La fièvre des années 1920 frappe l'OSM Par Lucie Renaud
/ 1 mai 2000
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En mai, l'OSM et son chef, Charles Dutoit, semblent atteints
d'une douce fièvre, non pas printanière, mais plutôt
des années 1920. La Scena a rejoint le maestro à
Paris, afin de partager son enthousiasme.
Les Kammermusik de Hindemith
L'OSM présentera le 28 mai, en première montréalaise,
l'intégrale (en deux concerts) des Kammermusik -
qu'on pourrait traduire de façon très imparfaite
par « musique de chambre ». Hindemith n'est pas totalement
inconnu des Montréalais. En effet, Chantal Juillet a déjà
présenté le Concerto pour violon du compositeur
au cours de la dernière année à un public
peut-être un peu récalcitrant à prime abord,
mais qui, rapidement, s'est trouvé sous le charme de l'uvre.
Charles Dutoit considère que « la curiosité
des auditeurs étant maintenant piquée par cette
première découverte, il devient important de faire
une deuxième référence à Hindemith,
profitant ainsi de la plate-forme créée par le premier
concert ».
Dutoit avait déjà dirigé les Kammermusik
en 1998 au Festival de Saratoga et désirait renouveler
l'expérience. Dans cette uvre de jeunesse de Hindemith,
on sent l'influence de Stravinsky, de Milhaud, mais également
du côté absurde du dadaïsme. Des extraits de
fox-trot populaire, par exemple, sont cités à la
fin du dernier mouvement du no 1 qui se termine par un mugissement
de sirène. Inutile de préciser que, lors de la première,
la réaction du public et de la critique fut plus que mitigée!
Ce « mini-marathon » comprendra les sept Kammermusik
- totalisant un peu plus de deux heures de musique -, toutes
conçues pour des ensembles restreints de moins de 20 musiciens.
La variété dans l'orchestration reste extraordinaire,
faisant appel par moments à la viole d'amour, à
l'orgue, sans oublier l'infâme sirène, qui sera actionnée
par le maestro lui-même! « L'uvre est captivante,
pas du tout rébarbative », confirme Dutoit. «
Cette musique très brillante recèle d'ailleurs beaucoup
d'humour. Le jeune Hindemith semble au sommet de sa forme, y allant
même à coups de sabre dans les valeurs conventionnelles.
Ce faisant, il s'insurge contre les excès d'un certain
romantisme allemand. »
Le chef espère que les amateurs éclairés
oseront plonger dans le méconnu afin de découvrir
cette intégrale unique.
Stravinsky et la Grèce
C'est ainsi que Charles Dutoit aurait voulu sous-titrer ce
cycle qui comprendrait Apollon Musagète (déjà
endisqué par l'OSM), Oedipus Rex, Perséphone
et Orpheus. Trois de ces quatre uvres seront présentées
en version concert les 16, 17 et 21 mai. Dutoit situe ainsi cette
période grecque de Stravinsky : « Après le
grand bouleversement de la première guerre mondiale, la
conscience des gens avait de nouveau besoin de retrouver des racines
anciennes. Ce phénomène touche les arts en général,
que ce soit la littérature ou la musique. »
Rédigé en 1927 sur un texte de Sophocle adapté
par Cocteau, l'opéra-oratorio Oedipus Rex demeure
une uvre majeure du répertoire choral. Dutoit s'emballe
: « C'est une uvre extraordinaire, très dramatique,
statuesque. Elle reste très statique, comme la tragédie
grecque dont elle s'inspire et se prête ainsi admirablement
à une version concert. » Le mélodrame Perséphone
sera présenté pour la première fois à
l'OSM. « Cette uvre, poursuit Dutoit, me semble plus blanche,
diaphane, très néoclassique mais également
saisissante. Sa douceur équilibre le côté
plus musclé de Oedipus Rex. »
L'OSM n'est pas étranger, loin de là, au répertoire
de Stravinsky. Cette incursion se poursuivra d'ailleurs cet été
au Festival de Lanaudière avec l'opéra Le Rossignol
et Dutoit caresse le rêve de réaliser une version
de concert du Rake's Progress.
Ces programmes extraordinaires apportent énormément
à l'orchestre et au public. « Il me semble essentiel
d'intéresser les gens curieux à déborder
du cadre traditionnel du concert en montant des uvres qui mettront
en lumière les liens de la musique avec la littérature,
la peinture et la politique, l'enracinant ainsi dans son époque
», conclura le chef. Dans cette période de surspécialisation,
un tel son de cloche semble aussi rafraîchissant que la
douce brise du printemps. English Version... |
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