Quatre questions, quatre philosophies / Four Questions, Four Philosophies Par/by Lucie Renaud
/ October 10, 2003
Nous avons rejoint cette année trois directeurs
et un doyen qui ont accepté de révéler les particularités de leur école
respective : Guy Vanasse, directeur du département de musique de l'UQAM, Jean
Boivin, directeur de l'École de musique de l'Université de Sherbrooke, Charles
Morrison doyen de l'Université Wilfrid-Laurier (située à Waterloo, en Ontario)
et Nicolas Desjardins, directeur général du Conservatoire de musique et d'art
dramatique du Québec (qui regroupe sept conservatoires de musique).
Last
October, we reached several deans to get a better feel for the particular
strengths of several Canadian universities. This year, three directors and a
dean share their views : Guy Vanasse, director of the music department at UQAM,
Jean Boivin, director of the Music School at Université de Sherbrooke, Charles
Morrison, dean of Wilfrid Laurier University (located in Waterloo, Ontario) and
Nicolas Desjardins, general director of the Conservatoire de musique et d'art
dramatique du Québec (seven music conservatories throughout the
province).
Quels sont les aspects distinctifs de votre curriculum ? / What are the
most innovative elements of your curriculum ?
UQAM : Nous sommes les seuls
à offrir un programme de musique populaire, centré sur les différents types de
musique populaire, du blues au be-bop et au rock.
Nous sommes également la seule
université francophone d'Amérique à proposer un programme de musicothérapie et
notre programme en enseignement de la musique est reconnu. Nous avons également
un programme court en enseignement dans lequel nous mettons l'accent sur les
neurosciences, une nouvelle façon de penser l'enseignement.
Sherbrooke : Comme nous
sommes un petit département, nous mettons l'accent sur l'encadrement. Que ce
soit au baccalauréat ou à la maîtrise, nos étudiants reçoivent un tutorat assez
serré. Nos studios de pratique sont parmi les plus beaux au Canada et donnent
sur le mont Orford. Nos professeurs sont expérimentés, jeunes, dynamiques et
intégrés dans le milieu musical.
Nous offrons un programme
unique de deuxième cycle en chant choral, très innovateur. Donné dans une
optique de formation continue, il s'adresse aux chefs de choeur déjà en exercice
et leur propose un perfectionnement de quatre fins de semaine pendant l'année et
d'une semaine pendant l'été. La dizaine de participants peut compter sur le
concours de choristes inscrits au microprogramme de premier cycle, qui sont
parfois eux-mêmes des chefs amateurs.
Nous privilégions l'approche
par compétences et tentons d'agencer le mieux possible théorie et pratique. Les
étudiants analyseront par exemple les pièces qu'ils travaillent à l'instrument.
Nous offrons également un double baccalauréat avec l'Université Laval : «
Musique et éducation musicale ». Les étudiants travaillent ainsi
l'interprétation mais reçoivent aussi des cours des professeurs de l'Université
Laval, qui se déplacent pour nous.
Conservatoire : Nous offrons
un continuum d'études et privilégions la progression par matière. L'étudiant
pourra ainsi être inscrit au niveau collégial ou universitaire dans certaines
matières même s'il est inscrit à une école secondaire. Tous les instruments ne
s'apprennent pas au même âge ni à la même vitesse. Une des forces du curriculum
est la polyvalence du programme, même s'il reste très classique par son approche
et orienté sur la performance.
Wilfrid Laurier : We give all our students close
personal attention. Our teachers are very generous with lesson time ;
performance majors get 1 hour lessons and a 2-hour masterclass weekly. We also
chose to hire professional coaches and accompanists to work with the students on
a regular basis. We offer a wide range of performance opportunities. We also
have a unique graduate program in Music Therapy, a brand new computer lab, an
electronic studio and a program in church music.
Quels sont les défis et les avantages de gérer une plus petite institution
? / What are the challenges and perks of administering a smaller institution
?
UQAM : Tout d'abord, je
voudrais spécifier que notre institution n'est pas si petite. Nous comptons
environ 400 étudiants. Le département est en plein processus de
repositionnement. Cette action administrative nous pousse à examiner les
différents programmes, à les dépoussiérer. L'université est un lieu de réflexion
et de recherche. Nous éduquons les penseurs de demain mais nous devons le faire
avec relativement peu de ressources. Les professeurs que nous recrutons doivent
être très polyvalents et cela reste un grand défi. Ils doivent pouvoir
enseigner, bien sûr, mais ils auront également des tâches administratives et
devront devenir des organisateurs (souvent bénévoles). Ils doivent exceller dans
les trois domaines et être des figures de proue.
Sherbrooke : Nous avons
établi des associations étroites avec l'Orchestre des jeunes de Sherbrooke et
l'Ensemble des vents de Sherbrooke, mais la mise sur pied d'ensembles de musique
de chambre reste parfois un défi. Par contre, plusieurs de nos étudiants ont
l'occasion de jouer comme soliste avec l'Orchestre des jeunes, grâce au Concours
de solistes de l'Orchestre.
Un autre avantage quand on
choisit notre institution est bien sûr la qualité de vie qu'on retrouve en
Estrie et le plus bas coût de la vie.
Conservatoire : L'enseignement très individualisé, en très petits groupes, permet un rapport
maître-élèves très étroit. Nous connaissons tous les élèves personnellement. Le
défi principal reste de faire plus avec moins, un choix difficile pour
tous.
