Un été en Provence Par Rodrigue Audet
/ 1 septembre 1998
English Version... Pour l'amateur d'art lyrique, la Provence constitue une
destination estivale de choix. Le festival d'Avignon, les Chorégies
d'Orange et le Festival international d'art lyrique
d'Aix-en-Provence permettent d'assister, en une semaine, à plusieurs
opéras et concerts de très haut calibre.
Chorégies d'Orange: Doté d'une formidable capacité (la
plus importante de la France lyrique : 8600 places), le Théâtre
Antique d'Orange accueille en 4 représentations plus de spectateurs
que le Théâtre de l'Archevêché d'Aix-en-Provence en 20. Malgré sa
taille gigantesque, toutefois, l'amphithéâtre romain jouit d'une
acoustique remarquable, qui permet de percevoir la moindre inflexion
de la voix, le plus fragile pianissimo.
La mezzo-soprano française Béatrice Uria-Monzon connaît bien le
rôle de Carmen (vu le 13 juillet) . Elle l'a notamment
interprété au printemps à Paris, et le reprendra au Metropolitan
Opera de New York cette saison (début le 12 octobre). Très à l'aise
vocalement et scéniquement, elle campe une Carmen insolente et
sensuelle, à la diction parfaite et au phrasé nuancé. Le ténor russe
Sergej Larin, qui nous avait ébloui le printemps dernier dans
Eugène Onéguine (Lenski), s'affirme encore ici, malgré une
certaine monotonie dans le jeu, comme l'un des ténors les plus
intéressants qui soient. À côté d'interprètes aussi remarquables, le
baryton canadien Gino Quilico, qui reprend un rôle qu'il a chanté
ici-même il y a 6 ans, voit pâlir quelque peu son étoile. Sa voix
manque d'assurance, on ne sent pas que le chanteur est en possession
de tous ses moyens. La mise en scène dépouillée de Nicolas Joël
investit intelligemment l'immense scène en y faisant circuler avec
naturel les nombreux choristes.
Chorégies d'Orange. En 1999 : La Traviata,
de Verdi et Norma, de Bellini. Réservations: Tel.
04.90.34.24.24 & 04.90.34.15.52. Télécopie: 04.90.11.00.85.
Internet : http://www.chorégies.asso.fr
Pour son 50e anniversaire, le Festival international d'art
lyrique d'Aix-en-Provence a fait peau neuve et s'est ouvert dans
le Théâtre de l'Archevêché reconstruit. Maintenant dotée de sièges
en teck spacieux et confortables (à Orange, les gradins en pierre
vous feront regretter de ne pas avoir acheté un coussin à l'entrée),
la salle en plein air présente une acoustique «PARFAITE» (dixit René
Jacobs) et a conservé, coquetterie, un arbre, côté jardin...
C'est à un pur ravissement que nous convient René Jacobs et la
chorégraphe américaine Trisha Brown pour l'Orfeo de
Monteverdi (19 juillet). Dans cette production de ce qu'il est
convenu d'appeler le premier opéra de l'histoire, ils ont réalisé la
synthèse parfaite entre la fosse et la scène, deux heures d'un
bonheur entier qui est une fête constante pour l'¦il et pour
l'oreille. Depuis l'ange qui voltige avec grâce pendant l'ouverture,
jusqu'à la scène où les bacchantes mettent en pièces Orphée qui
rejoint alors au ciel son père Apollon (les deux fins possibles de
l'Orfeo ont ainsi été intégrées), Trisha Brown et son
décorateur-costumier, Roland Aeschlimann, créent une suite d'images
fabuleuses, dont la beauté et l'originalité émerveillent sans cesse
le spectateur. S'intégrant si bien aux danseurs qu'on dirait bien
qu'il en est un lui-même, le jeune ténor britannique Simon
Keenlyside (Orphée) possède une voix à la fois souple et maîtrisée,
au timbre chaud et sensible; on comprend qu'elle ait pu séduire les
dieux des Enfers. René Jacobs et son Concerto Vocale savent produire
des sonorités d'une richesse inouïe et, dès les premières mesures
des trompettes placés, tels des hérauts, à l'extrême gauche de la
scène, on reconnaît l'intelligence et la sensibilité si
caractéristiques de ce chef et de son ensemble.
Fort attendu, le Don Giovanni (20 juillet) mis en scène
par le célèbre homme de théâtre Peter Brook et dirigé en alternance
par Claudio Abbado et le chef britannique Daniel Harding, ne déçoit
pas. Le chevronné Brook et le tout jeune Harding (vingt-deux ans!)
ont dépoussiéré l'oeuvre pour mieux en faire ressortir l'actualité
et l'urgence, tout le drame humain du «GRAND homme méchant
seigneur». La direction musicale est vive, nerveuse et témoigne
d'une fraîcheur à laquelle n'est sans doute pas étrangère la
jeunesse du chef. Côté interprètes, les Italiens Roberto Scaltriti,
Nicola Ulivieri et Monico Colonna (Donna Anna) représentent l'idéal
du chanteur-acteur, tant leur jeu est fluide et naturel et tant
l'expression lyrique semble jaillir spontanément de celui-ci.
Festival
international lyrique d'Aix-en-Provence. Service Réservation. Palais
de l'Ancien Archevêché, 13100 Aix-en-Provence, France. Téléphone:
011.33.04.42.17.34.34. Télécopie: 04.42.63.13.74. Internet:
http://www.aix-en-provence.com/festartlyrique/. Les cinq opéras d'Aix-en-Provence seront
diffusés cet automne à la radio FM de Radio-Canada, le 3, 10, 17, 24
octobre de 13h30 à 17h.
English Version... |
|