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Critiques de La Scena Musicale Online. [Index]
25 janvier 2003, Hummingbird Center, Toronto Jenufa de Leos Janacek Jenufa : Helen Field
Comment ne pas penser à cette patiente qui, face à son psychiatre, commet ce lapsus révélateur : « Je viens vous voir parce que jai un problème avec ma fille je veux dire avec ma mère. » Que ce soit avec une belle-fille comme dans la pièce de Gabriella Preissava, éponyme de lopéra de Janacek, ne simplifie pas le tableau psychologique. Cela contribue en réalité à troubler un peu plus le jeu des filiations de cette famille recomposée, qui aimante chaque personnage autant quelle les éloigne. Le Kobbé Baedeker des livrets dopéra- a même jugé bon dadjoindre un arbre généalogique afin de rationaliser les liens entre les demi-frères, les enfants du premier et second mariage, la grand-mère et la fameuse Kostelnicka, cette belle-mère autour de laquelle tout gravite. Même si cette précision de notaire rassure lesprit cartésien, elle nest daucun recours face à londe de choc qui se propage jusquà son funeste dénouement. La Kostelnicka est omniprésente dans la mise en scène de Nicholas Muni. Dabord muette et assise sur une chaise dos à la scène, elle semble prier face à un portrait de vierge préraphaëlite, à limage de Jenufa. Le cadre se détachera du mur pour le deuxième acte ; Kostelnicka avec le bébé dans les bras face à son choix cornélien envisage alors lirrémédiable. Il aura alors entièrement disparu au troisième acte, dévoilant une perspective sur linfini, un puit sans fond. Après la révélation tragique de linfanticide, la scène finale à la Millet paraît aussi absurdement triviale que le cur de cet échafaudage était outrancier. Le bourreau et sa victime ont échangé leurs masques sur fond de pitié, de péché et de repentance Muni décline également le paradigme du malheur à travers autant de symboles que peuvent être un mur vertigineux et une gigantesque meule enfoncée dans la terre comme une stèle funéraire, éclairée par une lumière de scialytique qui se décompose en particules élémentaires. Les scènes campagnardes ne sont quun écot à lart sincère cher à Janacek, mais elles ne parviennent pas vraiment à réchauffer latmosphère oppressante. Eva Urbanova fait plus que prêter ses traits au personnage de Kostelnicka. Autant par son jeu de scène que par les timbres de son soprano drammatico, elle exsude lessence de cette Némesis qui retire aux mortels quelle dirige lattribut sacré qui aurait pu les affranchir de leur sort. Lintensité et la régularité de sa prestation vocale nont dégal que ses superbes pianissimos, animés dune même verve dramatique. Quant à lintelligence de sa diction, elle rappelle limpérieuse nécessité de maîtriser la musique de la langue tchèque, que Janacek érigea au titre de principe musical. Helen Field dans le rôle-titre ne maîtrise peut-être pas lidiome tchèque avec le même naturel, mais réussit sans conteste la composition de son personnage fait dingénuité, de fraîcheur et de soumission. La projection de sa voix lui permet dassurer plusieurs si aigus et de passer au-dessus de lorchestre sans effort. Les interventions des autres chanteurs ne se résument pas à des rôles supplétifs. Le ténor slovaque Miroslav Dvorsky (ne pas confondre avec Peter Dvorsky qui figure dans la version de Mackerras chez Decca) campe un Steva haut en couleur, rehaussé dun timbre vocal dune grande finesse, face à Laca, le demi-frère chanté par le ténor canadien John Mac Master, plus monolithique, tel que lordonne la pièce. Le grand mérite de cette distribution réside dans son homogénéité, sans lexistence du moindre maillon faible. Lorchestre sous la direction de Richard Bradshaw consacre la réussite de la soirée. En rendant comme par instinct la métrique souple de cette musique et en soulignant les notes obsédantes sans pour autant les alourdir, cest à un véritable travail de détail au service du chant et de la dramaturgie que sest livré la phalange de la COC. Après Sarka et Le Début dun roman, Jenufa savère bien le point de départ dune grande lignée opératique composée par Janacek. A sa création à Brno en 1904, Freud avait quarante-huit ans
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