Le présent coffret est un héritage double, car, en
plus de contenir au-delà de six heures de la meilleure musique de Lyons, tous
les enregistrements regroupés ici ont été réalisés dans deux temples disparus de
la légendaire scène des lofts new-yorkais (Studio Rivbea et Soundscape). Outre
la série « Wildflowers », captée en direct au Studio Rivbea, il n'existe à vrai
dire que très peu de documents de première main sur la musique créée dans cet
environnement entre le milieu des années 1970 et le début des années
1980.
Ce petit coffre à bijoux comprend plusieurs perles
rares. Entre autres, une entrevue dans laquelle le saxophoniste fait notamment
état de ses débuts en musique, de son évolution, de sa philosophie et de son
association avec Cecil Taylor, un livret détaillé comprenant une masse
d'informations sur sa carrière et sur les séances d'enregistrement rassemblées
ici, et de magnifiques improvisations au basson de la veuve de Lyons, Karen
Borca. Dans une séance en quartette, signalons aussi la présence du trompettiste
Raphé Malik, du bassiste Hayes Burnett et du batteur Sidney Smart. L'art de
Lyons nous est donc offert dans une grande variété de contextes : en plus d'un
long soliloque où le saxo révèle le cœur de sa pensée musicale à un concert en
quartette relativement classique, on a aussi droit à deux autres prestations en
trio et à une cinquième à la tête d'un autre quartette qui atteint des sommets
d'énergie et d'émotion.
À ceux qui auraient envie de se lancer dans
l'aventure, on recommande de prendre la musique par les oreilles, et à ceux qui
voudraient se la procurer, de se rendre sur les sites de Verge Distributors
(vergemusic.com), de Cadence (cadencebuilding.com) et même chez Ayler records
(ayler.com). Cristian
Haché
Trio Derome – Guilbeault –
Tanguay
Dix
compositions
Ambiances Magnétiques AM121 CD
Au fil des ans, messieurs Derome, Guilbeault
et Tanguay se sont retrouvés sur scène à d'innombrables reprises et dans les
contextes les plus divers. À trois, ils aimaient bien explorer la tradition du
jazz en dépoussiérant certains vieux thèmes méconnus. Pour son premier disque,
ce trio s'attaque à dix compositions du premier comparse. Laissant de côté ses
concepts plus abstraits et ses bidules sonores, le saxophoniste et flûtiste Jean
Derome propose des lignes mélodiques bien fignolées : parfois bluesées et
swingantes, parfois lyriques, parfois aspergées de subtiles touches de Monk, ses
pièces parviennent à dépasser le simple calque, atteignant même une signature
personnelle, comme dans la sinueuse ligne de « Fluide ». Est-il besoin de le
dire, la rythmique basse-batterie est irréprochable, Guilbeault assurant une
assise de béton avec ses ostinatos harmoniques et pédales bourdonnantes, et
Tanguay se promenant allégrement avec et autour des tempos battus. Inscrite dans
le giron du post-bop, cette musique est aussi pimentée d'un tout petit brin de
free jazz. Outre son fidèle saxo alto, Derome enfourche pour notre plus grand
plaisir son gros baryton musclé sur deux numéros, et ses flûtes bien aiguisées
sur deux autres (dont la basse sur le mystérieux « Étymologie » et sa flûte en
do toute pimpante sur « Michka »). Si d'aventure vous avez des amis new-yorkais,
faites leur tourner ce disque sans qu'ils sachent ce qui en est : parions qu'ils
n'y verront que du feu en pensant qu'il s'agit d'un ensemble de chez eux.
Marc
Chénard
Ken Aldcroft Trio + 1
From our time
Trio Records TRP-005
En dépit de sa réputation essentiellement
conservatrice en matière de jazz, Toronto est peuplée d'une jeune faune qui
essaie vaillamment de proposer autre chose que le mainstream. Parmi cette
relève, le guitariste Ken Aldcroft semble vouloir se démarquer des recettes
traditionnelles. Sans basse, son trio avec le batteur Joe Sorbara et le saxo
alto Evan Shaw se détache des inévitables quartettes, même s'il y a un invité
ici, soit le jeune trompettiste Gordon Allen (d'où le +1 dans le titre de ce
disque). Pourtant, même si Aldcroft opte pour une formule instrumentale
hors-norme, celle-ci se réfère au style new-yorkais des années 80-90, époque où
la Knitting Factory faisait la pluie et le beau temps en matière de nouveau
jazz. À l'écoute du batteur, les ressemblances sont frappantes (sic) avec Jim
Black (jadis membre du Tiny Bell Trio de la désormais star Dave Douglas), tandis
que le saxophoniste n'est pas sans rappeler Tim Berne ou Briggan Krauss,
quoiqu'en moins acéré. Le guitariste évoque pour sa part Bill Frisell ou Brad
Shepik. Pas de doute, ce trio se situe dans le sillage de ces modèles américains
plus récents, une niche qui lui sied bien, soit, mais l'ensemble doit encore se
dégager des ces modèles. En concert à Montréal, le 24 avril prochain.
Marc
Chénard
Tony Wilson Quintet
Horseplay
shire editions cd002
Home to a thriving community of jazz and
improvising musicians, Vancouver sports many talents worthy of wider
recognition. Of these guitarist Tony Wilson qualifies, no ifs, buts or maybes.
An improviser with plenty of surprises up his sleeve, be it on his standard
guitar or a couple of other more exotic instruments, Wilson is a composer with a
yen for unexpected twists and turns. Case in point, the opening track of his
second release as a leader ("For Freddie Stone nº2") kickstarts with an
energetic riff and theme. From there on, in comes a brazen alto solo, a segue
into a relaxed bass interlude, a surprising guitar outburst that dovetails into
an airy trumpet solo and a return to the full-throttled head, all of this packed
into an eight and a half minute performance. Over the 63 minute total playing
time, the leader and his four promising newcomers plow through 15 pieces, six of
them under the 2 minute mark, some orginals by the leader and three covers, one
from Don Cherry ("Chenrezig"), another by Ornette Coleman ("Zig Zag") and one
item by Sun Ra ("Saturn"), who is the dedicatee of this recording, incidentally.
If you are one who still likes jazz to be the sound of surprise, this disc comes
highly recommended. Tony Wilson appears in concert in Montreal on April
1st and 2nd. Marc
Chénard