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LSM Online Reviews / Critiques


Critiques de La Scena Musicale Online. [Index]


Un Boris introspectif mais inégal

Par Renaud Loranger / le 14 juin 2005


Reprise quelque peu occultée que celle de ce Boris Godounov mis en scène par Francesca Zambello à l’Opéra Bastille, entre un Tristan anthologique et une Clemenza di Tito attendue avec impatience, deux nouvelles productions suscitant les passions de la critique et du public parisiens. L’Américaine met le politique et le social au cœur même du déroulement scénique, tant d’un point de vue collectif qu’individuel : les mouvements de foules sont serrés, voire opaques, lourds ; la réflexion intérieure du tsar, rendue possible qu’à l’intérieur des limites infranchissables d’un carcan physique omniprésent. Le sentiment d’oppression, on le comprendra, est non seulement souhaité mais vivement suscité. Le travail de modelage de l’espace physique que réalise Wolfgang Gussmann a un impact psychologique immédiat, les nombreux face-à-face et jeux d’opposition latents dans le texte même s’en trouvant bien plus montrés que suggérés, bien plus explicitement vécus qu’évoqués. Le tsar face au peuple, face à ses enfants, face à ses commettants ; le peuple face à sa religion, face à son dieu, face à lui-même : autant de microcosmes irréconciliables qui sont tour à tour placés comme en cellules fermées, hermétiques, qui évoluent parallèlement pour finalement éclater.

Exit la grandiloquence, l’effet spectaculaire : globalement l’approche se veut économe, recueillie, l’on cherche à frapper plus en profondeur, à pointer du doigt l’inconfort, la décadence, le malheur du peuple. Et parmi toutes ces sphères éloignées, une constante, silencieuse, blanche, paisible, troublante : l’Innocent, seul témoin véritablement humain de la tragédie populaire, de sa noirceur, seul lien tangible vers la lumière extérieure, vers un Ailleurs que l’on souhaiterait proche, mais qui demeure utopique. Véhicule de renoncement salutaire aussi : l’installant sur scène dès le lever du rideau, le trimbalant discrètement à travers la masse, Zambello lui donne à la fois le premier et le dernier mot, son optimisme (et son émerveillement) initial se mutant peu à peu en dégoût qui ne laisse entrevoir que le suicide comme porte de sortie, comme délivrance d’un poids qu’il ne se sent plus capable de porter. Autre image également forte et révélatrice : l’homicide du jeune Fédor, tout juste couronné tsar, par le Prince Chouiski, geste gratuit qui vient néanmoins dissiper le doute sur les intentions réelles de ce dernier.

Vocalement, la distribution est largement dominée par Samuel Ramey, qui campe un Boris fascinant : autorité de la déclamation, somptuosité des moyens et véracité permanente de l’expression contribuent chez ce chanteur vétéran à dresser un portrait plus grand que nature de l’usurpateur de Pouchkine. Immanquablement, les autres protagonistes apparaissent un peu en retrait. Mention spéciale à l’incandescente Marina d’Elena Manistina. Si Vladimir Vaneev (qui reprend cette semaine le rôle-titre à la suite de Ramey) peine à convaincre au premier acte, son grand monologue du dernier est saisissant. Seule déception consommée, le Faux Dimitri de Roman Muravitskiy, qui semble connaître une contre-performance. Dans la fosse, Alexander Vedernikov imprime au drame une tension continue. On eut cependant souhaité plus d’emphase à certains moments-clés de la partition (scène du couronnement, début de l’acte polonais…).

Modeste Petrovitch Moussorgski : Boris Godounov

Avec :

Elena Bocharova (L’aubergiste) ; Irina bogatcheva (La Nourrice de Xenia) ; Gaele Le Roi (Fiodor) ; Elena Manistina (Marina Mnizek) ; Aleksandra Zamojska (Xenia) ; Roman Muravitskiy (Le Faux Dimitri) ; Alexxandre Ekaterininski (Tchernikovski) ; Nikolai Gassiev (Chouiski) ; Vsevolod Grivnov (L’Innocent) ; Yuri Kissin (Mitioukh) ; Igor Matioukhine (Nikititch) ; Sergei Murzaev (Andrei Chtchelkalov) ; Vladimir Vaneev (Pimène) ; Vladimir Ognovenko (Rangoni) ; Mikhail Petrenko (Varlaam) ; Alexander Podbolotov (Missail) ; Samuel Ramey (Boris Godounov) ; Sergei Stilmachenko (Lavitski)

Mise en scène : Francesca Zambello

Décors et costumes : Wolfgang Gussmann

Lumières : Franck Evin

Chorégraphie : Denni Sayers

Chef des chœurs : Peter Burian

Orchestre et Chœurs de l’Opéra National de Paris Maîtrise des Hauts-de-Seine/Chœur d’enfants de l’Opéra National de Paris

Alexander Vedernikov (direction musicale)

Opéra Bastille, Paris, 15 mai 2005


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