György Ligeti, lauréat du prix Polar Par Lynne Gagné
/ 5 novembre 2003
Le 15 octobre dernier, à la Royal Swedish Academy
of Music, le prix Polar a été décerné au compositeur György Ligeti. Ce prix existe depuis 1989 et a
été créé par Stig Anderson (membre, éditeur, parolier et manager du groupe
ABBA). Il a fait un généreux don à la Swedish Academy of Music dans le but de
créer ce qui est devenu le prix Polar. Cette récompense internationale
ambitionne de mieux faire connaître la musique. On l'attribue à des personnes,
des groupes ou des institutions en reconnaissance de certaines réalisations
exceptionnelles dans le monde de la musique, dans son sens le plus large. Ainsi,
la liste des lauréats est prestigieuse et variée. Mentionnons entre autres Paul
McCartney (1992), Dizzy Gillespie (1993), Nikolaus Harnoncourt (1994) et Iannis
Xenakis (1999). Avec sa bourse de 125 000 $US, le prix Polar est devenu l'un des
plus prestigieux du monde en quelques années seulement. Pour la remise des prix
de 2004, un jury spécialisé a choisi deux grands noms de la musique, soit B.B.
King et György Ligeti.
Des débuts d'influence folklorique
Né en Roumanie en 1923, György
Ligeti a étudié la composition à l'École des hautes études musicales F. Liszt de
Budapest. Il y enseignera de 1950 à 1956. Tout comme Bartók et Kodály, il a
parcouru la Roumanie à la recherche de différents types de folklore, de sorte
que ses premières oeuvres sont dans la tradition de ces compositeurs. Toutefois,
il s'intéressait déjà au phénomène de la couleur du son et du timbre. Invité par
Karlheinz Stockhausen à Cologne, Ligeti collaborera au studio électronique de
1957 à 1959. Il y fera la rencontre de Pierre Boulez, de Luciano Berio et de
Mauricio Kagel, pour n'en nommer que quelques-uns.
La passion du son
Après son passage au studio de Cologne, il ne composera plus de la façon
traditionnelle, où la note est un élément de base. Il voudra prendre du recul
face aux normes esthétiques habituelles et ainsi créer ses propres principes de
composition. Il se passionne plutôt pour le son qui, règle générale, est
représenté par un cluster. Pour lui, la substance musicale est une
succession d'événements qui se produisent à l'intérieur des sons et qui évoluent
le plus souvent lentement. Il pense à la musique statique à micro-évolution.
Atmosphères (1961) représente bien l'esprit de ce nouveau concept. Dans
cette oeuvre, chaque instrument est individualisé, au lieu de se retrouver dans
son rôle classique d'ensemble. Le résultat sonore donne une impression de flou,
même s'il a gardé une écriture traditionnelle où chaque détail est fixé avec
minutie. Grâce à Atmosphères et à Lontano (1967), Ligeti s'affirme
comme l'un des compositeurs les plus avancés de son temps. Il rêve d'une musique
qui n'a ni commencement ni fin. Bref, une musique qui s'écoute continûment. Dans
le même esprit, il compose Requiem (1963-1965), Lux Aeterna
(1966), Continuum (1968), Quatuor à cordes no 2 (1968) et
Kammerkonzert (1969-1970). De plus, il tente de se libérer complètement
du système tonal avec Ramifications (1968-1969). Son écriture
polyphonique deviendra plus mélodique pendant les années 70 (Melodien,
1971 ; Le Grand Macabre, 1974-1977 et 1996).
Apports ethniques et polyphoniques
Depuis une quinzaine d'années, Ligeti s'est laissé inspiré par les
différentes musiques ethniques et par la polyphonie du XIVe siècle, développant
ainsi une musique à la polyrythmie très complexe (Trio pour violon, cor et
piano (1982), Études pour piano (1985-1995), Concerto pour
piano (1985-1988), Concerto pour violon (1990-1992), Nonsense
Madrigals (1988-1993), et Sonate pour alto solo (1991-1994).
Plusieurs prix et distinctions
lui ont été décernés déjà, parmi lesquels le Berliner Kunstpreis, le Prix Bach
(Hambourg), le Prix de composition musicale de la Fondation Pierre de Monaco.
Ils font la preuve de l'importance accordée à son oeuvre et à son indiscutable
apport à la musique du XXe siècle.
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