L'inclassable musique d'Astor Piazzola Par Marielle Leroux
/ 1 avril 2000
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La renommée du compositeur Astor Piazzola dépasse les frontières de l'Argentine et sa discographie est imposante. Mais à quel genre appartient sa musique ? Il s'agit bien sûr de tango, mais non du tango traditionnel qui accompagne la danse sociale. On retrouve le nom de Piazzola dans les programmes aux côtés de compositeurs de tradition classique, on le voit souvent dans la section de jazz chez les disquaires et il est cité dansThe Encyclopedia of Popular Music (édité par Colin Larkin, Muze UK). Afin de se faire connaître et accepter par les différents milieux musicaux, le compositeur a dû faire preuve d'originalité et de persévérance.
Astor Piazzola est né à Buenos Aires, en Argentine, en 1921, mais sa famille déménage bientôt à New York, où il passe son enfance et où il commence l'étude de la musique, et particulièrement du bandonéon, instrument étroitement associé au tango. C'est à New York qu'il fera la rencontre de Carlos Gardel, le légendaire chanteur de tango qui engagera le jeune bandonéoniste pour jouer dans le film El dia que me quieras. Il retourne ensuite en Argentine et poursuit une carrière de tanguero dans l'ensemble dirigé par Anibal Troilo, qui inclut quelques compositions du nouveau venu dans son répertoire.
Déjà, à cette époque, Piazzola commence à se détourner du style conventionnel : Troilo lui disait que certains de ses arrangements étaient trop complexes pour ses musiciens. Il décide alors de s'éloigner du tango et de sa carrière d'instrumentiste et de se diriger vers la musique classique et la composition. Un point tournant dans sa nouvelle orientation survient avec la composition de Sinfonia Porteno et l'obtention d'une bourse lui permettant d'aller étudier la composition à Paris avec l'éminente Nadia Boulanger. Cette dernière le convainc de continuer à explorer le tango et la musique de Buenos Aires, soulignant que c'est là la base de son identité musicale. De retour dans son pays natal, son « Nouveau tango » suscite l'enthousiasme de certains, mais attire également l'animosité des traditionalistes. Il ose s'écarter des règles établies et le public réagit fortement. Les harmonies et les mélodies sont plus osées et il change même le rythme traditionnel du tango. Il rompt avec la continuité rythmique en présentant des alternances de segments très contrastés au sein d'une même pièce.
Après avoir été un genre destiné avant tout à être dansé, et par la suite chanté, le tango fait désormais son entrée dans le domaine de la musique de concert. Piazzola quitte de nouveau l'Argentine au début des années 70 à cause du climat politique instable. Sa carrière internationale prend son plein essor au début des années 80, alors qu'il joue ses œuvres avec son ensemble Quinteto Tango Nuevo, réunissant Fernando Suarez Paz (violon), Pablo Ziegler (piano), Horacio Malvicino (guitare), Hector Console (basse) et lui-même, au bandonéon. Sa popularité augmentant, la critique argentine se fait plus douce. Le nouveau tango a même pour effet de réveiller l'intérêt de la communauté internationale pour le tango traditionnel.
Malgré les efforts déployés par Piazzola pour faire reconnaître le tango par la grande musique symphonique, c'est d'abord le monde du jazz qui l'accueille. Le bandonéoniste devient la tête d'affiche de plusieurs grands festivals. La sensibilité du jazz est d'ailleurs bien présente dans sa musique, qui réalise une intéressante synthèse des styles musicaux avec lesquels il a grandi. Piazzola s'éteint à Buenos Aires à l'âge de 71 ans, laissant une œuvre riche en innovations et d'une vivacité exceptionnelle.
La musique de Piazzola voyage aisément d'un genre à l'autre. Son style et son talent ont su rejoindre les publics de toute nationalité et de tout milieu. Que l'on soit amateur de musique classique, de jazz, de musique populaire ou de tango, on ne peut que s'enrichir à ajouter la musique de Piazzola à son répertoire.
L'ensemble Romulo Larrea présente un hommage à Astor Piazzola les 13, 14 et 15 avril au Gesù.
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