Le XXIe siècle - Temps fort pour les percussions
5 novembre 2003
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Aldo Mazza
Le XXe siècle a vu beaucoup d'innovations dans le monde
des percussions. Alors qu'auparavant, en Occident, les percussions servaient
surtout comme accompagnement, elles se placent maintenant au centre ou à
l'avant-plan dans les ensembles et gagnent ainsi leur place musicale à côté des
cordes, des cuivres et des autres entités musicales; ceci grâce au développement
des techniques et à l'incroyable perfectionnement dans la fabrication de ces
instruments. Certaines de ces percées comprennent l'évolution du design des
timbales et la capacité d'accordage, par exemple.
Le développement technologique des timbales
À l'époque de Mozart, deux timbales étaient habituellement utilisés, avec des
notes fixes, car les tambours n'avaient pas de mécanisme d'accordage rapide.
Plus tard, les mécanismes à chaîne, manipulables à la main, furent mis au point
pour faciliter l'accordage, mais il fallut attendre l'actuel mécanisme à pédale
pour que le timbalier ait la possibilité d'accorder les tambours. Ainsi, un
musicien pouvait utiliser simultanément cinq tambours et les accorder au besoin.
L'Allemagne fut le chef de file en ce domaine, suivi des États-Unis. Avec
l'évolution dans la fabrication des timbales, les standards du jeu et les
difficultés de composition ont augmenté. On en voit un exemple dans le Sacre
du Printemps, d'Igor Stravinski. Cette oeuvre a inspiré plusieurs compositeurs
de répertoire solo et orchestral pour les timbales.
Le développement technologique de la fabrication des
cymbales
Les années 1920 on vu une
croissance accélérée de l'industrie de fabrication des cymbales. Les
manufacturiers de cymbales ont travaillé fiévreusement à en produire de nouveaux
types pour orchestre et pour musique populaire. Aux États-Unis, en particulier,
l'évolution du jeu des batteurs jouant du jazz a forcé les fabriquants de
cymbales à répondre à des besoins nouveaux. Aujourd'hui, les percussionnistes
ont le choix parmi des milliers de types différents de cymbales pour atteindre
le son exigé par les compositeurs de musique nouvelle.
Le développement technologique des instruments à maillets
La croissance des instruments de percussion à clavier (xylophone, marimba,
glockenspiel, carillon et vibraphone) fut également importante durant le siècle
dernier. C'est dans la Danse macabre de Camille Saint-Saëns que le xylophone
eut, pour la première fois, sa place dans un ensemble orchestral. Après
l'invention du vibraphone, en Amérique, le développement du maillet fut
fulgurant. Non seulement les instrumentistes et les inventeurs comme Deagan et
Claire Musser créèrent-ils plus de 20 types d'instruments, mais ils mirent sur
pied d'importantes manufactures. Le xylophone fut le premier instrument à être
enregistré par la compagnie RCA, en 1915. À vrai dire, le xylophone, le marimba
et le vibraphone devinrent tellement populaires qu'on disait trouver chez les
familles américaines plus d'instruments à maillets que de pianos. Dans les
années 1930, des ensembles d'instruments à maillet faisaient des tournées aux
États-Unis. Claire Musser, elle-même musicienne, inventrice et compositrice fit
des tournées aux États-Unis et en Europe avec un orchestre de 100 marimbas et
elle se produisit même au célèbre Carnegie Hall de New York. Les auditoires
devenant de plus en plus familiers avec les ensembles à maillets, les musiciens
atteignirent de nouveaux niveaux de performance, avec des techniques avancées. À
l'origine, les grands musiciens comme Lionel Hampton, Harry Breuer, Milt
Jackson, George Hamilton Greene, n'utilisaient que deux maillets. Dans les
années 1960, des musiciens contemporains comme Gary Burton, Keiko Abe, Leigh
Howard Stevens et Mike Mainieri présentèrent des performances incroyables avec
quatre maillets. Nous avons maintenant des musiciens capables d'utiliser six
maillets et les compositeurs continuent à pousser les instrumentistes au-delà de
leurs limites.
L'influence du jazz dans le développement de la batterie
La musique de jazz a profondément influencé le développement de la batterie
dans ce qui est maintenant connu comme la batterie standard (principalement une
collection de caisses diverses). Il y a aussi un parallèle à faire dans son
développement à partir des grands batteurs dans la « fosse », dont le rôle
consistait à créer des sons pour accompagner les films muets. Une des inventions
importantes du début du XXe siècle dans le domaine de la batterie fut la pédale
pour grosse caisse. Ceci a permis à un musicien de jouer à la fois de la caisse
claire et de la grosse caisse. Puis ce fut l'invention de la pédale de
charleston (hi hat). Aujourd'hui, un musicien pourrait jouer
simultanément trois parties : caisse claire, grosse caisse et cymbales. Ces
inventions pavent la voie à l'évolution des performances de haut niveau de
certains batteurs, comme on le voit maintenant dans le jazz, le rock, la musique
populaire et la fusion.
