Walter Boudreau : Sax, tambours et Cie Par Propos recueillis par Réjean Beaucage
/ 5 novembre 2003
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Coups de coeur des chefs
Soyons clairs : il n'y a pas, à proprement parler,
d'ensemble de la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ), il n'y en a
jamais eu et il n'y en aura jamais. Il s'agit en fait d'un ensemble à géométrie
variable qui existe ponctuellement, selon les projets que développe la
compagnie. Nous avons donc toute la latitude nécessaire pour constituer, à la
pièce, le meilleur ensemble qui soit en fonction des programmes imaginés par le
comité artistique. Donc, nous privilégions les oeuvres. Le fait de ne pas avoir
d'ensemble fixe nous permet d'interpréter, comme nous le ferons par exemple en
mars prochain, une oeuvre concertante d'Howard Bashaw pour tuba, trombone et
piano avec double quatuor à cordes et une impressionnante quantité de
percussions, et de mettre au même programme une oeuvre de Gérard Grisey pour 33
musiciens.
Pour le concert « Sax, tambours et Cie », nous utiliserons donc les deux
ensembles en résidence à la SCMQ : le quatuor de saxophones Quasar et le quatuor
de percussions Quad, auxquels se joindront les percussionnistes Julien Grégoire
et Robert Slapcoff. L'idée du projet vient du quatuor Quasar, qui nous a proposé
un concert au cours duquel l'ensemble interprétera une oeuvre de Francis Caron,
Dialogue à sens unique, qu'il a créée en 1999. Puis Quad le rejoindra
pour une création de Vincent Collard (une commande de la Chaîne culturelle de
Radio-Canada) et une autre création de Michael OEsterle, commandée par la SMCQ
et rendue possible grâce à une bourse du Conseil des Arts du Canada. Enfin, deux
percussionnistes s'ajouteront pour deux pièces de répertoire : Krasch !
(1993), une oeuvre pour ensemble et bande d'Anders Nilsson et In
Erwartung (In Anticipation, 1994), de Sofia Goubaïdoulina. Il
s'agit d'un programme très substantiel.
In Ertwartung est à mon sens l'une des plus belles pièces de
Goubaïdoulina et certainement l'une de celles qui m'ont vraiment impressionné.
Elle appartient au groupe de compositeurs russes qui ont dû oeuvrer dans
l'underground de ce qui fut autrefois l'Union soviétique.
C'était un lieu difficile pour la création libre et il fallait vraiment vouloir
être compositeur ! Comme ses comparses, elle n'avait pas vraiment accès aux
musiques sérielles en vogue à l'époque (les années 60 et 70). Ils ont donc été
très peu marqués par ça, et lorsqu'ils l'ont été, ça a été à leur manière.
C'étaient des révolutionnaires dans l'âme, mais sans pour autant rejeter cette
formidable tradition russe très profonde. Sofia Goubaïdoulina fait donc partie
de cette génération qui a plus tard été découverte par un Occident un peu
essoufflé, qui se cherchait, la « révolution » minimaliste étant arrivée à
terme. Son écriture est très personnelle, même si elle avoue avoir beaucoup subi
l'influence de Dimitri Chostakovitch et d'Anton Webern.
Ce qu'elle fait avec les percussions dans In Erwartung est très
lyrique. Elle utilise un très grand nombre de templeblocks pour obtenir
l'ambitus dont elle a besoin et il y a plus de bongos dans sa pièce que dans
Drumming de Steve Reich ! On a donc une
percussion à la fois puissante et lyrique. La musique est spatialisée. Ainsi, au
début, les saxophonistes sont dans la salle et s'approchent peu à peu de la
scène. Vers la fin de la pièce, les percussionnistes font le mouvement inverse.
Évidemment, c'est du « théâtre », ça ne participe guère à ce que l'oeuvre soit
bonne ou mauvaise, mais c'est un élément qui a son intérêt. Goubaïdoulina y
atteint une telle intensité, elle y a une écriture d'une grande efficacité, en
utilisant finalement très peu de choses. En parcourant la partition pour la
première fois, je n'ai pas vraiment été impressionné, mais en la travaillant, je
me suis rendu compte qu'il s'agissait d'une oeuvre majeure. Son écriture pour
les saxophones est de la même eau : il n'y a aucun souci de virtuosité, mais
tout est axé sur l'expression, et je ne parle pas d'une expression désuète ; on
y dénote toutes sortes de réminiscences d'une espèce de folklore russe inventé,
un peu comme chez Stravinski, mais tout en finesse et presque à un niveau
subconscient.
Évidemment, le type
d'orchestration assez particulier de cette oeuvre limite ses possibilités d'être
jouée, mais cela ne doit rien laisser présumer de la qualité de la musique. Les
compositeurs à qui nous avons commandé des oeuvres pour le double quatuor
comprennent bien que leurs pièces ne pourront pas être interprétées très
souvent, mais c'est tout de même pour eux une chance assez incroyable que de
pouvoir travailler avec une instrumentation. Et puis, après tout, on ne
traversait pas souvent l'Atlantique à l'époque de Christophe Colomb, alors
qu'aujourd'hui, ça se fait quotidiennement... Comme il y a tout de même un peu
partout des quatuors de saxophones et de percussions, les oeuvres de Collard et
d'OEsterle viendront grossir leur répertoire.
Les
ensembles
Le quatuor de saxophones Quasar est un important ambassadeur de la création
musicale contemporaine depuis sa fondation en 1993. Formé de Marie-Chantal
Leclair (soprano et direction artistique), Mathieu Leclair (alto), André Leroux
(ténor) et Jean Marc Bouchard (baryton), le quatuor participait en 1999 au
festival Présences de Radio France, où l'ensemble de la SMCQ interprétait
Demain les étoiles de Walter Boudreau, pour 12 saxophones (enregistrement disponible
sur le disque Walter's Freak House, chez Atma). Il collaborait une deuxième fois
avec la SMCQ en 2001 pour le concert (S)axe(s) et il le fera une fois de plus en
mai 2004 pour clore la saison de la Société.
Le quatuor de percussions Quad,
comme les trois mousquetaires qui étaient quatre, compte en réalité cinq
membres, qui sont : Michel Viau, Stéphanie Dionne, Jean-François Côté, Johanne
Latreille et Charles Duquette. Récipiendaire du Prix Opus 2002 dans la catégorie
« Production de l'année – Jeune public » pour le spectacle Éclats de rythme,
produit par la SMCQ Jeunesse, l'ensemble récidive cette année, toujours pour la
SMCQ Jeunesse, avec le spectacle TapaJungle, dont la première avait lieu le 10
octobre dernier à Montréal (des représentations sont prévues à la salle
Pierre-Mercure en février 2004). Privilégiant une approche où se mêlent
chorégraphie et musique, l'ensemble ne se limite à aucun répertoire
spécifique.
Sax, tambours et Cie, lundi 17 novembre, 20
h Salle Pierre-Mercure, 300 boul.
De Maisonneuve Est.
Information : 514
987.6919
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