Wilfrid Laurier : One of the perks in our case
is certainly that we are a faculty of music, rather than a department. Thanks to
this, we are well looked after and strongly supported by the University. Our
biggest challenge is to fight the perception that many students have : "Where is
Waterloo ?" Our students have as many performing opportunities as University of
Toronto students, for example, and we are close to Guelph and Stratford. The
Kitchener-Waterloo Symphony plays in one of the finer halls in the whole
country. Our students perform in some of their productions and can also be heard
with Opera Ontario.
L'enseignement de la musique reste-t-il un choix pertinent en 2003 ? /
Is teaching music still a pertinent choice in today's world ?
UQAM : Je dirais que oui, de
plus en plus. L'enseignement de la musique se développe en milieu scolaire et
parascolaire et ces institutions auront rapidement un besoin important de
personnel. On peut rêver d'une carrière de grand virtuose mais, avec la
clientèle que nous avons et qui débute l'apprentissage de la musique plus tard,
l'indépendance financière passe souvent par l'enseignement, par la transmission
de la science que les étudiants auront acquise. Le choix de l'enseignement est
certainement le plus judicieux, côté débouchés. Nous espérons également intégrer
dans un avenir rapproché un nouveau programme qui traitera de la gestion de la
carrière musicale.
Sherbrooke : C'est un choix
non seulement pertinent mais courageux. La carrière demande plus que du talent,
il faut aussi une forte personnalité. Les rêves sont souvent grands, mais il
faut pouvoir discuter avec les professeurs qui sont les mieux placés pour saisir
les particularités du milieu musical. C'est pourquoi nous offrons au deuxième
cycle des cours de création de dossier d'artiste, de techniques de publicité.
Les étudiants auront à monter leur propre tournée dans la région et à en gérer
tous les aspects.
Conservatoire : C'est un choix plus utile que jamais. La population a
besoin des artistes et de ceux qui travaillent dans le divertissement
(entertainment,
comme le disent les anglophones). Il faut aussi oublier le stéréotype du
musicien qui crève de faim. Je connais des musiciens qui gagnent très bien leur
vie et des entrepreneurs ou des avocats qui ont de la difficulté à se bâtir une
clientèle. C'est difficile pour tout le monde.
Wilfrid Laurier : Absolutely
and I tell it to the students on orientation week. They have made a bold choice,
a very important one. The world needs more creative people but, most of all, it
needs creative thinkers. Even if they don't play first chairs in major
orchestras, they will learn skills that will last them a lifetime : cooperation,
responsibility, working with others, respect of other people's ideas, critical
thinking and a sense of diversity. It translates very well into other spheres of
life. Music is a window in our individual and collective souls. Lately, as a
society, it seems that we have been focusing on quantity rather than quality.
Bureaucrats may like that but, in the end, when you ask yourself what makes life
special, the answer is quality. An aesthetic sensibility, a creative outlet
certainly enriches your life.
Considérez-vous que votre faculté ou département prépare adéquatement les
jeunes musiciens au monde musical professionnel, parfois ingrat ? / Do you
feel that your faculty/department prepares adequately the young musicians for
the professional musical world, sometimes treacherous ?
UQAM : C'est important de
toujours rester à la fine pointe. Plusieurs de nos étudiants se sont démarqués
sur la scène classique ou populaire (je pense à Catherine Major). Nous avons des
professeurs prestigieux – François Bourassa, Luc Boivin, Richard Hunt (pianiste
de Quartango) – qui enseignent chez nous. En enseignement et en musicothérapie,
notre institution se classe en tête. Les postes en musicothérapie sont passés de
2 en 1985 à 60 aujourd'hui et sont occupés presque exclusivement par nos
diplômés. Nous espérons également offrir bientôt une maîtrise conjointe avec
Concordia. Il ne faut pas s'adapter à aujourd'hui : il faut être visionnaire,
penser à demain.
Sherbrooke : La plupart de
nos étudiants se trouvent des emplois dans la région. Il y a plusieurs postes à
combler parce qu'il s'y fait beaucoup de musique. Nous avons fêté les 10 ans du
département récemment et avons pu constater que nos diplômés se classaient très
bien. Certains ont remporté des premiers prix (la percussionniste Catherine
Meunier, par exemple, a remporté le Prix d'Europe) et tous sont acceptés dans
les grandes institutions s'ils décident de poursuivre des études
supérieures.
Conservatoire : C'est
important de sensibiliser les étudiants aux exigences et aux attentes du métier.
Certains voudraient trouver le bouton magique pour que l'instrument joue fort,
vite. Bien sûr, il n'existe pas ! Nous pouvons par contre affirmer que tous ceux
qui ont réussi leur concours ont trouvé un emploi. Parmi les diplômés, on
retrouve des violons solo dans les orchestres de Los Angeles, de
Nouvelle-Zélande, de Philadelphie, et une première flûte à New York. Ceux qui
réussissent travaillent très fort, même si certains prétendent le
contraire.
Wilfrid Laurier : We help our students network.
We give them professional studio experience and take them into the real world.
They are also involved in many community outreach music programs ; our teaching
students volunteer in schools, our musical therapy students of course have to
treat patients. We connect them to the surrounding community. Also, the
cros-section of skills translates well into many other spheres of
activity.
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