Mes étés en musique
6 mars 2004
La violoncelliste Anna Sampson fréquente les
camps musicaux depuis sa plus tendre enfance. De Montréal à Dublin, ces
expériences intenses ont influencé sa vie, tant personnelle que professionnelle.
Elle pose pour nous un regard rétrospectif sur ces aventures
estivales.
C'est en sueur et les muscles brûlants que nous
grimpions chaque matin la colline menant à la Salle Claude-Champagne de la
Faculté de musique de l'Université de Montréal. Notre équipement (un petit
violoncelle d'enfant, un banc ajustable, des sandwiches ramollis, des
partitions, un lutrin et des maillots de bain) se balançait sur nos épaules.
C'était l'été de 1999, mémorable pour moi parce que j'assistais pour la première
fois à un camp musical. J'étais inscrite, avec ma mère, à l'Institut Suzuki de
Montréal. J'avais commencé à jouer du violoncelle durant l'année et, armée de
six variations sur le thème de Twinkle, Twinkle Little Star, j'étais
prête à rencontrer mes petits collègues.
Je ne sais pas si ma mère réalisait à ce moment-là
que cette expérience deviendrait un rituel. En effet, les cinq années suivantes,
nous avons dégusté nos sandwiches dans l'herbe des universités de Montréal,
Concordia et McGill, et même à l'Institut international de Dublin, en Irlande.
J'ai eu beaucoup de plaisir avec les autres enfants durant les leçons de groupe.
Des familles venant de partout sur la planète se rassemblaient pour jouer
Twinkle ensemble. De plus, mes sessions aux camps d'été m'aidaient à
préserver les progrès faits durant l'année et ont contribué à protéger les
oreilles sensibles de ma mère et de mon professeur régulier.
La dernière fois que j'ai assisté à un camp
purement pour le plaisir a coïncidé avec ma décision de devenir une
violoncelliste professionnelle. Je me trouvais cet été-là au camp Point
Counter Point, magnifiquement situé au bord d'un lac du Vermont. Établi par
le père de David Finkle, le violoncelliste du Quatuor Emerson, le camp
accueillait des élèves d'un niveau plus avancé que celui auquel j'étais
habituée. Malgré tout, j'avais encore du temps pour me baigner et participer aux
activités artistiques. Grâce à la gentillesse et aux encouragements de mes
professeurs, j'en suis sortie pleine d'assurance et d'inspiration.
Grandeurs et misères
L'été suivant, j'ai fait un saut à l'autre bout du
pays, à Courtenay, en Colombie-Britannique, au Courtenay Youth Music
Center , installé à la station de ski du Mont Washington, au dessus de la
vallée de Comox. C'est là que j'ai vraiment été initiée aux joies et aux peines
du transport d'un violoncelle, que j'associe encore aux festivals d'été. Après
quatre semaines d'enseignement privé et de musique de chambre, je suis rentrée
chez moi avec un violoncelle plus troué qu'à l'habitude, à cause d'un accident
lors du dernier concert. J'ai rencontré à ce camp plusieurs musiciens canadiens
que j'ai revus à d'autres festivals au fil des années.
Plusieurs de ces amis ont partagé mes inconforts
lors de ma session à l'Orchestre national des jeunes du Canada (ONJC). En
juillet et en août de cette année-là, aucune brise fraîche ne soufflait sur
Kingston, en Ontario. Notre illustre directeur, Mario Bernardi, nous arrosait de
sueur et nos doigts s'abîmaient dans l'humidité intense. Malgré ces conditions,
nous avons reçu un enseignement fantastique par de grands artistes (Ben Heppner,
entre autres) et nous avons goûté à l'expérience de la tournée avec un orchestre
symphonique.
À l'automne 1999, je suis entrée à l'Université
McGill, où l'on a considéré mon expérience à l'orchestre suffisante pour
m'éviter une autre session avec l'ONJC. En outre, j'avais une tonne de musique à
apprendre et je n'aurais jamais pu y arriver avec l'horaire chargé de
l'Orchestre. L'été dernier, j'ai eu le grand privilège de faire partie de la
classe de Janos Starker au Centre d'Arts Orford. Des étudiants de partout
venaient assister aux cours de maître du célèbre pédagogue. Un jeu spectaculaire
et un enseignement inspiré émergeaient de la fumée de cigarettes entourant le
maître. Après six heures de cours, on se précipitait dans les locaux disponibles
pour s'exercer tout le reste de la journée. Heureusement, le Centre d'Arts se
trouve dans un coin magnifique des Cantons-de-l'Est, entouré d'une forêt et près
d'un lac. Au surplus, nous avions l'occasion d'assister aux concerts et aux
classes des autres professeurs.
Des lieux de promesses
Une carte portant la mention « Artiste »
m'attendait au comptoir d'inscription du Centre d'Arts de Banff, en Alberta.
Venait avec elle la promesse d'un service de desserts à volonté... J'étais ravie
! Grâce à son statut permanent, le Centre offre une ambiance calme et une
organisation soignée. Des sculpteurs, des peintres, des musiciens et une petite
armée de ballerines adolescentes se mêlaient aux cerfs et autres habitants
permanents du Centre (tout véritable artiste canadien connaît quelques bonnes
anecdotes à propos de la faune de Banff). Comme à Orford, les étudiants venaient
de partout pour étudier avec des maîtres célèbres. Je partageais ma chambre avec
une altiste du Conservatoire de Paris et ma classe était pleine de jeunes
provenant de Juilliard et de Yale.
