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La Scena Musicale - Vol. 11, No. 1

Au Rayon du disque / Off the Record

Par/by Marc Chénard, Charles Collard, Paul Serralheiro / September 22, 2005

Version française...


Orkestrova : Electric Ascension
Atavistic UNS 159 CD
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Peu de musiciens dans les annales du jazz ont connu un destin aussi exemplaire que John Coltrane. Esprit solitaire et chercheur infatigable, il poursuivit sa quête sans répit jusqu'à sa mort prématurée à 40 ans. À l'époque de l'enregistrement d'Ascension en juin 1965, le saxophoniste était intuitivement conscient que la mouvance du free jazz, inaugurée par Ornette Coleman, serait la direction à suivre. Trente ans plus tard, le quatuor de saxophones Rova marqua dignement l'anniversaire de cet enregistrement en ralliant le gratin des improvisateurs pour une audacieuse reprise en concert. Près de dix ans plus tard, le quatuor récidive avec une nouvelle version, mais « électrifiée » cette fois-ci, le concept coltranien se trouvant conjugué au présent. Certes, ces messieurs ne manquaient pas de ressources pour réussir le pari et la lutherie électronique employée ici (guitares, platines et échantillonneur) introduit des possibilités nouvelles. Chris Brown, Nels Cline, Fred Frith, Ikue Mori et consorts ajoutent substance et diversité, nuancent les climats ou provoquent des événements imprévus. Tout cela justifie cependant quelques mises en garde, car, en s'engageant sur les sentiers de free, la musique suit très vite une courbe énergétique exponentielle. C'est un peu raide et déjanté, mais c'est le mode d'expression sur lequel s'appuie Rova depuis ses débuts dans les années 70. La redescente sur terre s'effectue en fin de parcours et les musiciens fraternisent dans la beauté apaisante du thème, comme si, dans la pureté limpide des hauteurs, ils avaient communié avec l'esprit du Maître. Cette Ascension de 63 minutes est un document aussi fort qu'intriguant, une autre pièce à conviction à verser au dossier de cet impressionant quatuor californien. CC

Peter Epstein, Brad Shepik, Matt Kilmer: Lingua Franca
Songlines SGL SA1555-2
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Once in a while a disc comes along that makes you lift your head, perk up your ears and listen. This is one of them, and it's no surprise that Lingua Franca comes on the adventurous Vancouver label, Songlines. The stripped-down trio of saxophone (Peter Epstein), guitar (Brad Shepik) and percussion (Matt Kilmer) recalls the groundbreaking Tiny Bell Trio, an important discographical event for the label, which documented and released trumpeter Dave Douglas's early innovative career. While Tiny Bell (of which Shepik was a member) explored Eastern European music, in Lingua Franca, Epstein-Shepik-Kilmer bring in Eastern hemispherics, with Arabic, Indian and Pacific Rim-isms, along with some reggae and afro-intonations. Linking titles with aural offerings is somewhat tricky here, exotic connotations being conveyed by such monikers as "Monsaraz" and "Kumanovo," but the more familiar sounding "Two Door," which opens the disc, is equally exotic as it rises and develops like an Indian raga. There are several reasons this trio disc soars. First, there is no bass, and the space created thereby allows for greater timbral relief as percussion, guitar and alto and soprano lines interweave. Second, the use of percussion rather than the usual drum kit makes for a wider palette of rhythmic textures and colours. Finally, the music unfolds organically, the development being rhythmic, melodic and textural rather than the more usual harmonic-heavy tendencies of Western music. As the term Lingua Franca suggests, this recording offers a mixing of many dialects into a coherent, expressive new entity that will delight the ear. PS

