CMIM : propos de deux interprètes-concurrents Par Laurier Rajotte
/ 10 mai 2004
Depuis 2002, Montréal peut s'enorgueillir du retour
de son Concours Musical International dirigé par les Jeunesses Musicales (CMIM).
Après le chant et le violon, l'édition 2004 est consacrée au piano. Bien que
certains aient des réserves sur quelques points (tels la liste conservatrice des
concertos et le fait que 2 des 9 juges étaient membres du jury lors du Concours
de l'Orchestre Symphonique de Montréal il y a moins de 6 mois), ce concours fait
preuve d'une organisation impeccable. Suite à la première épreuve faite et jugée
par enregistrement, 24 pianistes ont été retenus pour la demi-finale débutant le
26 mai 2004.
Bien plus qu'un jury et une bonne organisation, un
concours de musique c'est d'abord des interprètes. J'ai donc rencontré deux
interprètes-concurrents et leur ai posé six questions à propos de leur
participation au CMIM. Le premier : Spencer Myer, pianiste de 25 ans né aux
États-Unis. Parmi les plus prometteurs de son pays et grand habitué des concours
internationaux, il a remporté plusieurs prix dont le 1er prix au UNISA de
Pretoria, en Afrique du Sud, et le 3e prix à la New Orleans International
Competition. Le second est Matthieu Fortin, pianiste de 21 ans né à Chicoutimi,
au Québec. Véritable musicien d'exception parmi les jeunes pianistes canadiens,
après plusieurs premiers prix nationaux et son admission au doctorat à
l'Université de Montréal, il en est aujourd'hui à son premier concours
international. Voici ce qu'ils ont tous deux à nous dire.
Qu'est-ce qui a motivé votre choix de
participer au CMIM ?
Spencer Myer : Les compétitions font
partie de la vie des jeunes pianistes. Nous sommes très nombreux et les
occasions de jouer sont restreintes, ainsi, les compétitions s'avèrent une
possibilité de jouer en public. Parmi tous les concours, la grande réputation du
CMIM m'a tout de suite donné le goût d'y participer.
Matthieu Fortin : Je savais que cette année était
dédiée au piano. Comme je désirais, dans un avenir plus ou moins rapproché,
participer à un concours international, le CMIM représentait l'occasion idéale
de tenter ma chance.
Comment avez-vous reçu la nouvelle de votre
acceptation ? Quelle a été votre réaction ?
SM : On m'a joint par téléphone. J'ai
tout de suite compris que ce concours traitait les participants de façon humaine
et personnelle. C'est très rassurant de savoir qu'on sera bien pris en charge,
car avec le voyage et la compétition, nous n'avons pas besoin de stress
supplémentaire !
MF : Par courriel et par téléphone. J'ai plutôt
bien réagi. Cette nouvelle m'a toutefois donné un peu le vertige car il s'agit
de mon premier concours international. Poser sa candidature pour participer à un
concours est comme une loterie. Je crois qu'un concours est d'abord et avant
tout un concours de circonstances... je me considère déjà privilégié d'avoir été
sélectionné pour la demi-finale.
Quelles sont vos attentes face au Concours
?
SM : Par-dessus tout, je m'attends à
un concours de très haut niveau. La sélection a été très sévère (24 sur 244) et
je suis honoré d'avoir été choisi. Je m'attends également à des programmes
originaux pour la demi-finale parce que le répertoire était au choix. Tous les
participants pourront mettre leurs forces en valeur.
MF : Voir ce que je peux accomplir dans une telle
situation, jusqu'où je peux me rendre dans l'interprétation des œuvres que je
présenterai aux demi-finales versus les délais qui me sont impartis.
Comment vous y préparez-vous
?
SM : La préparation varie d'une
compétition à l'autre. Cela dépend de la façon dont les épreuves sont réparties.
Pour le CMIM, je travaillerai tout en même temps (demi-finale et finale) et
quelques jours avant le concours, je me concentrerai uniquement sur la
demi-finale. Il m'est possible de faire ainsi, car il y a assez de temps entre
les deux épreuves. Cela me permet de conserver une plus grande concentration que
si je devais entretenir deux programmes solos et deux concerti de
front.
MF : Je viens de terminer mon année universitaire,
ce qui me laisse davantage de temps pour ma préparation au concours.
Quel serait votre idéal de concours
?
SM : La plus grande qualité qu'un
concours peut avoir, c'est de choisir un petit nombre de participants pour leur
permettre de prendre le temps de jouer un récital complet. Cela donne au jury la
chance de formuler un jugement plus solide, appuyé sur la musique plutôt que sur
la performance. Une autre qualité, c'est d'offrir aux participants la chance de
jouer avec un grand orchestre. Voilà deux aspects positifs que je retrouverai au
CMIM.
MF : Comme c'est le premier concours
international auquel je participe, il me serait difficile d'avoir un idéal de
concours très défini. Cependant, dans l'optique où, selon moi, un concours
devrait tendre à récompenser un musicien, il serait souhaitable que les
auditions préliminaires aient lieu devant le public plutôt que par
enregistrement.
Pensez-vous qu'il
soit possible de bâtir une carrière avec un concours ?
SM : Je crois que les concours peuvent
aider une carrière. Or, un artiste a ses responsabilités et ne peut pas se fier
uniquement aux compétitions. Dans la masse des lauréats, un premier prix peut
facilement être oublié. Par contre, les concours peuvent donner une excellente
visibilité à l'artiste, et ce, même s'il ne remporte pas le premier
prix.
MF : Je ne crois pas qu'il soit
possible de bâtir une carrière exclusivement à partir d'un concours. Un prix de
concours peut certes donner une bonne visibilité de même que d'excellentes
possibilités. Cependant, si l'on envisage une carrière à plus long terme, il est
important de considérer d'autres facteurs tels la personnalité même du musicien
et les relatio
ns qui permettront de créer un réseau de contacts susceptibles de
reproduire des engagements ou d'en créer de nouveaux.
En conclusion, les deux pianistes semblent
pleinement satisfaits de l'organisation du CMIM. De plus, on constate qu'ils
savent situer un concours dans l'ensemble d'une vie d'artiste. Qu'on en parle
comme d'une loterie, d'un concours de circonstance ou d'une simple visibilité
pour de futurs engagements, le concours se voit d'abord et avant tout comme un
outil de carrière et non comme une entité musicale. J'aurais voulu demander aux
deux concurrents s'ils considéraient le concours de musique comme un bon outil,
mais lorsqu'on constate que pour la très grande majorité il est le seul
véritable outil, la question ne se pose pas. C'est à croire que de la
télé-réalité aux concours de musique classique, la compétition est la meilleure
façon de promouvoir les jeunes artistes.
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