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Critiques de La Scena Musicale Online. [Index]
Stéphane Villemin: La composition occupe une place prépondérante dans votre démarche artistique dont la création de vos oeuvres en concert ne représente que la partie visible de liceberg. En remontant à lorigine de votre formation, que vous a légué Gabriel Gordon, votre professeur de composition? Hervé Galli: Gabriel Gordon qui était un élève de Kapp au Conservatoire de Moscou, ma enseigné la théorie ainsi que la composition. Pendant mes études à ses côtés (cela sest passé à Marseille mais aussi à Ajaccio), jai beaucoup travaillé les oeuvres de Chostakovitch, Prokofiev et Bartok. Il sagissait dune ouverture extraordinaire sur la musique des pays de lEst qui était relativement peu étudiée en Europe occidentale à lépoque. Plus quune inspiration directe par la musique slave, la formation de Gordon ma transmis un besoin de recherche artistique qui motive la plupart de mes compositions. S.V.: La découverte des Klavierstück de Stockhausen fut pour vous une révélation. Quel est votre regard rétrospectif sur ces oeuvres? H.G.: Jai découvert les Klavierstück VII et X en écoutant France Musique, javais alors 16 ans. Jai aussitôt demandé à Gabriel Gordon de les travailler. Cétait un grand saut puisque je nétais jamais allé au-delà de Debussy dans la musique du XXè siècle. Mon professeur ma dabord enseigné la technique avec sa gestuelle si particulière. En parallèle, nous avons étudié loeuvre en suivant les règles de lanalyse et il ma fait travailler des phrases quil avait transcrites en écriture classique. Nous avons progressé ainsi pendant plusieurs semaines jusquau moment où le Klavierstück X a pris forme sous mes doigts. Jai alors compris que la musique tonale ne me permettait pas daccomplir totalement ma personnalité, même si je continue à penser quon ne peut se passer dune formation classique basée sur nos racines culturelles et historiques. S.V.: La virtuosité, présente dans vos compositions pour piano, est aussi impressionnante que chez Giacinto Scelsi. Est-il possible de situer le piano dHervé Galli plus près de celui de Scelsi que, disons, dun Reich ou dun Boulez? H.G.: Cest un fait que les compositeurs du XXè siècle nont pas créé autant pour le piano que leurs ainés du XIXè. Les Liszt de la musique contemporaine ne sont pas légion. Scelsi et moi partageons le même amour pour linstrument, mais nos styles sont profondément différents. Boulez est un grand compositeur, qui a peu composé pour le piano, mais dans lensemble ses oeuvres me laissent froid. Il me faut une dynamique plus prononcée qui donne laspect du feu. Cela nempêche que ma rencontre avec Boulez demeure associée dans ma mémoire à une période heureuse liée au Conservatoire de Marseille et à Pierre Barbizet. Quant à la démarche de Steve Reich, je ny adhère pas du tout. S.V.: Quels sont alors les piliers de votre démarche compositionnelle? H.G.: Pour moi, la composition est un laboratoire dans le sens où il me permet dapprofondir une recherche dans lunivers de labstraction. Le processus se déroule entre le conscient et linconscient; les accords, la dynamique, ainsi que la couleur du son et des rythmes font preuve de la même méticulosité. Bien que je ne sois pas minutieux dans la vie, cest linverse qui se déroule lorsque je compose. Tout doit être réglé avec une extrême précision: le toucher, la répartition du poids entre la touche, le marteau et les cordes. La technique associée à mes oeuvres est en phase avec ma conception de la musique. Enfin le moteur qui fait avancer lensemble repose toujours sur lémotion. La création contemporaine sans émotion est tout au plus intéressante, mais elle ne va pas au-delà de la satisfaction intellectuelle. En revanche, lémotion est universelle. Elle permet de partager plus facilement mes messages avec mon auditoire. S.V.: Comment décrivez-vous votre technique pianistique si particulière? H.G.: Au-delà de lautonomie des mains, je prône lautonomie des doigts. En général, dans les compositions pour piano, la main gauche est accompagnatrice. Dans mes oeuvres, chaque doigt peut avoir sa voix. En conséquent, je suis très demandeur sur la virtuosité de la main gauche. Ma technique pourrait se définir comme une fondatio issue du piano de Liszt sur laquelle se superpose une gestuelle alla Stockhausen. S.V.: Pensez-vous que ce particularisme fasse un jour école dans le monde du piano? H.G.: Je ne rentre pas dans ce genre de considérations et ma démarche nest pas démonstrative. Il est vrai que lorsque je joue en Russie, dans les Pays Baltes ou en Bulgarie, des pianistes viennent me voir à lissue du concert, visiblement très intrigués par ma technique. Les Japonais se montrent également intéressés par mon approche du clavier. Cest curieusement dans les Pays de lEst et au Japon que les échanges sont les plus fructueux. Peut-être ont-ils su garder louverture desprit nécessaire aux échanges et à lécoute de la nouveauté. Propos recueillis par Stéphane Villemin Hervé Galli donnera un récital de piano à la Music Gallery de Toronto, le samedi 9 février 2002, où il interprétera ses dernières compositions.
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