de poésie, rien n’est hors de portée en ce nouveau lieu, ouvert depuis septembre dernier. Outre son resto végétarien, qui attire une clientèle régulière le jour, La Casa del Popolo accueille en soirée des spectacles à l’intention d’un public jeune, quoiqu’elle ne manque pas de chercher une part de têtes grisonnantes aussi. Ne reculant devant rien, les jeunes proprios se sont lancés, eux aussi, dans l’arène du jazz en mettant sur pied un remarquable événement de cinq semaines. Nommé le Primo festivale il Suono per il Popolo (Le premier festival des sons pour le peuple), ce defilé musical démarre le 14 juin prochain pour se poursuivre jusqu’au 22 juillet.
Côté programmation, l’accent sera mis sur les musiques improvisées ; on pourra donc compter sur le concours d’artistes de pointe de la scène locale et d’ailleurs, New-York et Chicago en tête de liste. Quoique modeste, la participation européenne comptera deux têtes d’affiches, le saxo britannique Evan Parker et son compatriote de 71 ans, Derek Bailey, un improvisateur sans concession aucune et vénéré par ses pairs, dont Jim Hall et Pat Metheny. Le cortège new-yorkais viendra en force et on pourra y découvir des musiciens de pointe, dont le pianiste Matthew Shipp (en duo avec le bassiste William Parker), la batteuse Susie Ibarra, le saxo alto Tim Berne… De Chicago, enfin, le vétéran saxo ténor Fred Anderson sera présent, tout comme son jeune compère Ken Vandermark, sans oublier le très branché Chicago Underground Duo, pour ne nommer que ceux-là. En tout et pour tout, 22 groupes répartis sur 35 jours, le tout sagement entrecoupé de pauses pour bien recharger ses batteries.
Quant au FIJM, il envahira une fois de plus le quadrilatère de la Place des Arts, bien que la plus grande part du jazz de son programme sera surtout réservée pour ses salles de concert. Certes, il y a les grandes stars et nul n’a besoin de les énumérer, tant leurs noms tapissent la place publique. Pourtant, l’amateur de jazz un tant soit peu au fait saura reconnaître la valeur d’un David Murray (en journée d’ouverture), le vétéran hard bopper Johnny Griffin et le saxo soprano Steve Lacy, de plus en plus assagi de ses audaces d’antan. L’averti, pour sa part, trouvera son plaisir dans la série « Jazz contemporain », présentée à 21 heures au Musée d’art contemporain. À noter, ici, le quintette du pianiste français Benoît Delbecq (avec l’excellent clarinettiste et ex-Montréalais François Houle) ainsi que le bassiste Barre Phillips (en trio à cordes avec le violoniste suisse Hans Bürgener et son compatriote violoncelliste Martin Schütz, puis en tandem avec le couple montréalais formé de Michel et Janette Lambert, batteur et chanteuse respectivement). En terminant, il importe de glisser un mot sur les séries de films et de vidéos de la Cinémathèque québécoise, celles-ci nous permettant de revoir les disparus et les (sur)vivants aussi. L’une de ces séries sera d’ailleurs axée sur les longs métrages aux trames sonores créées par des jazzmen.
Avec ce raz-de-marée de musiques, les amateurs de jazz
seront choyés cette année, et notre ville n’aura absolument rien à envier à bien
des hauts-lieux de cette grande musique urbaine. Décidément, la corne
d’abondance n’aura jamais été aussi pleine qu’elle le sera cette année
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