Un Stradivarius à crédit ? Par Jean-Sébastien Gascon
/ 26 avril 2004
Les musiciens professionnels doivent avoir des
instruments à la hauteur de leur talent afin d'obtenir un poste dans les
ensembles et orchestres de haut calibre.
Ces instruments sont souvent hors de prix, allant
de quelques milliers à plusieurs centaines de milliers de dollars. Les options
pour les musiciens n'abondent pas : la banque d'instruments du Conseil des Arts
du Canada, l'achat ou le mécénat. Quand le mécénat et la banque d'instruments
n'ont pas souri au musicien, il ne lui reste que l'achat. Si les banques
n'hésitent pas à financer une automobile de 40 000 $, il en va tout autrement
pour un instrument de musique...
Cette situation, Sylvain Murray,
violoncelliste avec Les Violons du Roy et la Société de musique de chambre de
Québec, l'a vécue dernièrement. « À l'étape où je suis rendu dans ma carrière,
l'achat d'un bon instrument devenait essentiel pour faire partie des bons
ensembles ». Sans un instrument de qualité, certains postes lui étaient
inaccessibles. Son choix s'est porté sur un violoncelle moderne fabriqué par
Samuel Zygmuntowicz, d'une valeur de plusieurs dizaines de milliers de dollars.
Il a demandé un prêt de la banque, mais, malgré la valeur de l'instrument,
l'institution financière a exigé des garanties supplémentaires. Il lui a fallu
un endosseur de son entourage pour que finalement le prêt lui soit
accordé.
C'est pour remédier à ce type de situation que la
Guilde des musiciens du Québec cherche à développer le prêt aux musiciens
professionnels pour l'acquisition d'instruments de valeur. Plusieurs organismes
ont été contactés afin de développer ce projet unique au Canada, et probablement
en Amérique. Selon Denis Filiatrault, mandaté par le président de la Guilde
Gérard Masse pour faire avancer le projet, « la solution repose sur le
développement d'un partenariat de fonds de prêt pour l'achat d'instruments, où
ceux-ci serviraient de garantie. » Bien que la structure de financement ne soit
pas encore complètement établie, plusieurs institutions financières ont montré
leur intérêt à collaborer. La Guilde ferait l'étude de chaque dossier et
recommanderait les musiciens. Les instruments seraient quant à eux évalués par
des consultants luthiers et demeureraient la propriété du prêteur jusqu'au
paiement final.
Le fait d'avoir pour seule garantie l'instrument
lui-même pose un problème aux banques et aux caisses. Il faut dire que même si
la valeur des instruments de musique de calibre augmente au fil des ans,
l'évaluation des instruments et leur revente ne sont évidemment pas la
spécialité des institutions financières. La garantie est donc très faible. Que
faire quand le musicien accuse un défaut de paiement ? La banque cherche
généralement à obtenir des garanties supplémentaires. Pierre Marin, de la Caisse
d'économie de la culture : « Le travail des institutions financières serait
simplifié s'il y avait un intermédiaire capable d'apporter les garanties pour le
musicien. »
Marcel Choquette, président du Fonds
d'investissement de la culture, énonce comme seconde difficulté la capacité de
paiement de l'emprunteur : « Financer un violoncelle de 80 000 $ lorsqu'un
musicien gagne 20 000 $ par année, c'est tout un défi. » La solution reposerait
donc aussi sur l'étalement du prêt, pouvant aller jusqu'à 20 ans, au lieu des 5
à 7 ans habituels, afin que les versements correspondent à la capacité de payer
du musicien .
La Guilde procède actuellement à l'évaluation des
besoins des musiciens. Communiquez directement avec Denis Filiatrault ou
remplissez et retournez le formulaire inclus dans La Scena Musicale si
vous désirez obtenir plus d'information sur ce programme.*
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