Le développement des peaux synthétiques
L'invention des peaux en
plastique, à la fin des années 1950, pour remplacer la traditionnelle peau de
vache, a sonné pour toujours le changement de l'univers de la batterie. Les
vraies peaux, bien qu'elles produisent un son magnifique, sont très difficiles à
utiliser en spectacle à cause des changements climatiques. Les climats rudes et
l'humidité excessive modifient la hauteur tonale des instruments durant un
concert. Ce problème a disparu avec l'arrivée des peaux en plastique.
Musique électronique et ordinateurs
Tout au long du XXe siècle, nous avons assisté à l'arrivée d'autres éléments
de grande importance : la musique électronique et les ordinateurs. En 1907,
Busoni écrivit son Ébauche d'une nouvelle esthétique de la musique une
réflexion orientée vers les nouvelles sources du son pour la musique future. Ce
fil d'idées inédites a influencé plusieurs nouveaux compositeurs de l'époque, y
compris Edgar Varèse, qui fit appel aux nouveaux matériaux pour composer et
mêler l'acoustique avec des éléments électroniques. Ce fut la libération du son.
Le développement des amplificateurs contribua à la manipulation du son comme
matériau de composition. Plusieurs compositeurs, dont Stockhausen et Berio,
poussèrent plus loin ces expériences.
Dans les années 1960, le développement de gros ordinateurs centraux et des
synthétiseurs a permis la création d'oeuvres notables comme Switched-on
Bach. Les années 1980 ont vibré grâce au développement de l'interface midi
(Musical Instrument Digital Interface) et aux
synthétiseurs à prix abordables. Tous ces développements ont beaucoup influencé
les compositeurs et les percussionnistes. Maintenant, ces derniers doivent
ajouter à leurs connaissances la programmation et l'utilisation des ordinateurs,
des pistes préenregistrées, tout comme ils doivent créer des ambiances sonores
avec des échantillonneurs et la technologie de modélisation physique.
Les conséquences de cette croissance pour le XXIe siècle
Parallèlement à ces changements massifs dans la fabrication des instruments
et, sans aucun doute, à cause de ces importantes percées technologiques
et des nouvelles possibilités qu'elles amènent, le monde des percussions est
devenu, au XXIe siècle, le nouveau médium de choix pour certains
des grands compositeurs contemporains. Les percussions sont à l'avant-scène chez
des compositeurs comme Varèse, Cage, Stockhausen, Xenakis, pour ne nommer que
ceux-là -- elles se démarquent comme un médium important avec lequel composer.
De fameux ensembles de percussions sont entièrement dédiés à ce nouveau
répertoire composé pour leurs instruments et ils désirent faire connaître cette
nouvelle musique à des auditoires dans le monde entier, tout en mettant sur le
marché des enregistrements grâce auxquels ils peuvent vivre de leur
musique.
Les ensembles Les Percussions de Strasbourg, Répercussion, Black Earth
Percussion Group, par exemple, ne font que de la musique pour percussions. Le
vaste répertoire disponible pour ces ensembles comprend non seulement de la
musique électronique et expérimentale (par ex. Harry Parch), mais de plus en
plus les compositeurs se tournent vers les cultures orientales, de l'Afrique à
Bali, pour y trouver de la matière. La plupart de ces cultures non occidentales
s'appuient naturellement sur les percussions dans leur musique traditionnelle
et, ironiquement, les percussions occidentales modernes ont poussé plus loin ces
musiques traditionnelles en utilisant les instruments de la vieille musique
traditionnelle non occidentale. Ce nouveau mariage a forgé l'expression «
musique du monde » et des compositeurs comme Xenakis écrivent, par exemple, des
pièces pour les djembes africains.
Aujourd'hui, afin de jouer
cette « nouvelle » musique du monde, le percussionniste porte l'obligation
incroyable de manier habilement les timbales, les congas, le tamborinello (un
tambour du sud de l'Italie), la batterie, le marimba et le djembe africain. Un
percussionniste peut certainement se spécialiser dans le jeu d'un de ces
instruments, mais il est évident que le percussionniste du XXIe siècle doit se
sentir à l'aise avec la musique, les instruments et les techniques provenant de
cultures variées. Là réside l'avenir de la composition pour percussions et je
suis convaincu que ça nous promet une époque vraiment excitante
!
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