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Critiques de La Scena Musicale Online. [Index]
Opera Lyra. Centre National des Arts, Ottawa. Dernière représentation : le 29 avril 2001. Opera Lyra a eu du courage de sattaquer, pour la deuxième fois en peu dannées, à cette grande oeuvre, jadis aussi fréquemment jouée que Rigoletto et Traviata, mais quon entend de moins en moins à une époque où même le Met a beaucoup de peine à la monter, faute de pouvoir réunir une distribution convenable. Peut-on dire quOpera Lyra a réussi à relever ce défi? La réponse est oui, mais avec certaines réserves. Mes réserves à cet égard tiennent surtout au Comte di Luna, le baryton chinois Yalun Zhang. Je précise tout de suite que M. Zhang est un excellent chanteur qui se signale par une bonne présence en scène, un sens certain du drame et une voix puissante, trois qualités toujours très appréciées du public et qui lui ont valu des applaudissements nourris. Mais un baryton verdien? Les notes biographiques du programme laffirment, mais, quand on y regarde de plus près, on découvre que les seuls de ses rôles quon y mentionne (Tonio, Gérard, Alfio, Barnaba, Scarpia) appartiennent tous au vérisme et aux confins du vérisme. Et ce nest pas surprenant, car le baryton semble avoir le type de voix, plus dramatique que lyrique, qui convient tout à fait à ce répertoire. Mais Verdi, cest autre chose! La musique du Comte di Luna exige une ligne vocale bien définie, une prononciation exacte, une élégance du phrasé, une clarté soyeuse du timbre - toutes autant de qualités qui manquent dans le cas présent. Par bonheur, les trois autres principaux chanteurs ont tout ce quil faut, et tout autant quil le faut pour servir loeuvre ensemble et de façon équilibrée. Le soprano canadien Barbara Livingston, dont la voix donnait limpression dêtre petite en période de réchauffement, sest rapidement révélée être une Leonora aux grands moyens et qui prend un plaisir évident à se jouer des nombreuses difficultés du rôle. On souhaite à cette artiste manifestement douée pour le belcanto romantique et dont la voix est encore toute fraîche davoir loccasion de tâter des grands emplois donizettiens, et en particulier ceux de reines, avant de savancer trop profondément dans Verdi, comme elle semble en avoir lintention. Lautre Canadien, le ténor John Mac Master (Manrico), est lui aussi une révélation. Sagirait-il, comme certains le prétendent, du prochain Ben Heppner, du Richard Margison de demain? Lavenir dira sil a la stature de ces artistes, mais il en a très certainement la carrure! Sa voix nest pas extrêmement puissante, mais il la projette magnifiquement. Le timbre est agréable, le sentiment palpable, et surtout, comme Livingston, il donne limpression de pouvoir triompher de tout sans le moindre effort. Seuls défauts : sa prononciation italienne manque de pureté et son jeu scénique est inexistant - pour lessentiel, il se contente de se trimballer à travers les décors une épée à la main... Mais, côté voix, il est béni des dieux et, comme de nos jours les ténors de qualité se font rares, son talent lui vaudra certainement de belles invitations. Lavenir à plus long terme dépendra de lintelligence de ses choix de carrière et, à cet égard, son répertoire actuel, un peu trop éclectique, nest pas sans inspirer quelques inquiétudes. Le mezzo américain Sharon Graham est une artiste dun métier bien établi et qui sait très exactement ce quexige linterprétation du rôle dAzucena, lune des plus belles créations de cette période dite moyenne de Verdi où le compositeur a su opérer une synthèse unique du beau chant et du mélodrame romantique. Mme Graham a compris que, en dépit de certaines allures «véristes» du rôle qui pourraient laisser croire quAzucena est la grand-mère un peu folle de Carmen, cette musique na pas du tout besoin quon y injecte un supplément démotion pour être efficace : il suffit den faire ressortir les beautés au plan vocal, et de sinspirer du texte pour incarner le personnage, mais en se gardant de tout excès, pour que le charme opère. Parmi les emplois subalternes, la prestation du baryton-basse montréalais Taras Kulish (Ferrando), en dialogue avec le choeur dhommes dans la magnifique scène douverture, donne le goût de lentendre davantage. Son Ferrando était plus quune promesse : cest déjà laccomplissement de la promesse. Comme spectacle, la production était généralement plus que satisfaisante, en grande partie grâce aux décors évocateurs de lEspagne médiévale (murs et tours de pierre sélançant vers le ciel) empruntés au New Orleans Opera. Ces décors peuvent se réagencer de multiples façons, une qualité précieuse car, combinée à la présence immédiatement visible dau moins un élément nouveau par tableau, elle permet de constamment réinventer les lieux scéniques. Par contre, la mise en scène, signée de Ludek Golat, quon a fait venir exprès dOstrava en République tchèque, nétait pas à la hauteur. TROVATORE est en effet un ouvrage où laction a déjà bien suffisamment maille à partir avec la vraisemblance pour quon naille pas en plus y planter des absurdités gratuites - comme labsence du déguisement, pourtant requis par le texte, qui permettrait dexpliquer que Leonora puisse confondre le comte et Manrico au premier acte; ou le fait que le fidèle messager de Manrico au deuxième acte puisse se retrouver parmi les sbires du comte au début de lacte suivant (aurait-il trahi?); ou encore (ceci expliquant peut-être cela) labsence de toute différence visible entre les uniformes des deux forces armées en présence au deuxième tableau du deuxième acte, etc. Les choeurs (dirigés par Laurence Ewashko) étaient excellents, comme à lhabitude, et lorchestre, sous la direction de Tyrone Paterson (également directeur-général dOpera Lyra), sest fort bien acquitté du rôle que lui a conféré Verdi, qui est de se mettre au service du chant en tout temps, sauf aux moments précis où le drame exige une intervention spéciale de sa part. 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