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La Scena Musicale - Vol. 9, No. 9

En périphérie

Par Réjean Beaucage / 5 juin 2004


Une nouvelle chronique pour vous présenter des enregistrements complémentaires à certains sujets abordés ailleurs dans la revue. En écho aux festivals de jazz, voici quelques suggestions pour découvrir ou pour approfondir ce genre multiforme.

Jazz hot... et rafraîchissant !

La compagnie Naxos a acquis une grande expertise en matière de repiquage d'enregistrements d'archive et c'est un plaisir que de pouvoir redécouvrir certaines musiques disparues depuis longtemps de la circulation ou que l'on ne peut encore écouter, avec de la chance, que sur de vieux vinyles.

Charlie Parker vol.3 : « Mellow Bird » (Naxos Jazz Legend 8.120700) présente des enregistrements effectués entre 1949 et 1952 par le maître du saxophone alto qui a donné au bebop ses lettres de noblesse. Le présent volume nous montre cependant Charlie Parker sous un jour que certains jugeront peut-être plus présentable, puisqu'il s'agit des fameuses sessions surnommées « Bird With Strings », où le saxophoniste est accompagné par des sections de cordes et des ensembles de dimensions variables. Certains « puristes » ne prisent guère ces enregistrements, mais il boudent vraiment leur plaisir parce que le saxophoniste est aussi inventif et suave dans Summertime que dans Easy To Love ou dans Autumn In New York . On trouve aussi deux pièces d'un intérêt historique indéniable, soit My Melancholy Baby, enregistrée le 6 juin 1950 avec le trompettiste Dizzy Gillespie, le batteur Buddy Rich et le pianiste Thelonious Monk (seul enregistrement où le pianiste et le saxophoniste sont réunis) et le standard Star Eyes, où Parker partage les solos avec nul autre que Miles Davis.

Mais qui a dit que les cordes et le jazz ne faisaient pas bon ménage ? Il se compose encore ajourd'hui des musiques hybrides où violons et marimba, trombones et violoncelles, s'harmonisent au rythme de la note bleue. LSM recevait récemment un disque de l'ensemble new-yorkais Numinous, fondé par le compositeur Joseph C. Phillips Jr., sur lequel on découvre une musique très raffinée interprétée par un ensemble composé d'excellents musiciens provenant des mondes du jazz et de la musique classique. Le disque The Music of Joseph C. Phillips Jr. (indépendant, voir le site www.numinousmusic.com) s'ouvre sur une pièce qui évoque immédiatement l'héritage de Steve Reich tel qu'il est propagé de nos jours par des ensembles comme le Bang On A Can All Stars (du festival new-yorkais BOAC). Musique « répétitive », mais jamais lassante. C'est cependant le seul exemple du genre et les autres pièces sont plutôt faites d'une musique qui reste légère malgré sa densité, aux orchestrations luxuriantes (la production est de premier ordre) et aux atmosphères changeantes. Étonnant, et sans doute un peu déprimant, de constater que cette musique-là, interprétée par d'excellents musiciens, n'a pas trouvé d'oreille attentive du côté des étiquettes bien étabies. Ce disque-là n'aurait pas déparé le catalogue d'ECM, par exemple.

On ne publie pas que des archives chez Naxos, bien au contraire. Parmi les enregistrements récents, il en est un qui se laissera écouter facilement durant les jours de chaleur tropicale qui s'annoncent : Cuban Jazz, d'Alfredo Rodriguez y Los Acerekó (Naxos World 76046-2). Musique magique qui réchauffe l'hiver et rafaîchit l'été, le jazz afro-cubain est ici servi par un ensemble (comprenant trois percussionnistes, deux chanteurs/percussionnistes, violon, trompette, saxophone et contrebasse) placé sous la direction du pianiste et pionnier du genre Alfredo Rodriguez. Ce dernier, qui a quitté son île en 1960 pour une autre, celle de Manhattan, vit depuis 1985 à Paris, où le disque a été enregistré en 2002. On trouve ici, entre quelques perles de soleil, la Caravan de Duke Ellington et une (trop courte) Scène d'enfant, de Schumann.

Dans un tout autre genre, mais qui demeure tout aussi rafraîchissant, la Fanfare Pourpour, de Montréal, faisait récemment paraître son deuxième disque, qui porte le titre-programme Le Bal (Monsieur Fauteux m'entendez-vous ?, MFMV ? 09). Drôle d'ensemble de 15 musiciens (et six invités), la Fanfare Pourpour rappelle beaucoup plus l'univers du Père Ubu ou de Federico Fellini que celui de John Philip Sousa ; un monde ou le bonheur marche d'un pas léger au rythme de la valse, avec un air vaguement nostalgique. Le saxophoniste et compositeur Jean Derome signe le tiers des pièces et assure la direction musicale avec un plaisir qu'il nous communique directement.


(c) La Scena Musicale 2002