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Critiques de La Scena Musicale Online. [Index]
Imaginez que Maxim Vengerov soit de passage chez vous durant deux semaines... Deux semaines à déguster vos céréales en compagnie d'un virtuose de l'archet, à l'écouter répéter dans votre salon, à lui servir de chauffeur personnel, d'ami, de réconfort. Imaginez tenir un Strad dans vos mains pour la première fois. Ce n’est pas tous les jours que l’on berce des millions! Côtoyer les grands de la musique : chefs, compositeurs, directeurs, éminents professeurs… Imaginez ne vivre que de musique pendant une quinzaine de jours… Être famille d'accueil pour le Concours International de Montréal des Jeunesses Musicales (CIMJM), c'est ça, Vengerov en moins… Mais il est tout aussi exaltant de recevoir les Vengerov de demain ! Ils sont jeunes — entre 16 et 28 ans — et viennent des quatre coins du monde exhiber leurs prodigieux talents sur nos scènes montréalaises. Mais les candidats du Concours ne sont pas que de simples étudiants doués. Ce sont des musiciens qui se destinent à une carrière de soliste et pour qui le Concours sert de tremplin vers le monde professionnel. Avec un premier prix de 25 000$ et la reconnaissance qui s'ensuit, les Jeunesses Musicales entendent attirer l'élite du monde de la musique, la crème de la crème ! Cette année, ils étaient 24 violonistes venant de 17 pays à participer aux demi-finales. Un petit groupe, comparé aux 58 chanteurs retenus l'année précédente (mai 2002). Il faut dire que pour la première édition du concours, Joseph Rouleau, président des Jeunesses Musicales du Canada, avait fait les choses en grand. Outre un jury composé de voix illustres — Teresa Berganza, Grace Bumbry, Marilyn Horne, Cesare Siepi, Jon Vickers et Rouleau — une quinzaine de maisons d'opéra et d'orchestre avaient été conviées pour l'occasion. La deuxième édition du Concours était sans doute moins flamboyante et plus intime, mais certainement plus reposante pour les membres du jury ! Essayez de vous souvenir de 58 voix… Nous avons reçu notre paquet à la mi-mai. Une pochette bleue nuit parée de l'emblème du Concours, sobre et distingué. À l'intérieur, il y avait une grande quantité de papiers, pas très captivants: lettre de remerciement, invitations, calendrier, adresses utiles… Nous, ce que nous cherchions, c'était lui : Linus Roth. Notre candidat, notre violoniste. Mon frère Adrien a trouvé sa photo le premier. Félix l'a arrachée de ses mains puis me l'a tendue. Mes parents ont jeté un coup d'œil. Silence. Félix a déclaré: ´En tout cas, il a l'air sérieux. — Normal, a répondu Adrien, c'est un allemandª… Mes deux frères n'avaient ni tout à fait tort, ni tout à fait raison. Nous avons accueilli Linus par un lundi soir pluvieux. Adrien avait mis son T-shirt ´ rouge communiste ª (pour faire bonne impression, au cas où l’on tomberait sur un Vrai Soviétique…), Félix avait pratiqué son anglais (langue officielle des communications), mon père était rentré tôt et, grâce à ma mère, la maison était étincelante. Au grand dam d'Adrien, Linus n'était pas un Ossie (allemand de l'Est), mais un capitaliste très poli et mangeant de tout ce qu'on lui proposait. Le soir même, nous l'avons entendu accorder son violon et faire quelques gammes. Le type était définitivement sérieux. Jusqu'au vendredi, nous avons eu droit à une discipline de fer. Réveil: 8h00. Pratique: de 9h00 à 13h00. Re-pratique de 14h00 à 18h00. Re-re-pratique de 20h00 à 22h00. Dodo. Un vrai travail de forcen ! Les deux mêmes mesures pendant une demi-heure… Je peux dire avec fierté que je connais par cœur la dernière montée de la Ballade d'Ysaÿe. Cependant, lorsqu'il était ´en pauseª, Linus n'était pas si sérieux et s’avéra même doué d'un grand sens de l'humour. Mes frères l'ont par ailleurs initié à l'art subtil de François Pérusse, traduit dans un anglais très approximatif… Intellectuellement éveillé, il a rapidement compris que pour aborder Adrien, le mot d'ordre était ´THINK BIGª. Nous avons eu de doctes conversations sur des sujets aussi variés que les chemises fripées ou les plaques d'immatriculation et, sous le regard ébahi de ma mère, il s'est même joint à nous pour éplucher des artichauts! De jour en jour, nous nous sommes attachés à notre pensionnaire. Si bien que le soir des demi-finales, le fameux vendredi, notre clan occupait une rangée complète de la salle Pierre-Mercure. Autant de famille et d'amis conquis par la Linus-mania et venus l'encourager, comme pour un match de hockey. Inutile de dire que nous étions aussi nerveux, sinon plus, que l'artiste lui-même. Sa prestation fut suivie d'une pause interminable, le temps que le jury délibère. Vers 22h00 les noms des neuf finalistes ont enfin été dévoilés. Andriani… Arama… Cárdenas… Galvydyte… Ivanov… Kaskiv… de l'Allemagne, Nicolas Koeckert…. et encore de l'Allemagne… Linus Roth… Le délire! Le reste, c'est de l'histoire. Il y a eu encore beaucoup de pratique, de rires et d'excitation Malheureusement, il y a aussi eu de la déception. La palette des émotions au grand complet ! Et puis à la fin de deux semaines bien remplies, notre pensionnaire nous a quitté. Un grand vide tout à coup. Mais au bout du compte, il nous est resté quelque chose de bien précieux. Le souvenir d'une petite escapade dans le monde de la musique en compagnie d'un grand violoniste et d’un artiste fascinant. Un vrai. La troisième édition du CIMJM sera consacrée au piano. Les demi-finales et la finale se dérouleront du 25 mai au 4 juin 2004. Pour plus de renseignements, visitez le site jeunessesmuiscales.com
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