Accueil     Sommaire     Article     La Scena Musicale     Recherche   

La Scena Musicale - Vol. 4, No. 10

Quand la musique ramène au silence

Par Lucie Jasmin / 1 juillet 1999

English Version...


Au Québec, après le concile Vatican II, en 1963, très peu de communautés monastiques ont maintenu la pratique du chant grégorien. De nos jours, presque uniquement les moines bénédictins et les moniales bénédictines chantent encore les offices en grégorien. Toutefois, la plupart de ces communautés contemplatives préfèrent demeurer les plus discrètes possible afin de préserver leur retraite silencieuse de l'envahissement des «touristes». L'abbaye Saint-Benoît-du-Lac, fondée en 1912 dans la région de la Vallée de la Missisquoi, dans les Cantons-de-l'Est, est l'un des seuls endroits où l'on accorde au public le privilège d'assister aux offices monastiques.

En cette fin de siècle, la popularité toujours grandissante du chant grégorien est-elle un phénomène de mode ou, au contraire, une porte d'entrée dans le XXIe siècle? J'ai posé la question à dom André Laberge, claveciniste bien connu et maintenant prieur et maître des novices de l'abbaye Saint-Benoît-du-Lac : «Le chant grégorien est un trésor de l'humanité. Il y a en lui quelque chose d'universel qui touche profondément les gens. Nous le constatons lors des célébrations à l'abbaye : les gens ne comprennent pas les mots mais ils repartent en paix. Au point de vue musical, l'atmosphère contemplative qui apaise tant les auditeurs provient, d'une part, de la rythmique, qui suit la rythmique verbale et, d'autre part, de l'utilisation des échelles modales, ce qui crée moins de tension que la tonalité. Mais il ne faut pas oublier que le chant grégorien est d'abord une prière, la prière des moines contemplatifs dont la mission est de prier huit fois par jour.»

Il va sans dire qu'en nous permettant d'assister à leur prière, les moines attendent simplement de nous que nous respections la vocation des lieux et l'intégralité de l'office. «Je crois que la plupart des gens comprennent que nous ne donnons pas un spectacle. En Europe, c'est beaucoup plus sévère qu'ici. En Angleterre, dans les cathédrales anglicanes, un sacristain vous invite à rester mais vous avertit que vous ne pourrez sortir avant la fin de la cérémonie.»

Que pensent les bénédictins de Saint-Benoît-du-Lac de toute la récupération mercantile du grégorien faite par le Nouvel-Âge? «Nous y sommes un peu allergiques. Je me dis que le temps va faire un tri. Par exemple, nous n'acceptons plus de chanter en concert, quoique nous l'ayons déjà fait à une ou deux reprises. Nous ne sommes pas des chanteurs. Pour nous, le chant grégorien trouve sa signification à l'intérieur de la liturgie. Cependant nous ne sommes pas du tout opposés à ce que d'autres le fassent.»

En ce qui concerne la diffusion du grégorien par le disque, dom André Laberge y voit là une forme d'apostolat. «Un disque de chant grégorien devient alors comme un livre de prière que l'on a à portée de la main.»

Dans cet esprit, les moines de Saint-Benoît-du-Lac ont accepté de participer au tournage du film Le chant de l'âme, un très beau documentaire réalisé par Jacques Couture et Claude Desrosiers.

De son côté, dom André Laberge, malgré ses nouvelles responsabilités, n'a pas abandonné la pratique du clavecin et, pour notre plus grand bonheur, prépare un nouveau disque qui doit sortir en l'an 2000.

Une visite à l'abbaye Saint-Benoît-du-Lac vous permettra également de découvrir la nouvelle église abbatiale, dessinée par l'architecte montréalais Dan S. Hanganu.

La messe et les vêpres sont chantées tous les jours, respectivement à 11 h et à 17 h, sauf les mardis et jeudis de l'été où les vêpres ont lieu à 19 h.


English Version...

(c) La Scena Musicale 2002