Paul Cram Orchestra : Live in Lisbon
ombú 008
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Vétéran de la scène canadienne du jazz, le saxophoniste ténor, clarinettiste et surtout compositeur Paul Cram est l'animateur du Upstream Ensemble à Haliax, un collectif d'une vingtaine de musiciens. Près de la moitié des membres de ce groupe font également partie de ce tentet, dont le premier enregistrement, « Campin' Out », était publié par les disques Victo en 2001. Trois ans plus tard, cette formation s'est produite dans la capitale portuguaise lors du festival annuel Jazz em Agosto. Voici donc cette prestation, disponible sur une jeune étiquette montréalaise, les Disques Ombu. Trois pièces sur les six figuraient déjà sur le disque précédent, ce qui donne lieu à d'intéressantes écoutes comparatives. Life of Crime, tout d'abord, est une pièce très rythmée, avec une pulsation insistante presque rock, mais qui s'ouvre en cours de route à des épisodes d'improvisations collectives; Kafka's Chair, en contraste, met en vedette le violoncelliste Christoph Both, avec des interventions minimales de l'orchestre; Trouble in Paradise, enfin, offre une structure plus ouverte que la version antérieure, s'écartant davantage de l'ouverture en fanfare et des rythmiques rock qui la sous-tendaient. S'ajoutent aussi au programme trois autres œuvres du chef, Gaucho Joe, Bb Restaurant et High Ground. Imprégnée autant par la tradition du big band que par celle de la fanfare, la musique de Cram se situe donc à la croisée des styles (et des époques), les improvisations étant toutefois plus audacieuses que les compositions. Quant à choisir entre le meilleur des deux enregistrements de ce groupe, di(check)cile à dire, quoique cette nouveauté ait un soupçon d'aventure de plus que son prédécesseur. MC

Vijay Iyer : Reimagine
Savoy Jazz SVY 17475
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Américain de souche indienne, le pianiste Vijay Iyer compte parmi les talents émergents de la relève du jazz contemporain. Sa musique trahit ses origines ethniques, mais les sublime dans un langage harmonique sophistiqué et une rythmique complexe qui n'est pas sans rappeler le travail de Steve Coleman et d'autres membres du collectif M-Base. Dans ce nouvel enregistrement, paru sur le label Savoy, -- étiquette historique dans les annales du jazz, mais qui vient de renaître de ses cendres -- le pianiste est entouré de son plus proche acolyte, le saxo alto Rudresh Mahanthappa, en plus du bassiste Stephan Crump et du batteur Marcus Gilmore. Dix plages sont étalées sur une surface de près de 56 minutes (une durée à peu près idéale), toutes des compositions originales du pianiste. Outre la finale, Imagine (un solo piano de moins de quatre minutes, qui rappelle certaines musiques de salon d'antan), les autres pièces refiètent bien les ingrédients stylistiques soulignés en début de chronique. Dans son ensemble, la musique est assez dense, comportant plusieurs strates rythmiques, basse et batterie tenant une espèce de pulsation élastique, le piano brodant une variété d'accompagnements et de solos d'une articulation très précise, le saxophoniste a(check)chant une nette préférence pour des cascades de notes au double du tempo. Les assises sont donc très claires, rien n'est gratuit et pourtant... une certaine uniformité se fait sentir en cours de route, comme si la rigueur de la méthode contraignait le discours. Cela dit, il y a là une démarche musicale qui vaut la peine d'être écoutée. MC

Luluk Purwanto : Born Free
Zebra Acoustics ZA 444122
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Elle est indonésienne, joue du violon et chante parfois à l'unisson (ou en harmonie) avec son instrument. Elle est accompagnée d'un trio somme toute assez conventionnel, dirigé par son conjoint, le pianiste René van Helsdingen (ce dernier aussi natif de ce pays de l'Asie du Sud-Est). Ensemble, ce couple bourlingue à travers le monde dans un autobus qui peut se transformer en estrade (pour en savoir plus, voir le vidéo inclus dans la partie ROM du compact). Huit plages audios sont incluses sur cette surface de quelque 47 minutes, toutes composées par le couple à l'exception de la plage-titre (thème d'un long métrage célèbre du même nom des années 60). Quant à la dame, son jeu peut être aussi chantant que celui d'un Stéphane Grappelli, âpre et bluesy à l'instar de celui d'un Stuff Smith et, bien sûr, coloré d'inévitables infiexions extra-occidentales. Entouré ici du batteur Marcelli Pellitteri et du bassiste Okun Essiet Okun, cet ensemble nous livre une musique qui marie jazz et musique ethnique sans trop donner l'impression d'un collage gratuit entre les styles. MC

Billy Bang : Vietnam: Refiections
Justin Time Just 212-2
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Quatre ans après l'émouvant « Vietnam : The Aftermath », un album ayant récolté d'excellentes critiques en 2001, le violoniste Billy Bang se réfère une fois de plus au confiit du Vietnam qui est étroitement lié à sa biographie et à l'histoire politique de son pays. Les deux CD se complètent, mais l'urgence de témoigner s'est adoucie, tant il se révèle que les mêmes protagonistes, rassemblés de nouveau ici (de John Hicks [piano] à Henry Threadgill [fiûte] et en incluant Frank Lowe, disparu depuis peu), ont réussi à exorciser les traumatismes de la guerre. Avant tout, c'est un album où l'expérience de chacun (quelques-uns déjà de vieux routiers) demeure l'atout essentiel. Les compositions aux couleurs orchestrales de Billy Bang assument avec intelligence des infiuences asiatiques et sa pièce Reconciliation, qui conclut l'album, prend valeur de symbole. Billy Bang est aux premiers rangs de la création pour son instrument. Tout concourt ici à le démontrer. CC

