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Critiques de La Scena Musicale Online. [Index]
Felicity Lott entretient, depuis plusieurs années, une relation privilégiée avec le public parisien, public qui honore, il faut bien le reconnaître, un attachement on ne peut plus réciproque. De retour au Théâtre des Champs-Élysées, celle qui fut une Comtesse et une Maréchale idéales offre à ses fans un programme taillé sur mesure pour ses moyens actuels. Quelle belle récitaliste elle fait ! La soprano britannique transforme une collection de vingt-cinq lieder, mélodies et songs en une véritable célébration. Celle d’un partenariat d’abord, long de trois décennies, avec le pianiste Graham Johnson (la notice nous apprend d’ailleurs que c’est de lui que vient l’idée de la thématique de la soirée, potentiellement subversive…) ; mais aussi celle de la féminité, du plaisir insouciant, de la vie. Réuni sous le thème «Anges déchus, épouses vertueuses», le bouquet de chants choisis par les artistes contient à la fois drame et ironie, sarcasme et hédonisme, tristesse et optimisme, autant de facettes de la vie amoureuse que Dame Felicity caractérise souverainement. Si l’instrument n’a plus toute la richesse pure de couleurs à laquelle le disque et la scène nous auront habitués, l’interprète compense ces lacunes par une grande variété d’éclairages, par un souci constant du texte et du style, mais surtout par un chant d’une intégrité rare et d’un très bel engagement dramatique. Contrôle millimétré du souffle, maîtrise du phrasé, plénitude du timbre (quelques menus écarts de justesse dans l’aigu sont vite oubliés) : peu nombreux sont les artistes lyriques qui évoluent de manière aussi éclatante à ce stade de leur carrière. Discret mais concentré, le jeu de Graham Johnson se marie avec beaucoup de finesse au chant de sa compatriote. Une certaine uniformité de ton affectant la première partie se dissipera après l’entracte. Superbe de mutinerie et de raillerie chez Noël Coward, tragique chez Strauss (Drei Lieder der Ophelia), extatique chez Walton, Britten ou Hahn, «Flott» consentira trois bis à une foule insatiable : Im Chambre Séparée (Weill), les cascades morales délirantes de La Belle Hélène (Offenbach), rôle qu’elle a défendu avec panache au Châtelet il y a quelques saisons ; puis finalement, une très sombre chanson populaire arrangée par Britten, comme pour rappeler, en dilettante, que l’optimisme amoureux est parfois passager… Anges déchus et épouses vertueuses : lieder, mélodies et songs de Weill, Haydn, Mozart, Schumann, Brahms, Wolf, R. Strauss, Hughes, Walton, Bliss, Britten, Fauré, Roussel, Duparc, Coward, Poulenc, Hahn, Grand. Dame Felicity Lott, soprano Graham Johnson, piano Théâtre des Champs-Élysées, Paris, 9 mai 2005 Critiques de La Scena Musicale Online. [Index]
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