La harpiste Isabelle Moretti - Pas un ange Par Isabelle Picard
/ 21 février 2006
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Sur
sa feuille de route bien remplie, on trouve notamment un premier prix du
Concours international de harpe d'Israël, la Victoire de la musique classique «
Nouveau talent » (1996), le Grand prix de la Nouvelle Académie du disque (pour
le disque « Musique de chambre pour harpe », Audivis Audio V4739, 1995), le
Grand prix de l'Académie Charles Cros (pour son disque consacré à Ginastera,
Naïve V4860, 2000), une discographie d'une douzaine de titres... et au fond,
l'histoire d'amour entre Isabelle Moretti et la harpe a presque commencé par
hasard. « C'était parce que j'étais une petite fille capricieuse! »,
s'amuse-t-elle à raconter. En fait, alors qu'Isabelle a sept ou huit ans, le
Conservatoire de région de Lyon offre aux élèves les plus doués de la classe de
musique de l'école qu'elle fréquente d'intégrer ses rangs, avec la possibilité
de choisir parmi tous les instruments. Voulant faire différent des autres, la
petite Isabelle change son choix initial (le piano) pour la harpe. Il faut dire
que lorsque la professeure du conservatoire est venue faire sa démonstration
aux futurs élèves potentiels, Isabelle Moretti a eu un coup de foudre : « Pour
une petite fille de 7 ans, la harpe a quelque chose de magique, quand même. »
Répertoire
Visiblement, l'amour a survécu au-delà de la magie des
premiers temps. La jeune harpiste a poursuivi ses études au Conservatoire de
Lyon, puis au Conservatoire national supérieur de Paris (CNSM) et c'est
maintenant à son tour d'enseigner dans cette dernière institution. « Je n'ai
jamais regretté ce choix, assure-t-elle. Il m'arrive parfois d'envier le
répertoire des pianistes, mais j'y remédie assez facilement. » Par des
transcriptions, bien sûr, puisque la harpe est un instrument polyphonique au
même titre que le piano. Mais malgré les apparences, le répertoire original
n'est pas si restreint : « Même une vie ne suffirait pas pour travailler tout
ce qui est écrit pour harpe. On a des pièces qui sont magnifiques. Par exemple,
tout l'âge d'or de la harpe, au xviiie siècle, au temps de Marie-Antoinette
puis de l'impératrice Joséphine, qui étaient toutes deux harpistes. »
Les compositeurs français du début du xxe siècle ont
également beaucoup utilisé l'instrument. « Une des raisons principales, c'est
qu'en 1810, Sébastien Érard a inventé le système à double mouvement (pour les
pédales), que l'on utilise encore à l'heure actuelle. » Ce système, qui rend le
chromatisme possible, a fait grandement avancer l'instrument et lui a permis de
suivre l'histoire de la musique. « Ensuite, tout naturellement, Debussy, Ravel,
Caplet, Fauré, Schmitt, Roussel... tous les compositeurs de cette époque ont
écrit pour la harpe. Et c'est aussi parce qu'elle correspond, je pense, au
niveau du timbre et des couleurs, à ce qui était recherché à l'époque. »
D'autres grands compositeurs se sont penchés sur l'instrument (on peut
notamment penser à Hindemith ou Britten) et continuent de le faire : « Les
compositeurs contemporains s'intéressent beaucoup à notre instrument, ce qui
est merveilleux. Moi-même, je vais d'ailleurs faire l'année prochaine la
création de deux concertos de compositeurs français. Un de Michèle Reverdy et
l'autre de Philippe Hersant. »
Déboulonner le mythe
On a souvent une vision douce et gentille de la harpe.
L'image de la harpiste aux longs cheveux blonds, à qui l'on pourrait aisément
greffer des ailes d'ange, est difficile à changer. Elle est pourtant loin de
correspondre à la réalité. « La harpe est un instrument qui peut avoir beaucoup
de puissance. Quand on écoute la sonate de Hindemith, la suite de Britten ou le
concerto de Ginastera, je vous assure que ce n'est pas de la harpe mièvre! Les
gens, d'ailleurs, sont souvent extrêmement surpris quand ils nous voient jouer
d'un peu plus près. Il se rendent compte de l'énergie que ça demande. C'est un
instrument qui peut convaincre, qui peut avoir de la passion, comme tous les
instruments. » Mais les perceptions changent très lentement. « Je pense que les
harpistes, à l'heure actuelle, nous essayons tous, à notre niveau, de faire
bouger les choses, de montrer ce que l'on peut faire sur cet instrument,
d'ouvrir le répertoire... Mais les organisateurs sont encore frileux. Ils nous
demandent toujours le concerto de Mozart ou de Boieldieu. Il est difficile de
montrer, d'expliquer aux organisateurs -- je dis bien « organisateurs » --
qu'on peut faire un récital de harpe seule et que le public, chaque fois,
je n'ai aucune exception, sort de là émerveillé, en disant "mais pourquoi on
n'entend pas plus souvent un récital de harpe seule?" Le public est loin d'être
idiot. »
Isabelle Moretti avec le Trio Inukshuk
Françaix : Trio à cordes ; Ibert : Trio
pour harpe, violoncelle et violon; Philippe Hersant : Choral pour
violoncelle et harpe ; Britten : Lachrimae pour alto et harpe
(transcription I. Moretti) ; Lothar Kempter : Romance op. 43 pour trio à
cordes et harpe.
* 19 février 2006, 15h
Église de la Visitation,
Montréal
514.872.8749
* 21 février 2006, 20h
Cathédrale de la
Sainte-Trinité, Québec
Dans le cadre des Radio-concerts Classique
& compagnie
418.691.7211
Trio Inukshuk
Ce trio à cordes est formé de musiciens canadiens
menant leur carrière en Europe. Philip Roy (violon), Eric Soucy (alto) et
Bridget MacRae (violoncelle) occupent tous les trois un poste de solo dans un
orchestre d'Allemagne. En plus des concerts avec Isabelle Moretti, on pourra
entendre le Trio Inukshuk le lundi 20 février dans un programme de musique de
chambre française avec la pianiste Angela Hewitt et la violoniste Patricia
Shih. C'est à la salle Pierre-Mercure, à Montréal, à 20h. 514.987.4691
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