Manon à l'Opéra de Québec - Une première mise en scène pour Louise Marleau Par Réjean Beaucage
/ 10 mai 2004
Le théâtre, la télévision ou le cinéma nous ont
fait découvrir la comédiene Louise Marleau. Elle tenait pour la première fois en
juillet 2002 au Théâtre de la Dame Blanche, dans la région de Québec, un rôle
qui aura changé sa carrière, comme l'inspiratrice du rôle a aussi changé bien
des vies. Elle tenait en effet le rôle principal dans la pièce Les leçons de
Maria Callas, une traduction de Michel Tremblay de la pièce de Terrence
McNally Master Class (1995). Moins de deux ans plus tard, la voici qui
signe une première mise en scène d'opéra.
LSM : Quelle place la musique occupe-t-elle
dans votre vie ?
Louise Marleau : À vrai dire, il y a presque chez
moi une forme de bloquage face à la musique ! C'est assez étonnant parce que
j'ai souvent joué des rôles de musiciennes, qu'il s'agisse de Jacqueline du Pré,
dans Duo pour une soliste ou du rôle d'ancienne chanteuse de jazz que je
tiens actuellement dans la série télévisée Le bleu du ciel, de
Victor-Lévy Beaulieu. Et il y en a bien d'autres, ce qui est assez ironique
puisque l'une des grandes souffrances de ma vie est de ne pas pouvoir chanter !
J'adore la musique, mais je n'étais pas particulièrement éprise d'opéra avant de
tenir le rôle de Callas. J'ai assisté à quelques représentations mémorables,
Othello dans la cour du palais des Doges à Venise, ou Cavalleria
Rusticana aux thermes de Caracalla, de grandes expériences, mais ça ne
m'attirait pas particulièrement jusqu'à ce que je joue Callas ; ça a été le
déclencheur et c'est ce qui fait que je suis ici aujourd'hui.
LSM : C'est après vous avoir vue dans cette
pièce que l'on vous a approchée ?
LM : C'est-à-dire que c'est la soprano Joane
Bellavance, qui vit à Québec et avec qui je travaillais dans Les
leçons... que j'ai un peu coaché pour son rôle dans la pièce. Puis
elle a parlé à Grégoire Legendre, le directeur général de l'Opéra de Québec (et
directeur artistique depuis juillet 2003), parce qu'elle allait y tenir le rôle
d'Adina dans L'Elisir d'amore (mars 2004) et elle lui a suggéré que je
pourrais mettre en scène un opéra, que je saurais diriger les chanteurs, etc. Il
a donc assisté à une représentation de la pièce (je me souviens d'ailleurs que
ce n'était pas notre meilleur soir !), mais il a apprécié et il m'a tout de
suite dit qu'il voulait voir mon nom sur une des affiches de l'Opéra de Québec !
J'ai bien insisté sur le fait que ce n'était qu'un rôle que je tenais et il
l'avait bien compris, mais il avait aimé l'intensité et était convaincu que je
pourrais apporter quelque chose. J'étais assez occupée à l'époque, mais il est
revenu à la charge et j'ai fini par accepter !
LSM : C'était tout à fait nouveau pour vous,
comment avez-vous procédé ?
LM : Ça a été un exercice assez ardu pour moi,
parce que je n'avais aucune méthode de travail pour ce type d'entreprise ;
m'imaginer qu'il y aurait 70 personnes sur une scène à qui je devrais dire quoi
faire, ça n'était pas évident... J'avais la partition depuis déjà un certain
temps, alors je l'ouvrais et je voyais les notes et je me disais : « Mais
qu'est-ce qu'il veut que je fasse avec ça ? »
LSM : Vous ne lisez pas la musique
?
LM : Non ! J'ai voulu prendre des cours l'été
dernier ; on m'avait dit que je pourrais arriver en trois mois à lire, non pas «
la musique », mais au moins cette musique-là. J'ai déjà appris l'anglais en six
mois pour jouer Roméo et Juliette, alors c'est le genre de défi qui peut
m'attirer. Malheureusement, je n'avais pas le temps nécessaire. Alors un matin,
je me suis levée et je m'y suis jetée. Ça a duré six semaines, huit heures par
jour, durant lesquelles j'ai travaillé, à partir des photos que j'avais de la
production de l'Opéra de Montréal, à imaginer par où les chanteurs allaient
entrer et sortir, etc. J'ai tout mis sur papier, ce que je ne ferais jamais si
je devais par exemple monter une pièce de théâtre à trois personnages. Je ne
serais jamais aussi précise sur les déplacement, ce serait faire injure aux
acteurs, mais quand il y a 70 personnes, c'est une autre paire de manches !
Alors j'ai tout préparé en me disant : « j'aurai au moins quelque chose à leur
montrer ! »
Bien sûr, j'avais commencé par lire le roman de
l'abbé Prévost, Manon Lescault, parce que c'est une démarche plus naturelle pour
moi de commencer par des mots ; j'ai ensuite lu le livret, puis de la
documentation sur les différentes productions. Enfin, j'ai écouté différentes
versions jusqu'à vraiment connaître l'œuvre. Certaines interprétations me
plaisaient plus que d'autres. Enfin, lorsque j'ai montré à mon assistante et au
régisseur le travail que j'avais fait, je me suis rendue compte que, comme toute
personne nouvelle qui arrive pleine d'humilité, j'avais fourni beaucoup plus de
travail qu'un metteur en scène d'expérience ne l'aurait fait !
LSM : Donc tout se passe bien
?
LM : Ma grande frustration reste de devoir utiliser
les décors et costumes d'une production précédente. Je suis très "visuelle" ; il
y a des gens avec qui j'aime beaucoup travailler, qui sont Michel Robidas
(révision des costumes) et Michel Beaulieu (éclairages), qui seront très
importants dans cette nouvelle production, mais j'aurais préféré partir de
rien.
LSM : Ce sera peut-être le cas la prochaine
fois.
LM : Oh ! Vous savez, je me trouve tellement
chanceuse d'avoir eu ce parcours qui a fait que je me retrouve là ! Que l'on
choisisse une comédienne qui n'a jamais vraiment fait de mise en scène, sauf une
fois pour Claude Dubois (mais c'était vraiment autre chose !), je trouve ça
miraculeux ! Et dire que j'avais hésité à faire Callas !
LSM : Ça vous a vraiment aidé
?
LM : Oui, parce que j'avais déjà beaucoup fouillé
l'opéra, j'en ai écouté beaucoup, j'ai regardé des vidéos et ça m'a aussi permis
de constater l'évolution récente de l'opéra.
LSM : On parle beaucoup depuis quelque temps
de la « dictature des metteurs en scène » à l'opéra...
LM : Oh ! Ça... Pas avant ma cinquième mise en
scène !
MANON de
Jules MASSENET
Orchestre
symphonique de Québec / Yannick Nézet-Séguin
Chœur de l'Opéra de Québec / Jean-Marie
Zeitouni
Mise en scène :
Louise Marleau Manon :
Nathalie Paulin Le
chevalier Des Grieux : Marc Hervieux Lescault : Jean-François Lapointe Le comte Des Grieux : Marc
Belleau Guillot de Morfontaine : André Jobin
8 mai 2004 à 19 h, 11, 13, 15 mai à 20
h
Salle
Louis-Fréchette Grand
Théâtre de Québec 418-643-8131
|