Terri Lyne Carrington, Robi Botos, Phil Dwyer, Marc Rogers:
One Take: Volume Two
Alma Records ACD 14382
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This is the second in a series of this Toronto label's concept albums, in which musicians are put together in a studio and the first take of their interactions becomes the disc. The goal, theliner notes tell us, is to capture and publish "the magical emotion of a first take." While we can all agree that sometimes things are better the second time around, kudos to the producers and the musicians here for pulling off the project of music making without a net. Taking chances is what the best jazz is all about and the musicians here do just that, to a degree – after all, most of these eight tunes are familiar to every jazz musician. What makes this disc happen, however, is the quality of the musicianship, starting with the energy of drummer Terri Lyne Carrington, the solid tenor playing of Phil Dwyer, complemented by bassist Marc Rogers and pianist Robi Botos. The character of the tunes is varied, with two Eddie Harris numbers among a handful of standards like "It's You or No One" and "Alone Together." A DVD version of this session is also available. PS

François Richard : Ad Infinitum
Effendi FND54
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Les informations fournies avec cette copie promotionnelle nous disent que le fiûtiste François Richard a étudié avec le grand Jean-Pierre Rampal ainsi qu'avec l'un de ses disciples. À l'audition de cet enregistrement, cela se sent. Doué d'une sonorité pleine et chaleureuse (sans oublier une technique impeccable), Richard réussit quand même assez bien à nous faire oublier la minceur habituelle du son, une faille courante chez les saxophonistes doublant sur cet instrument. Bénéficiant d'un groupe bien rodé, constitué de Geoff Lapp (piano), Frédéric Alarie (contrebasse) et Michel Lambert (batterie), notre homme exécute onze de ses compositions en un peu plus d'une heure. Après quatre plages un peu trop semblables en tempos rapides, il varie ensuite les vitesses, oscillant de la ballade au latin, sans oublier quelques interventions plus méditatives à l'élégante fiûte alto (qu'on souhaiterait entendre davantage). Un programme bien ficelé somme toute, exécuté selon les règles de l'art, et par des artisans musicaux fort intègres. MC

Woody Shaw: Live: Volume Four
High Note HCD 7139
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Rather plainly titled, Live: Volume Four is a posthumously released document of trumpeter Woody Shaw's unique artistry, one that confirms his place as one of the great stylists on his instrument. Leaps, abrupt turns of phrase and compelling ballad renditions add up to benchmark playing, as captured live in 1981 at the Keystone Korner in San Francisco. Along with the members of his working quintet of the time (Steve Turre, trombone; Larry Willis, piano; Stafford James, bass; Victor Lewis, drums), Shaw revisits standards late in his career, after years spent honing his craft on his own original music. While standards can be the refuge of the unimaginative, this pitfall is avoided by these fine musicians on here, as proven in such well worn vehicles as "When Lights are Low," "Bye Bye Blackbird" or "It Could Happen to You." Despite the choice of often covered tunes and the un-ignorable nod to Miles, Shaw is his own man, both in the standards and in his powerful rendition of "The Time is Right," and likewise for "OPEC," the lone original of his on this hour-plus side. PS

Cedar Walton : Underground Memories
High Note HC7119
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À 71 ans, le pianiste Cedar Walton est un de ces artisans du jazz imbu de tradition. Et d'autant plus ici puisqu'il nous présente, en solo, un programme de dix pièces, dont huit standards bien connus, par exemple Some Day My Prince will Come, Skylark, et Sophisticated Lady. Main gauche plaquant des accords parcimonieux, main droite plus prolixe brodant des variations mélodiques sur le thème, le tout est de bon ton et de bon goût aussi. Le plus souvent cantonné entre des tempi moyens et lents, la musique se déroule sans heurt aucun, ni surprise bien sûr. La ballade à saveur nostalgique qui donne son titre au disque, seule pièce originale composée par le pianiste, est de la même trempe que les autres sélections au programme de ce récital. Idéal pour une petite écoute agréable de fin de soirée. Genre de café-cognac pour les oreilles, cette agréable écoute est idéale pour ceux et celles qui aiment bien se la couler douce en fin de soirée. MC


Version française...

(c) La Scena Musicale