Diane aime Weill Par Réjean Beaucage
/ 6 mars 2004
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On accole souvent à Diane Dufresne le
qualificatif de diva, en hommage à la puissance de sa voix et pour sa
propension à incarner des personnages. Elle est évidemment davantage associée à
la chanson rock, avec laquelle elle a déjà rempli le Stade olympique de
Montréal, qu'au tour de chant avec accompagnement symphonique. C'est pourquoi
son rendez-vous avec l'Orchestre Métropolitain du Grand Montréal est une
rencontre qui tient de l'événement. Nous discutons avec la chanteuse de sa
participation à ce concert.
LSM : Vous vous embarquez dans une grande
aventure.
Diane Dufresne : Oui, tout à fait, de celles qui
nous demandent d'avoir le pied marin, parce que c'est un gros navire !
LSM : C'est une expérience bien différente de
celles que l'on peut avoir avec un petit ensemble de musiciens.
DD : C'est très différent. Il m'est arrivé de le
faire au Colisée de Québec avec l'Orchestre symphonique de Québec (OSQ) sous la
direction de Gilles Ouellet en 1988, et au Festival de Lanaudière, déjà avec
l'Orchestre Métropolitain, la même année. C'était le spectacle
Symphonique'n'roll, qu'on a repris ensuite à la Maison des Arts de Créteil, en
banlieue de Paris, avec l'Orchestre symphonique d'Europe sous la direction
d'Olivier Holt et au Bunkamura Hall de Tokyo en 1990, avec le New Japan
Philharmonic dirigé par Gilles Ouellet. J'ai refait un spectacle avec l'OSQ plus
récemment aussi. C'est quelque chose de chanter en étant entouré d'une telle
entité. Aussi, ce sont toutes des nouvelles chansons pour moi, ce qui ne
facilite rien.
LSM : Il est vrai que vous n'avez pas l'habitude
de puiser dans le répertoire la matière de vos programmes. Vous faites plutôt
votre propre répertoire.
DD : Il m'est arrivé de faire le Duo des
chats ou des extraits de La Traviata ou du Mahler. Je disais alors au
chef : « Je respirerai avant d'étouffer ! », parce que je n'ai pas la technique
d'une chanteuse classique. La voix de rock appelle un autre type de respiration.
C'est différent, mais c'est une bonne discipline. J'aurai une première rencontre
lundi (23 février) avec l'Orchestre. Ils ont l'élégance d'enregistrer cette
première répétition pour que je puisse continuer à répéter virtuellement avec
eux avant d'y retourner, à quelques jours du concert. Ça prend des gens assez «
allumés » pour faire un programme de ce genre. Je pense que je le suis moi-même
pas mal, mais après ce concert, je vais me calmer quelque temps !
LSM : Yannick Nézet-Séguin me disait que vous
étiez un peu surprise qu'il ait pensé à vous pour ce concert, alors que ça
semble un choix parfaitement naturel.
DD : J'ai été surprise, en effet. J'aimais Kurt
Weill à travers les interprétations de Juliette Gréco, Pia Colombo ou Catherine
Sauvage, et Pauline Julien, bien sûr, des femmes que j'admirais et qui m'ont
beaucoup appris. Je ne me voyais pas spécialement faire ce répertoire. C'est
pourquoi j'ai été surprise quand Yannick me l'a proposé, mais c'est une belle
surprise. Je n'ai jamais particulièrement recherché la facilité, mais là,
j'avoue que c'est une grosse commande. Les arrangements de Simon Leclerc sont
absolument somptueux. J'ai imaginé une trame, comme pour un mini-opéra, qui unit
les personnages des chansons. Ce ne sont pas les mêmes d'une chanson à l'autre,
mais on y retrouve les mêmes types de personnages vaguement marginaux. Weill a
vraiment du génie : sa musique transporte si bien l'intention et l'émotion des
paroles de Brecht, ou de Boris Vian dans les traductions, que l'on n'a pas
besoin de forcer l'émotion lorsqu'on l'interprète.
LSM : Vous vous entendez bien avec le chef
?
DD : Je ne l'ai rencontré qu'une fois et nous nous
sommes parlé une fois par téléphone. Je pense que c'est quelqu'un de très occupé
! De mon côté, je suis plutôt « sauvage », je travaille seule. Il m'a semblé
aussi enthousiaste qu'un enfant, ce qui est très bien. Les gens ont tendance à
croire qu'on rencontre dans le monde du rock des gens très « allumés », mais je
pense que c'est du côté de la musique classique que l'on en trouve le plus. J'ai
été ravie qu'il ne craigne pas de me demander ma participation, même si on ne
m'associe pas forcément à ce genre de concert. Je suis toujours prête à
travailler avec quelqu'un comme lui : intelligent, doué d'une grande compétence
et d'un grand talent, et cette joie ! Avec cette grande joie qui l'habite, c'est
lui qui m'a motivée à accepter, parce que je ne l'aurais pas forcément fait avec
quelqu'un d'autre. Ça me fait plaisir de participer avec lui à faire connaître
cette musique un peu mieux.
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