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La Scena Musicale - Vol. 9, No. 7

CD Jazz Le rayon du disque / Off the Record

April 26, 2004


Jimmy Lyons – The Box set
ayler records 036-040

L'histoire du jazz regorge de grands créateurs : Duke Ellington, Louis Armstrong, Charlie Parker, John Coltrane, Thelonious Monk, Ornette Coleman, Cecil Taylor et Anthony Braxton... Lorsqu'on s'attarde aux grands improvisateurs, c'est encore pire. Mais qu'en est-il des grands héritiers ? Qui dépouille l'art d'un maître de son contexte, révélant ainsi toute sa beauté ? Presque personne. Presque. Le meilleur exemple que l'on puisse donner à cet effet est le saxophoniste alto Jimmy Lyons. Avant-gardiste convaincu, il s'est approprié l'art de Charlie Parker, l'a décontextualisé et nous l'a redonné dans sa forme la plus pure et la plus vive. Que l'on pense, entre autres, à sa longue association avec Cecil Taylor, du début des années soixante jusqu'en 1986, année du décès de l'altiste.

Le présent coffret est un héritage double, car, en plus de contenir au-delà de six heures de la meilleure musique de Lyons, tous les enregistrements regroupés ici ont été réalisés dans deux temples disparus de la légendaire scène des lofts new-yorkais (Studio Rivbea et Soundscape). Outre la série « Wildflowers », captée en direct au Studio Rivbea, il n'existe à vrai dire que très peu de documents de première main sur la musique créée dans cet environnement entre le milieu des années 1970 et le début des années 1980.

Ce petit coffre à bijoux comprend plusieurs perles rares. Entre autres, une entrevue dans laquelle le saxophoniste fait notamment état de ses débuts en musique, de son évolution, de sa philosophie et de son association avec Cecil Taylor, un livret détaillé comprenant une masse d'informations sur sa carrière et sur les séances d'enregistrement rassemblées ici, et de magnifiques improvisations au basson de la veuve de Lyons, Karen Borca. Dans une séance en quartette, signalons aussi la présence du trompettiste Raphé Malik, du bassiste Hayes Burnett et du batteur Sidney Smart. L'art de Lyons nous est donc offert dans une grande variété de contextes : en plus d'un long soliloque où le saxo révèle le cœur de sa pensée musicale à un concert en quartette relativement classique, on a aussi droit à deux autres prestations en trio et à une cinquième à la tête d'un autre quartette qui atteint des sommets d'énergie et d'émotion.

À ceux qui auraient envie de se lancer dans l'aventure, on recommande de prendre la musique par les oreilles, et à ceux qui voudraient se la procurer, de se rendre sur les sites de Verge Distributors (vergemusic.com), de Cadence (cadencebuilding.com) et même chez Ayler records (ayler.com). Cristian Haché

Trio Derome – Guilbeault – Tanguay
Dix compositions
Ambiances Magnétiques AM121 CD

Au fil des ans, messieurs Derome, Guilbeault et Tanguay se sont retrouvés sur scène à d'innombrables reprises et dans les contextes les plus divers. À trois, ils aimaient bien explorer la tradition du jazz en dépoussiérant certains vieux thèmes méconnus. Pour son premier disque, ce trio s'attaque à dix compositions du premier comparse. Laissant de côté ses concepts plus abstraits et ses bidules sonores, le saxophoniste et flûtiste Jean Derome propose des lignes mélodiques bien fignolées : parfois bluesées et swingantes, parfois lyriques, parfois aspergées de subtiles touches de Monk, ses pièces parviennent à dépasser le simple calque, atteignant même une signature personnelle, comme dans la sinueuse ligne de « Fluide ». Est-il besoin de le dire, la rythmique basse-batterie est irréprochable, Guilbeault assurant une assise de béton avec ses ostinatos harmoniques et pédales bourdonnantes, et Tanguay se promenant allégrement avec et autour des tempos battus. Inscrite dans le giron du post-bop, cette musique est aussi pimentée d'un tout petit brin de free jazz. Outre son fidèle saxo alto, Derome enfourche pour notre plus grand plaisir son gros baryton musclé sur deux numéros, et ses flûtes bien aiguisées sur deux autres (dont la basse sur le mystérieux « Étymologie » et sa flûte en do toute pimpante sur « Michka »). Si d'aventure vous avez des amis new-yorkais, faites leur tourner ce disque sans qu'ils sachent ce qui en est : parions qu'ils n'y verront que du feu en pensant qu'il s'agit d'un ensemble de chez eux. Marc Chénard

Ken Aldcroft Trio + 1
From our time
Trio Records TRP-005

En dépit de sa réputation essentiellement conservatrice en matière de jazz, Toronto est peuplée d'une jeune faune qui essaie vaillamment de proposer autre chose que le mainstream. Parmi cette relève, le guitariste Ken Aldcroft semble vouloir se démarquer des recettes traditionnelles. Sans basse, son trio avec le batteur Joe Sorbara et le saxo alto Evan Shaw se détache des inévitables quartettes, même s'il y a un invité ici, soit le jeune trompettiste Gordon Allen (d'où le +1 dans le titre de ce disque). Pourtant, même si Aldcroft opte pour une formule instrumentale hors-norme, celle-ci se réfère au style new-yorkais des années 80-90, époque où la Knitting Factory faisait la pluie et le beau temps en matière de nouveau jazz. À l'écoute du batteur, les ressemblances sont frappantes (sic) avec Jim Black (jadis membre du Tiny Bell Trio de la désormais star Dave Douglas), tandis que le saxophoniste n'est pas sans rappeler Tim Berne ou Briggan Krauss, quoiqu'en moins acéré. Le guitariste évoque pour sa part Bill Frisell ou Brad Shepik. Pas de doute, ce trio se situe dans le sillage de ces modèles américains plus récents, une niche qui lui sied bien, soit, mais l'ensemble doit encore se dégager des ces modèles. En concert à Montréal, le 24 avril prochain. Marc Chénard

Tony Wilson Quintet
Horseplay
shire editions cd002

Home to a thriving community of jazz and improvising musicians, Vancouver sports many talents worthy of wider recognition. Of these guitarist Tony Wilson qualifies, no ifs, buts or maybes. An improviser with plenty of surprises up his sleeve, be it on his standard guitar or a couple of other more exotic instruments, Wilson is a composer with a yen for unexpected twists and turns. Case in point, the opening track of his second release as a leader ("For Freddie Stone nº2") kickstarts with an energetic riff and theme. From there on, in comes a brazen alto solo, a segue into a relaxed bass interlude, a surprising guitar outburst that dovetails into an airy trumpet solo and a return to the full-throttled head, all of this packed into an eight and a half minute performance. Over the 63 minute total playing time, the leader and his four promising newcomers plow through 15 pieces, six of them under the 2 minute mark, some orginals by the leader and three covers, one from Don Cherry ("Chenrezig"), another by Ornette Coleman ("Zig Zag") and one item by Sun Ra ("Saturn"), who is the dedicatee of this recording, incidentally. If you are one who still likes jazz to be the sound of surprise, this disc comes highly recommended. Tony Wilson appears in concert in Montreal on April 1st and 2nd. Marc Chénard


(c) La Scena Musicale