Le réalisateur de 32 films brefs sur Glenn Gould et du
Violon rouge était de retour à Montréal, après un séjour à l’étranger où il a
effectué du repérage pour son prochain long métrage, La Femme du magicien. Il
nous a accordé une entrevue où il fait part de ses opinions tranchées sur,
notamment, l’opéra.
Il est de retour à Montréal pour, entre autres choses, assurer la mise en
scène au Quat’Sous du Novecento de Barrico, l’histoire d’un pianiste qui passa
toute sa vie sur un paquebot luxueux. Curieusement, la musique ne jouera pas un
rôle de premier plan dans la pièce. « Ce sera plutôt une musique sur bande,
très minimale, beaucoup plus près de l’ambiance sonore, en fait. Le texte étant
un long monologue, très musical en lui-même, je n’ai pas senti le besoin d’en
rajouter. »
François Girard entretient un rapport avec la musique particulièrement
constant dans ses oeuvres. Pourtant, il affirme ne pas entretenir avec ce
langage un lien plus profond que n’importe quel autre cinéaste. « Tous ont
un rapport privilégié avec la musique, car elle dit des choses que la langue des
mots ne dit pas. »
Questionné un peu plus, il révèle être pianiste à ses heures. « En pur
dilettante », précise-t-il, par humilité plutôt que par prétention. On
découvre également que des lecteurs cd se cachent dans toutes les pièces de sa
maison, et qu’ils « roulent tout le temps ».
La musique est un lieu qu’il dit aimer habiter. Et l’opéra? Après tout, en
1997, à Toronto, François Girard a monté Oedipus Rex de Stravinski ainsi que la
Symphonie de psaumes dans une mise en scène qui a conquis la critique et le
public. Y verrait-on un amour marqué pour la forme? C’est en réalité plus
complexe et plus ambivalent que cela. On pourrait plutôt parler d’une relation
claire-obscure avec cette forme.
D’abord, François Girard avoue que le grand répertoire d’opéra ne lui plaît
pas beaucoup. « Plusieurs oeuvres, et surtout celles du xixe siècle,
ont à mon avis mal vieilli. Les compositeurs ont trop souvent fait du
divertissement grand public et ils sont allés en deçà de leurs possibilités. Ce
genre d’opéra est, en ce sens, l’ancêtre du cinéma à grand déploiement.
D’ailleurs, historiquement, lorsque le cinéma est arrivé, il a obligé l’opéra du
xxe siècle à se redéfinir. C’est là que l’opéra commence à m’intéresser.
C’est ce qui m’a attiré chez Stravinski. On sent cette redéfinition de la forme,
ce questionnement. »
Il déclare avoir reçu des offres du Châtelet à Paris, ainsi que de l’English
National Opera de Londres, et être très intéressé. Kurt Weill est mentionné,
échappé plutôt, mais, comme s’il venait de commettre une grave indiscrétion, il
se referme aussitôt. Il dit chercher quelque chose qui le stimule. Oedipus Rex
reste l’un des bons souvenirs qu’il garde de son travail de création. « Pas
une seule mesure ni une seule répétition ne m’ont ennuyé. Quand le sujet est
intéressant, comme avec Stravinski, travailler à l’opéra est un grand
plaisir. »
Pourrions-nous le voir un jour à Montréal dans une mise en scène à l’opéra?
« J’ai eu des offres de Paris, de Londres et de Toronto, mais jamais de
Montréal. J’aimerais y monter Oedipus Rex, c’est certain. C’est un choix
artistique des administrateurs. À Toronto, ils l’ont fait, avec les risques que
cela comporte, et ils ont réussi. Ils ont également demandé à Robert Lepage et à
Atom Egoyan de tenter l’expérience. Ils ont rempli les salles avec un nouveau
public, jeune et branché. Ici, il y a un climat de morosité qui semble nuire à
ce type de collaboration non traditionnelle. C’est dommage. »
L’avenir est porteur d’espoir, dit-on. Alors continuons à l’entretenir et
peut-être le message sera-t-il un jour entendu.
Novecento sera présenté au Théâtre de Quat’Sous du 23 avril au 2 juin.
Info: (514) 845-7277.