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La Scena Musicale - Vol. 4, No. 5

L’Opéra de Montréal

Par Philip Anson / 1 février 1999

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Violetta, l’héroïne tuberculeuse de La Traviata, de Verdi, n’était pas la seule à souffrir à l’ouverture de la saison de l’Opéra de Montréal, le 26 septembre 1998. La faiblesse de la distribution et l’amateurisme flagrant de la direction orchestrale ont fait de cette soirée un véritable supplice. La soprano québécoise Lyne Fortin, dans le rôle central de Violetta, a été le seul baume de cette production. Sa voix puissante et claire était charmante à entendre, même si l’interprète n’a pas su rendre toute la fragilité du personnage. Dans le rôle de l’amant de Violetta, Alfredo, le ténor mexicain Fernando de la Mora nous a régalé de fausses notes, d’un legato inexistant, d’un phrasé irrégulier et d’une mauvaise diction italienne. Comment comprendre que l’Opéra de Montréal ait réembauché ce ténorino braillard pour la production à venir de Manon de Massenet? Le baryton Sherrill Milnes, agé de 61 ans, a chanté le rôle de Giorgio Germont depuis 34 ans et, hélas, cela s’entend. Sa voix était lézardée et sans notes aiguës. Le reste de la distribution, en grande partie locale, allait du correct (le ténor Marc Hervieux, la soprano Michelle Sutton) au carrément mauvais (Yves Dionne en baron Douphol). La maladresse de la mise en scène a ruiné la plupart des temps forts de l’opéra. Le metteur en scène américain John Lehmeyer (mais où donc l’Opéra de Montréal va-t-il pêcher de célèbres inconnus comme Lehmeyer et Gina Lapinski?) a pillé la vieille idée de Zeffirelli consistant à mettre en scène l’ouverture, pendant laquelle "Violetta" (en fait, une doublure ne ressemblant en rien à Lyne Fortin) erre comme une âme en peine dans son salon déserté. Pour réduire les coûts, le même décor a été utilisé pour les maisons de Violetta et de Flora. L’Orchestre Métropolitain était souvent déphasé par rapport aux chanteurs, cherchant en vain une direction sous la baguette du chef d’orchestre Mark Flint, un autre américain sans talent. Le chœur s’en est bien tiré sous la direction de son nouveau chef, Yannick Nezet-Seguin.

La première production à Montréal en 40 ans du chef-d’œuvre de Verdi Don Carlos a été un frustrant demi-succès. Première déception: Montréal, deuxième ville francophone au monde, a eu droit à la version italienne en trois actes de l’opéra de Verdi, et non la version française en quatre actes, musicalement supérieure, alors même que le ténor vedette Richard Margison pouvait et désirait chanter en français. Les décors postmodernes absurdes, conçus comme d’habitude par Michel Beaulac et le directeur général de l’Opéra de Montréal Bernard Uzan, juraient détestablement avec les costumes d’époque loués chez Malabar. L’ensemble du spectacle ressemblait à un épisode des X-Files, où la cour d’Espagne aurait été captive dans un OVNI. La direction était superficielle et les grands moments de l’œuvre — l’autodafé et l’apparition de Charles Quint — étaient bâclés. Margison a chanté comme un dieu, la baryton John Cheek composait un roi décent, le Grand Inquisiteur était moyen, mais la Reine était criarde et la princesse Eboli était carrément dépassée. L’OSM aurait mieux joué si le chef avait pu assister à plus de répétitions.


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(c) La Scena Musicale 2002