Mes expériences aux stages estivaux de formation
ont été des moments enchanteurs. Sans les préoccupations quotidiennes, comme de
me demander d'où viendra mon dîner, j'étais libre de répéter à volonté. La
beauté des paysages à Banff ou à Orford et l'inspiration que m'offraient mes
professeurs et collègues valaient tout le stress des cours de maîtres. Le rituel
mis en place par ma mère est un des plus grands plaisirs de ma vie. ?[traduction
: Réjean Beaucage]
My Summers in Music
ANNA SAMPSON
The cellist Anna Sampson has attended music
programs since her childhood. From Montréal to Dublin, her experiences have
influenced her life on a personal and professional level. Here are some of the
highlights of her summer sessions.
Sweating, muscles burning, we made our way up the
hill to la Salle Claude-Champagne every morning. Our equipment--violin-sized
cello, adjustable bench, warm, soggy sandwiches, sheet music, music stand, and
swimming equipment--hung from our shoulders and sides. It was the summer of
1990, significant only because it was my first time at summer music camp. My
mother and I had enrolled in the Suzuki Institute Montreal, held at the music
faculty of the Université de Montréal. I had started playing the cello earlier
in the year and, equipped with no fewer than six variations on the theme
Twinkle Twinkle Little Star, I was prepared to face my pint-sized
peers.
I don't think my mother realized that the
experience would become a ritual. For five years we ate versions of those warm
sandwiches at various Suzuki Institutes. We met our friends and teachers on the
grass of the Université de Montréal, Concordia and McGill, and even at the
international conference in Dublin, Ireland. I remember the fun I had with the
other kids in my group lessons. Families from all over the world congregated to
play Twinkle en masse. Attending the institutes warded against losing all
of the work I had done with my mother and teacher during the school year;
everyone's ears were spared in the fall thanks to those few weeks at camp during
the summer.
The last time I went to camp purely for pleasure
was also the summer I decided to become a professional cellist. Point Counter
Point, the camp I attended that year, is set in an idyllic lakeside location in
Vermont. Founded by the father of David Finkle, the cellist of the Emerson
String Quartet, the camp provided a level of musicianship that was beyond
anything I had encountered before; yet I still had time to swim in the lake and
take arts and crafts. The kindness and encouragement of my coaches that summer
made me feel confident about my playing and inspired my practicing throughout
the year.
The next summer I took a giant step in going to the
other side of the country and found myself in Courtenay, B.C. The Courtenay
Youth Music Centre was set in the beautiful Mount Washington Ski Resort sitting
high above the Comox valley. I was initiated for the first time into the
pleasures and pains of travel with a cello, which I now associate with summer
festivals. After four intense weeks of chamber music and lessons I returned home
with a cello sporting more holes than necessary, due to an accident on the last
night. I also came into contact for the first time with young Canadian musicians
whom I have since met at other music festivals through the years.
Some of those friends from Courtenay suffered
alongside me during my session in the National Youth Orchestra of Canada in
1999. No cool mountain breezes were to be found in Kingston, Ontario in July and
August. Our illustrious conductor, Mario Bernardi, showered us with sweat during
the marathon rehearsal schedule and our calluses peeled under the intense
humidity. But the heat aside, the National Youth Orchestra did a great job of
preparing us for professional orchestral playing. We worked intensively and
played with artists such as Ben Heppner and had a taste of what it was like to
tour with a large ensemble.
I began my studies at McGill University in the fall
of 1999, and finding the orchestral training during the year sufficient, I
decided that I didn't require another summer with the NYOC. Besides, I had too
much repertoire to learn for the next year, and the National Youth Orchestra
schedule left little time for private practicing. That summer I had the great
fortune to be a member of Janos Starker's class at the Orford Arts Centre in
Quebec. Students came from all over the world to study with Starker, who is
considered one of the great cello pedagogues. Fine playing and teaching emerged
from behind the cloud produced by his chain smoking. We would take master
classes for six hours and then most of us would scurry to our practice rooms for
the rest of the day. Luckily, the arts centre is on a beautiful piece of land in
the Eastern Townships, with woods surrounding the buildings and a lake close by.
When we weren't practicing, we had the opportunity to hear wonderful concerts
and wander into master classes given by other teachers.
A card labelled "artist" awaited me at the check-in
desk of the Banff Arts Centre, Alberta, in the summer of 2002. This, alongside
the promise of unlimited access to a spectacular dessert table, gave me a small
thrill. Because it runs all year round, the Banff Centre exudes a settled,
organized air. Sculptors, painters, musicians, and a small army of teenage
dancers mingled on campus with the deer and moose, which populate the grounds
(all truly Canadian musicians perpetuate Canadian cultural stereotypes by
telling stories about encounters with wildlife at Banff). As at Orford, the
students at Banff came from everywhere to study with famous teachers. I shared a
room with a violist from the Paris Conservatory and went to class with students
from Juilliard and Yale.
Experiences of summer music camps exist as charmed
periods in my life. Unworried by such pesky details as what to eat for dinner, I
was allowed to practice and rehearse to my heart's content. Although master
classes were stressful, the beauty of locations like Banff and Orford were
inspiring, as was the contact with talented peers and teachers. The ritual my
mother started has become one of the great pleasures of my life.
Photo caption 1 : Anna
Sampson
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