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La Scena Musicale - Vol. 9, No. 9

Salvatore Licitra - Un ténor en cinquième vitesse se prépare à conquérir Montréal

Par Joseph So / 5 juin 2004

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Serait-ce le ténor de demain, le longtemps attendu successeur de Pavarotti et Domingo ? » demandait le New York Times en mai 2002, au lendemain des débuts sensationnels dans Tosca de Salvatore Licitra au Metropolitan Opera. Il venait de remplacer au pied levé un Luciano Pavarotti indisposé dans une soirée bénéfice. Il fallait du cran, sachant que les auditeurs avaient payé jusqu'à 1875 $ pour avoir le privilège d'entendre selon certains le plus grand ténor de notre temps dans ses adieux au Met. L'énorme succès de Licitra est un gage de son talent -- son sang-froid sous la pression, sa préparation musicale et, par-dessus tout, un beau lirico-spinto évoquant le soleil de la Méditerranée.

Né en 1968 à Berne, en Suisse, de parents siciliens, Licitra a grandi à Milan. Il est venu à l'opéra par accident. Après avoir terminé ses études secondaires, il a travaillé comme graphiste, faisant des mises en pages pour Vogue Italia. Il prenait des cours de chant dans ses temps libres et chantait dans des chorales d'églises. Ce n'est que lorsqu'il commença à étudier avec Carlo Bergonzi que les choses se mirent à bouger. Licitra a fait ses débuts dans Un ballo in maschera à Parme en 1998, dans une production des élèves de Bergonzi. Son succès mena à un contrat de remplaçant dans Ballo, Rigoletto et Aida à Vérone, où il finit par chanter les trois rôles. Encouragé par l'accueil du public, il passa une audition à la Scala. Riccardo Muti engagea le jeune ténor pour chanter Alvaro dans une nouvelle production de La forza del destino. Depuis, Licitra est devenu un favori à la Scala, apparaissant dans des rôles prestigieux, notamment dans Tosca au côté de la diva russe Maria Guleghina (disponible sur DVD) et en première comme Manrico dans une nouvelle production du Trouvère.

Artiste exclusif de la maison Sony, Licitra peut être entendu dans la bande sonore du film The Man Who Cried de Sally Potter. Son « Je crois entendre encore » des Pêcheurs de perles est un modèle de vocalisme puissant. Il est également intéressant de l'entendre dans le Trouvère de la Scala, où Muti, au nom de l'authenticité, lui interdit de chanter le fameux contre-ut final non écrit de « Di quella pira », suscitant les sifflets des fameux loggionisti. Dans son disque d'airs d'opéra italien, dirigé par un maestro plus conciliant, Carlo Rizzi, Licitra a montré qu'il possède des contre-ut en abondante réserve.

Sa présence à l'Événement Signature, le concert bénéfice de l'Opéra de Montréal, sera la deuxième prestation de Licitra au Canada -- la première ayant été un récital l'an dernier à la Vancouver Recital Society. « Je suis heureux de retourner au Canada, affirme Licitra depuis sa demeure à Milan, où il vit avec ses parents. La dernière fois, malheureusement, j'étais malade. Vous savez, parfois il vaut mieux annuler un concert, mais j'ai décidé de chanter malgré tout. » Même en communication transatlantique, l'on est frappé par sa gentillesse et son charme. Il ne parle pas français et s'excuse de son accent en anglais, langue qu'il manie néanmoins assez bien à condition que les questions soient courtes et précises.

LSM : Votre chef sera Eugene Kohn. Avez-vous déjà travaillé avec lui ?

SL : Oui, souvent, en Asie et en Allemagne. C'est très rassurant pour moi d'avoir le même chef, parce qu'on peut abréger les répétitions, surtout avec l'orchestre. En plus, il connaît mon tempo, ma respiration.

LSM : Vous chanterez « La fleur que tu m'avais jetée » de Carmen. Avez-vous déjà chanté Don José sur scène ?

SL : Non, jamais. J'ai hâte de chanter cet air parce que c'est la première fois que je chanterai en français. [Pause] Ce n'est pas tout à fait vrai, j'ai chanté en français dans l'album Duetto que j'ai fait avec Marcelo Alvarez.

LSM : Qui a été un best-seller. Êtes-vous content de cet album ?

SL : Bien sûr. Qu'est-ce que vous en pensez ?

LSM : Les amateurs d'opéra auraient aimé que vous chantiez plus d'opéra...

SL : Je sais ! Il est nécessaire à mon avis d'essayer d'amener un nouveau public à l'opéra. La plupart des jeunes, malheureusement, ne connaissent que la musique populaire et se fichent de l'opéra. Mais je suis jeune moi aussi et j'aime dire aux jeunes de ne pas négliger l'opéra, parce que c'est très important dans notre culture.

LSM : Étudiez-vous toujours avec Carlo Bergonzi ?

SL : Malheureusement, je n'ai plus le temps. Vous ne pouvez pas imaginer mon horaire, tellement chargé. Je passe des heures en avion pour aller chanter partout dans le monde.

LSM : Combien de spectacles faites-vous par année ?

SL : Pas tellement, au fond, parce que d'après moi, il est important d'avoir du temps pour étudier. J'aimerais aussi pouvoir conserver [ma voix], être capable de chanter encore longtemps.

LSM : Quels nouveaux rôles chanterez-vous bientôt ?

SL : En septembre, je serai à Washington pour chanter mon premier Andrea Chenier -- un rôle merveilleux. J'étudie Manon Lescaut, Fanciulla del West, Pagliacci et Cavalleria rusticana. J'aimerais un jour chanter La Bohème et je tenterai certainement de chanter Carmen.

LSM : Avez-vous chanté Pollione ? Calaf ?

SL : J'ai chanté Pollione à Miami l'hiver dernier et je le chanterai de nouveau à Vienne en 2005–2006. Calaf est bien sûr un rôle idéal pour mes cordes vocales. J'attends une nouvelle production parce que, la première fois, je veux offrir au public un grand spectacle, une chose mémorable!

LSM : De nouveaux enregistrements en vue ?

SL : Il y a un projet, nous essayons de trouver le temps. Il faut du temps pour faire un disque. C'est une compilation d'arias.

LSM : Vous serez à Toronto en janvier. Que chanterez-vous ?

SL : Je crois que nous offrirons sans doute un gros programme de mon répertoire. Ce sera la première fois que je chanterai avec un accompagnement au piano. [Traduction : Alain Cavenne]

Salvatore Licitra à l'Opéra de Montréal :

Événement signature -- concert bénéfice, 6 juin à 16 h,

Salle Wilfrid-Pelletier, Place-des-Arts. 514 985.2258.

Au Roy Thomson Hall de Toronto : 22 janvier 2005 à 20 h, 416 872.4255


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(c) La Scena Musicale 2002