Otello sans le génie de la folie Par Stéphane Villemin
/ 1 octobre 2000
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Otello de Giuseppe Verdi Hummingbird Centre, Toronto
Montano Thomas Goerz
Cassio Michael Colvin
Iago William Stone
Roderigo Roger Honeywell
Lodovico Alain Coulombe
Desdemone Zvetelina Vassileva
Otello Vladimir Bogachov
Emilia Anita Krause
Un héraut Andrew Tees
Chef d'orchestre: Richard Bradshaw
Richard Bradshaw doit a priori posséder un avantage
sérieux sur ses collègues invités à
diriger au Hummingbird Centre, celui de connaître les lieux.
Maîtriser l'acoustique capricieuse de la salle ainsi que sa
très artificielle correction par le biais de microphones et de
hauts-parleurs relève d'un exercice d'équilibriste qui
ne se termine pas en général de manière
agréable pour le public. Bradshaw alignait un autre atout ce
soir-là, fait d'un décor très efficace. Certes,
le succès d'une pièce comme Otello ne réside pas
en ses décors, et pourrait même s'en passer sans perdre
de sa force. Mais ceux de Robin Phillips bien que relevant du lieu
commun, avaient au moins l'intérêt de refléter
les voix des chanteurs vers le public. Entendre les
mélopées s'enrichir de leurs harmoniques et diffuser
au-dessus des décibels de l'orchestre est devenu chose assez
rare de nos jours pour qu'elle vaille la peine d'être
soulignée. Primum non nocere devrait être la
devise de tout chef.
Le ténor russe Vladimir Bogachov, constamment sous les feux de
la rampe fut à la hauteur de l'extrême difficulté
du rôle qu'il interpréta, malgré un léger
manque de lyrisme lorsque les paroles le demandaient ("Ora e per
sempre addio") sans doute le fait d'une trop grande concentration
ou d'un jeu théatral en décalage avec l'expression
vocale. Cela vallait aussi pour Desdemone, chantée par la
Bulgare Zvetelina Vassileva; elle fut cependant très
égale tout au long des quatre actes, avec une voix très
ouverte et très claire, surpassant même par sa richesse
celle d'Otello dans le duo "Già nella notte" du premier
acte. Le Iago de William Stone (baryton américain connu
à l'Opéra de Paris et à Aix en Provence) fut
finalement le plus complet. Il faut aussi souligner les apports
remarquables de Michael Colvin dans Cassio, d'Alain Coulombe dans
Lodovico et de Thomas Goerz en Montano. Quant aux choeurs, dont on
connaît l'importance chez Verdi, ils furent d'une grande tenue
pour chacune de leurs interventions.
Cette représentation honorable pouvait donc satisfaire
l'oreille vierge qui avait bien voulu mettre de côté
toutes les versions de référence qui ont forgé
l'histoire de l'opéra. Somme toute, Otello est un long
crescendo magnifique et tragique à la fois. Sans une vision
globale et en l'absence d'un catalyseur qui distille progressivement
les ingrédients faisant monter la tension jusqu'à son
paroxysme, ce n'est plus qu'un bon opéra que l'on a
empêché d'être génial.
Stéphane Villemin
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