Jazz: Plages d'été Par Marc Chénard
/ 1 juillet 2001
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Début juillet et Montréal jazze sous toutes ses
coutures. Outre le FIJM, les musiciens locaux se sont dotés de leur propre
événement (le Off Festival, dont il a été question dans la précédente
chronique.) Quant aux férus des musiques improvisées, ils sont aussi choyés par
l’ambitieux festival de cinq semaines tenu à la Casa del Popolo (voir annonce
dans ces pages). Mais sitôt la fin de ce grand déferlement, la ferveur
jazzistique montréalaise se dissipe pour le reste de la période estivale. Quoi
qu’il en soit, les mélomanes pourront trouver leur plaisir dans ces temps creux,
car les nouveautés foisonnent, à la mesure de toutes les oreilles. Parmi elles,
signalons quelques parutions dignes d’intérêt. (Tous les disques sont cotés
trois ou quatre étoiles.) Sur ce, bonnes écoutes et… bonnes vacances.!
L’affrontement des
prétendants Louis Sclavis, ECM 1705
Personnalité marquante du jazz français depuis une
quinzaine d’années, le saxophoniste et clarinettiste français Louis Sclavis se
démarque par la maîtrise exceptionnelle de ses instruments et la variété même de
ses projets musicaux. En début d’année paraissait la rencontre musicale toute
improvisée avec le guitariste Fred Frith et le percussionniste Jean Pierre
Drouet, enregistrée au Fetival international de musique actuelle de
Victoriaville (I Dream of You Jumping, Disques Victo 071). En mai dernier, son
projet de musiques composées arrivait chez nos disquaires sur label ECM. Bien
que l’improvisation y joue un rôle, ce disque au titre frappant est le résultat
d’un soigneux travail de mise en place par son maître d’œuvre. Qui plus est, sa
formation instrumentale de premier plan, comprenant trompette, violoncelle, saxo
soprano, clarinettes, contrebasse (l’étonnant Bruno Chevillon) et batterie,
livre la marchandise sur tous les plans. Références au Maghreb, thèmes aux
allures de musique contemporaine, impros libres, les ingrédients sont multiples
et maîtrisés. Et nul n’a besoin de craindre la sonorité vaporeuse si
caractéristique des enregistrements ECM, car Sclavis est de ces rares artistes
qui jouissent d’une liberté de création totale chez cette étiquette. Un
enregistrement achevé, rien de moins.
Different
Rivers Trygvie Seim, ECM 1744
Ce premier enregistrement du saxophoniste Trygvie Seim
est à tous points de vue conforme à l’esthétique aérienne et planante de la
maison de disque ECM. L’orchestre à vents de 12 musiciens interprète des
compositions originales de son leader, pour qui le son prime avant toute chose.
Anti-virtuose et dénuées de bavardage, elles démontrent l’attention particulière
donnée au jeu subtil des timbres et des tensions harmoniques. Certains pourront
qualifier cette musique de « nordique », tant elle se déploie dans la lenteur et
dans un registre dynamique restreint, mais elle fait aussi preuve d’une douce
intensité, terme jadis employé par le clarinettiste Jimmy Guiffre pour désigner
son jazz de chambre des années 60.
Mosaic
Sextet GM Recordings 3045 CD
Les deux CD ici mis en marché par le label américain GM
Recordings contiennent des séances studios, réalisées en 1988 et 1990 par un
excellent groupe. En tête de liste, on retrouve le trompettiste de l’heure, Dave
Douglas, qui signe avec le pianiste Michael Jeffry Stevens la majorité des
compositions au programme. Outre le premier disque, paru en Allemagne mais
jamais mis en marché en Amérique, le second nous permet de découvrir six plages
inédites. D’une part, le sextette est constitué de la section rythmique d’usage
au jazz, mais il est, d’autre part, complété par une instrumentation
inhabituelle, en l’occurrence une trompette, un violon (Mark Feldman) et un
basson (!). Et si vous ne pensez pas que cet instrument convienne au jazz,
écoutez les solos de son protagoniste, Michael Rabbinowitz, et vous serez
surpris, étonné même. Sans doute la réputation actuelle de M. Douglas y est-elle
pour quelque chose dans la publication de ces séances, mais cette musique se
tient d’elle-même et ne paraît nullement datée. Chaudement recommandé pour la
saison.
Sean
Loescher Distance e-X-P 122
Nouvel arrivant dans le paysage jazzistique montréalais,
le saxo alto Sean Loescher débarque chez nous, en provenance d’Europe. Bien
qu’Américain, ce jeune musicien semble avoir bourlingué sur les continents avec
son biniou, si bien que le disque récemment lancé a été réalisé en République
tchèque avec, pour seuls accompagnateurs, un bassiste et un batteur. Trio sans
piano, donc, cette formation typiquement jazz parcourt un registre assez
traditionnel composé de standards, d’une paire d’originaux et de deux morceaux
offerts en deux versions. Musicien de filiation bop, Sean Loescher se cantonne
sagement dans un jeu harmonique traditionnel, bien maîtrisé d’ailleurs, sans
pour autant en déborder ni tenter quelques coups d’audace, techniques ou
conceptuels. Sonorité pincée aussi, il y aurait certes quelques améliorations à
faire à ce chapitre (à moins que ce ne soit la prise de son). En tout et pour
tout, un jazz sans risques ni périls, mais une agréable écoute estivale, tant
pour soi que pour les copains (jazzeux ou autres).
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