La chaîne infidèle Par Jean-Sébastien Gascon
/ 9 février 2004
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Votre chaîne audio n'est peut-être pas aussi fidèle que vous le croyez...
Au delà de la « beauté du son », est-ce que l'interprétation des musiciens est
bien rendue ? Entendez-vous un reflet fidèle des rythmes et mélodies que le
musicien jouait lors de l'enregistrement ?
À l'heure où l'on se sent dépassé par la technologie et
où le numérique semble infaillible, il est souvent surprenant de réaliser que le
choix d'un lecteur de disques compacts de qualité se fait d'abord avec les
oreilles, plutôt qu'en se fiant seulement sur les spécifications techniques. Si
vous pensez que la reproduction des enregistrements numériques est équivalente
d'un lecteur à l'autre, le test des comparaison vous étonnera !
Malgré un prix assez élevé et
des spécifications techniques apparemment optimales, certaines chaînes ne
passent tout simplement pas le test de la musicalité. Deux caractéristiques leur
font la vie dure : le rythme et la mélodie. Ainsi, dans les dédales de la
conversion entre le signal numérique encodé sur le disque et le signal
analogique envoyé à l'amplificateur, certains lecteurs ne conserveront pas un
rythme juste et constant, d'autres amoindriront la qualité de la note. Dans
d'autres cas, ils altèreront les subtilités de la mélodie en affectant la
hauteur des notes. Et les musiciens dans tout cela ? Un bon lecteur ne les
rendra pas meilleurs, mais il leur rendra justice.
La musique : structure complexe
On ne mesure pas la musique
comme on mesure les sons, et le mélomane peut adorer un enregistrement que
l'audiophile trouvera exécrable. La reproduire avec fidélité relève du défi de
haut niveau. Les spécifications techniques inscrites dans les manuels
descriptifs de chaînes audio ne vous diront pas l'essentiel : est-ce que la
chaîne peut rendre fidèlement la musique? Si la performance des musiciens vous
semble quelconque, sans vie ou sans émotion, est-ce bien de leur faute ou
peut-on mettre en cause la qualité de la chaîne qui reproduit leur performance ?
Si, à l'inverse, vous pouvez entendre et suivre facilement ce que fait chaque
musicien et que la musique vous semble plus significative, il y a de fortes
possibilités pour que cette chaîne soit valable.
Les effets d'une chaîne
déficiente nous semblent alors évidents : comment entrevoir les intentions du
compositeur si la chaîne ne rend pas la qualité de l'interprétation ? Il ne faut
cependant pas oublier qu'aucune chaîne ne rendra expressive une exécution qui ne
l'est pas...
Le critique et la chaîne infidèle : le test
Vous achetez fréquemment des
disques sur la recommandation de critiques que vous lisez dans les journaux et
les magazines. Il vous arrive d'être en désaccord avec celui qui a fait la
critique. Au-delà de la subjectivité des goûts musicaux, se peut-il que la
différence d'opinion entre vous et le critique puisse s'expliquer en partie par
la différence de chaîne audio sur laquelle se font votre audition et la sienne ?
La lecture d'un CD par un lecteur de mauvaise qualité (malgré son prix) ne
manque pas d'altérer la qualité de l'interprétation entendue. Peut-on le
vérifier ? Nous avons réuni trois critiques de La Scena Musicale aux goûts musicaux
différents à la boutique Audio Club pour une dégustation musicale : test simple
et sans détour. Wah Keung Chan, Réjean Beaucage et Marc Chénard contre deux
lecteurs CD de marques différentes (que nous appelerons nº 1 et nº 2 pour éviter
la discussion sur les marques) branchés au même amplificateur et entendu au
travers des mêmes haut-parleurs. Quels sont leurs commentaires sur les
variations du rendu de l'interprétation?
Réjean Beaucage nous les a résumés : « Dans la séance d'écoute du 16 janvier
à l'Audio Club, les exemples étaient très convaincants, qu'il s'agisse de
musique populaire ou de musique classique. La Sonate pour violoncelle et
piano de
Beethoven interprétée par Mstislav Rostropovitch et Sviatoslav Richter était
déjà très belle avec le premier appareil, mais gagnait une profondeur incroyable
dans le second et le jeu de Rostropovitch semblait magnifié au maximum, chacun
des traits étant rendu avec beaucoup de clarté, perdant la rondeur et le flou
entendu précédemment (dont il semble pourtant bien que l'on s'était contenté
jusqu'à maintenant...). Si le premier appareil avait un son plus clair, une
égalisation apparemment plus aigüe, le second rendait une texture plus chaude,
mais dans laquelle le moindre détail était aisément perceptible, et la
spatialisation (stéréophonique) plus convaincante. Cela peut d'ailleurs induire
les interprètes en erreur, parce que le deuxième lecteur rend les attaques avec
une telle précision qu'il peut permettre de découvrir des écarts entre les
interprètes. On parle ici d'interprètes chevronnés dont les écarts sont de
l'ordre du millième de seconde. Ces défauts minimes étaient camouflés par le
premier appareil et j'avoue que la découverte de cette différence dans le rendu,
entre deux appareils haut de gamme (le premier coûtant près de 1000 $ et le
second... 10 000 $), a été pour moi une révélation. »
Nos critiques l'ont constaté :
l'interprétation musicale est rendue différemment selon la qualité du lecteur !
Celle-ci peut même teinter l'émotion dégagée par la musique. Le même disque
écouté sur deux lecteurs différents pourrait bien souvent recevoir une critique
différente. La norme « ISO Musique » pour les équipements audio qui vous
permettrait de faire un choix entre deux appareils n'existe malheureusement pas.
Pour ça, il faut les écouter !
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