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Jeudi 5 décembre 2002, Théâtre du Maurier, Toronto Peter Collins: Prologue/ Quint
L'art oblique s'accomode mal de la grosse cavalerie normative du bien pensant des metteurs en scène tels que Christopher Newton. Opter pour l'académisme collet monté s'avère aussi ridicule que de sombrer dans le travers de l'homosexualité affichée en gras, que d'autres ont utilisé pour exhiber leur connaissance de l'une des facettes du compositeur. La finesse de Britten requiert un autre langage que la mise en scène de cette production n'aura pas su décrypter. Son optique minimaliste et restreinte avec ses costumes victoriens et sa maquette de manoir hanté possède au moins l'avantage de se concentrer sur la musique géniale de cet opéra de chambre, dirigée d'une main d'expert par Richard Bradshaw. Avec un sens édifiant de la nuance et de la progression qui respecte les équilibres sonores, cette interprétation pétrit dans la tension, le fameux thème de l'écrou (un pied de nez aux dodécaphonistes) tout au long de ses variations. Cette musique pour les spectres est loin d'être de la musique spectrale. Une aubaine pour les jeunes chanteurs du Studio Ensemble qui puisent dans la partition la richesse et l'audace qu'ils ne trouvent pas sur scène. La cohérence de la distribution tout comme l'honorable prestation vocale des chanteurs témoignent de l'excellent travail réalisé par cette "école" au coeur de la Compagnie de l'Opéra du Canada. Peter Collins prête ses traits au personnage (ou plutôt au fantôme) de Quint avec l'aplomb qu'on lui connaît. Clarté irréprochable de la diction et puissance de l'émission sont ses deux atouts. Travailler les nuances et polir le bronze de sa voix devraient lui permettre de confirmer une typologie de drammatico voire de robusto. Les sopranos de Colleen Skull (Mrs Grose) et d'Elizabeth McDonald (Miss Jessel) démontrent une assise tout aussi saine et méritent la même attention pour assurer leur épanouissement. Frédérique Vézina révèle un tout autre instrument: plus riche du point de vue de la sensibilité, mais également plus fragile dans une émission sonore qui ne bénéficie pas assez de ses cordes vocales. Avec trop d'air et pas assez de voix, elle ne rend pas justice à son style artistique tout en soufflant ses mots au lieu de les articuler. Andrea Ludwig et John Michael Schneider dans les rôles des enfants s'avèrent tout à fait remarquables quant à la justesse de leur voix et de leur jeu. Miles est bel et bien le personnage central de cet opéra. Avec son sacrifice sur l'autel de l'innocence ("the ceremony of innocence is drowned"), il paye de sa vie une sensibilité apte à repousser les limites du simple langage de la raison, comme s'il était coupable d'avoir découvert le Mythe de la Caverne.
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