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Critiques de La Scena Musicale Online. [Index]
Dernière nouvelle production de cette première saison de Gérard Mortier à la tête de l'Opéra national de Paris, l'Elektra de Strauss confiée à Matthias Hartmann, à défaut de remporter tous les suffrages (à nouveau, copieuses huées pour le metteur en scène le soir de la première, qui, dans un geste héroïque de réconciliation, exhiba de sa poche un petit cœur en carton!), aura réaffirmé avec force l'agenda du directeur belge: celui d'un théâtre en mouvement, actuel. Choix d'œuvres difficiles, intégration d'éléments de contexte plastique, littéraire, sociologique, appel à des artistes, metteurs en scène et chanteurs, soit jeunes et moins connus, ou encore peu actifs en France, dont les travaux résultent en des productions souvent déstabilisantes, qui poussent le spectateur à l'interrogation et à la réflexion. Ici, les décors sont sombres, volontairement fermés, l'esthétique de la violence est répandue. Le visuel laisse le spectateur concentré sur l'audition, certes, mais on eut souhaité quelque chose d'un petit peu plus ouvert, en accord avec la musique. Extatique, la direction de von Dohnanyi est toutefois moins coloriste que ce que l'on attendait, et soutient à merveille un plateau féminin de tout premier ordre. Bien que Deborah Polaski et Felicity Palmer ne déméritent nullement, on retiendra tout particulièrement la prestation d'Eva Marie Westbroek, incandescente Chrysothémis, déjà annoncée en Elisabeth sur cette même scène au cours de la saison 2006-2007. D'une puissance colossale, l'instrument est néanmoins pourvu d'un lyrisme inné qui teinte chacune de ses interventions. À ses côtés, l'Électre malade de Polaski, consumée de l'intérieur, blessée de cette blessure «qui ne se referme jamais», au geste tranchant et à la présence statuaire. Comme pour le récent Tristan de Peter Sellars et Bill Viola, les protagonistes interviennent ponctuellement depuis la salle. Ici c'est Électre qui entre en scène du parterre, puis y demeure, seule, pour son premier monologue, et retourne ensuite y mourir dans une surprenante atmosphère de dépouillement. Le plateau masculin s'impose moins, et l'Oreste de Markus Bruck apparaît un peu pâle aux côtés de Westbroek et Polaski. Mais le personnage doit-il être vraiment autre chose qu'un instrument de vengeance? Les interprétations que l'on peut faire de la scénographie sont multiples et, avouons le, subjectives. On retiendra tout de même la suggestion d'un collègue parisien, qui a vu une sorte de Ground Zero stylisé dans la façon de représenter le tombeau d'Agamemnon, immense trou béant, sinistré, à l'avant de la scène. Quelle manière saisissante, en effet, de parler aujourd'hui de «blessure qui ne se referme jamais», et qui brûle toujours d'actualité. Renaud Loranger Richard Strauss: Elektra Doris Lamprecht (Zweite Magd); Mary Ann McCormick ( Erste Magd); Barbara Morihien (Die Vertraute der Klytamnestra); Cornelia Oncioiu (Dritte Magd); Felicity Palmer (Klytamnestra); Susan Marie Pierson (Die Aufseherin); Deborah Polaski (Elektra); Tracy Smith-Bessette (Funfte Magd); Irmgard Vilsmaier (Vierte Magd); Eva Marie Westbroek (Chrysothemis); Ales Briscein (ein junger Diener); Markus Bruck (Oreste); Philippe Fourcade (der Pfleger des Orests); Jerry Hadley (Aegisth); Scott Wilde (ein alter Diener) Matthias Hartmann (mise en scène) Jan Versweyveld (décors) Mark Truebridge (lumières) Koen Tachelet (dramaturgie) Peter Burian (chef des chœurs) Orchestre et chœurs de l'Opéra national de Paris Christoph von Dohnanyi Opéra Bastille, Paris, 18 juin 2005 Critiques de La Scena Musicale Online. [Index]
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