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Donnée en clôture de la saison opératique scaligère, cette reprise par Jean-Pierre Ponnelle de l'indémodable Cenerentola prend malgré elle une forme de mise au point, de réflexion sur l'état des choses en matière de chant rossinien. Comment le bel canto fiorito se porte-t-il en ce début de vingt-et-unième siècle? La question a déjà été maintes et maintes fois posée ces dernières années, et la réponse qu'on peut y apporter, aussi objective soit-elle, tend à varier selon de nombreux paramètres. Comment se défendent les jeunes interprètes d'aujourd'hui, dans ces mêmes décors et costumes qui ont vu jouer hier les Valentini-Terrani, Berganza, Hamari et autres Enzo Dara? Raisonnement malaisé, certes, alors allons-y avec le cœur: même si les références antérieures sont multiples et de très haute qualité, une représentation comme celle-ci porte à croire que si un certain âge d'or rossinien est peut-être révolu, il n'est pas non plus très éloigné! Roi du spectacle, fêté par les cognoscenti du célèbre théâtre milanais, Juan Diego Florez impressionne par sa fière allure, son jeu passionné et bien sûr, faut-il le répéter, les qualités qui font de son chant un des plus remarquables de notre époque: art consommé du phrasé, timbre lumineux, aigus insolents, le tout servi par une facilité virtuose qui semble aujourd'hui ne pas connaître d'égal dans ce répertoire. Le beau péruvien partage les honneurs avec la superbe Angelina de Joyce Di Donato, authentique contraltino que l'Amérique semble tarder à découvrir. Bien que de puissance modérée, la voix est belle et homogène, le médium est gorgé de couleurs, la vocalisation est délicate mais souveraine: a-t-on chanté le rondo final aussi vite - et aussi bien - depuis Bartoli? Joyce Di Donato chante Rossini comme peu de ses collègues, elle ne sacrifie jamais un très beau cantabile aux exigences virtuoses de l'écriture (pourtant relevées avec un rare brio), tout en demeurant surprenante d'invention dans les variations (surtout vers l'aigu), et sans effort apparent. Au surplus, la chanteuse se double d'une interprète intelligente, actrice sensible, touchante en Cendrillon et impérative en princesse nouvellement consacrée. Les rôles secondaires sont tous bien tenus, le Magnifico de Simone Alaimo, drôlement méchant et veule, et si les vocalises de Roberto de Candia ne sont pas les plus précises qui soient, sa composition est d'un comique fou et absolument irrésistible. Seule ombre au tableau, la production de Ponnelle, même si elle prend de l'âge en beauté, est quelque peu statique. Le travail de Sonja Frisell est efficace par moments, mais les jeux de mouvements tombent trop souvent à plat. On reviendra, évidemment, aux merveilles du Teatro Communale de Bologne. Bruno Campanella obtient de l'Orchestre de la Scala une performance des plus idoines, aux sonorités colorées, légères et riches tout à la fois. Comment se porte Rossini, demandez-vous? Osons la réponse: il se porte à merveille! Renaud Loranger Rossini: La Cenerentola Juan Diego Florez (Don Ramiro); Roberto de Candia (Dandini); Joyce Di Donato (Angelina); Simone Alaimo (Don Magnifico); Jeanette Fischer (Clorinda); Tiziana Tramonti (Tisbe); Mark Steven Ross (Alidoro) Jean-Pierre Ponnelle (mise en scène, décors et costumes) Reprise de Sonja Frisell Orchestra e Coro del Teatro alla Scala di Milano Bruno Campanella (direction) Teatro alla Scala, Milan, 29 juin 2005 Critiques de La Scena Musicale Online. [Index]
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