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La Scena Musicale - Vol. 9, No. 10

DVD Jazz: Un été de jazz plein la vue

Par Marc Chénard / 13 juillet 2004


Depuis son arrivée sur le marché au début des années 80, la technologie numérique est devenue la norme pour l'enregistrement du son. Mais voici qu'on a réussi à numériser l'image et à la rendre accessible sur un support identique, le dvd. Alors que le cd a jadis fait lever bien des boucliers par rapport à sa fidelité de reproduction sonore, nul ne peut nier les améliorations du dvd sur le vhs : images nettes, absence de stries lorsqu'on met le lecteur sur pause, son cristallin, repérage programmable des plages, bref, les jours semblent comptés pour la traditionnelle cassette vidéo.

Ce nouveau format convient d'ailleurs très bien à la musique classique, le ballet et l'opéra tout spécialement. Moins scénique que ces derniers genres, le jazz ne dépend pas de cette dimension visuelle pour être apprécié, mais cela n'amoindrit en rien le plaisir, de voir des artistes se produire dans le feu de l'action. Bien que les productions originales de jazz en format dvd ne soient pas encore légion, on retrouve un nombre accru de repiquages vidéos.

À ce chapitre, la compagnie danoise Storyville demeure l'une des plus actives. Entreprise phonographique vouée au jazz classique et traditionnel à ses débuts (en 1950), celle-ci a évolué avec le temps, documentant un grand nombre de jazzmen locaux, européens et américains de toutes les allégeances, incluant le jazz mainstream moderne et quelques détours vers le free jazz.

Toute cette histoire est d'ailleurs racontée dans les livrets de dix pages insérés dans les boîtiers de la série « Jazz Legends ». Toutefois, il n' y a aucun complément d'information sur les titres eux-mêmes, bien qu'il y ait, à l'endos des boîtiers, des notices à saveur fortement promotionnelles.

En parcourant la liste des quelque 75 titres au catalogue, on notera que ces documents nous proviennent de toutes les époques, les plus anciens datant des années 30, les plus récents produits un demi-siècle plus tard. Des maîtres du Harlem Stride Piano aux orchestres Swing, du blues au hard bop, d'extraits de concerts en direct à New York à des séquences au défunt Monmartre de Copenhague, les offrandes sont assez variées d'un point de vue historique et fort agréables à voir et à entendre en configuration numérisée.

Parmi les titres recensés ici, la découverte la plus intéressante demeure la prestation solo du génial pianiste Lennie Tristano (Réf. 16060). Inédit jusqu'en l'an 2001, ce film en noir et blanc a été tourné pour la télévision danoise en 1965, année où le pianiste fit sa seule tournée européenne, y donnant aussi ses derniers concerts avant son retrait de la scène pour se consacrer à l'enseignement jusqu'à sa mort en 1978. À 41 minutes, le métrage est court, mais chaque minute nous montre cet artiste aveugle en pleine possession de ses moyens. D'un point de vue visuel, on est bien loin de l'étourdissant vidéoclip moderne, mais ce côté assez statique du tournage (deux prises de vue en alternance) nous invite plutôt à prêter l'oreille plus attentivement au jeu inventif de ce créateur hors pair. À tort ou à travers, on qualifiait Tristano de pianiste cool ou, pis encore, de cérébral, mais ce document nous démontre pourtant que l'authenticité de l'émotion, de son émotion, reposait pleinement sur la clarté de ses idées.

Vingt ans plus tard, dans ce même pays, le trompettiste Clark Terry rendait hommage au saxophoniste Ben Webster, mort en 1973, en jouant des thèmes archi-connus du maestro Duke Ellington en compagnie du pianiste bop Duke Jordan (expatrié là-bas depuis belle lurette), du bassite Jimmy Woode et du batteur Svend Erik Nørregaard. (Réf. 16028). Après les sept morceaux joués par ce quartette, le pianiste égrène en trio avec une autre rythmique toute locale quatre plages variées, dont son thème le plus célèbre « Jordu ». Bien qu'agréable à entendre et à voir (et en couleur cette fois-ci), ce jazz datait déjà en 1985, et de nos jours, il paraît plus nostalgique que jamais, ce qui ne déplaira pas aux amateurs ayant connu cette musique dans ses beaux jours, pour ne pas dire les fanas du rétro pur et simple.

Un brin plus moderne sont les deux titres « Jazz Life ». D'une part, le volume un (Réf. 16075) comprend un extrait d'une soirée au Village Vanguard par le saxo ténor Johnny Griffin, suivi d'un autre show au même endroit par le quintette de l'altiste Richie Cole; d'autre part, dans le second volume (Réf 16076), on retrouve deux autres séances en direct, tournées elles aussi dans la Grande Pomme durant les années 80, la première par le légendaire Art Blakey et ses Jazz Messengers, la seconde par le groupe Fusion Steps Ahead. Jadis publiés sous format vhs, ces documents sont mieux rendus ici, quoique les musiques sont d'un intérêt variable. Vif comme l'éclair, le Petit Géant Griffin passe tout son vocabulaire hard bop en revue, tout en citant au passage quelques vieilles rengaines. Cole, pour sa part, avait jadis été prisé comme un émule de Phil Woods, mais son étoile a pâli depuis, sans doute pour certaines pitreries comme le « Detention Blues », le tout bousillé par Bobby Enriquez, un pianiste d'un impeccable mauvais goût qui est sans doute retourné dans les Philippines d'où il était venu. Quant à M. Blakey, il s'agissait d'une édition éphémère de sa troupe au sein de laquelle le jeune prodige d'alors Wynton Marsalis évoluait en compagnie de son frère aîné Branford (ici à l'alto) et Billy Pierce au ténor. En 25 minutes, le sextette parcourt quatre thèmes, dont le standard « My Ship » avec, en vedette, le jeune trompettiste au seuil de ses 20 ans. En contrepartie, la séance du groupe Steps Ahead a tous les relents de ce jazz fusion des années 70 et 80, style qui a bien mal vieilli avec le temps, n'en déplaise à ses fidèles partisans.

D'une tout autre époque, le volume 1 de « Swing » (aucune mention d'un volume 2 dans le catalogue) est une compilation de courts métrages (les « Soundies ») produits pour des juke-box fort populaires durant les années 30 et 40 (Réf. 16034). À tour de rôle, Benny Goodman (1 film), Artie Shaw (2), Jimmy Dorsey (1), Hoagy Carmichael avec le big band de Jack Teagarden (1) et Stan Kenton (1) défilent à l'écran en un peu moins d'une heure. Dans ce créneau, on préférera toutefois le volume consacré à Duke Ellington (Réf. 16033), une figure somme toute beaucoup plus marquante dans les annales du jazz que ces autres chefs.

Jazz Plus

Jusqu'au 10 juillet, Montréal sera tapissée de jazz. Par la suite, les choses vont se calmer, mais il y aura toujours des choses à voir en ville. Nous vous invitons à vous tenir au courant des activités par la liste hebdomadaire SortiesJazzNights, disponible sur Internet ou encore par abonnement gratuit à sa liste d'envoi par courriel. Bon été et jazzez-le quand vous le pouvez.

Montreal will be teeming with jazz for the first 10 days of July, but expect things to cool off after that. That said, there will still be shows to catch in the weeks to come,
and the best way to stay on top of things is by checking out the SortiesJazzNights Web site. Better still, get weekly listings from the site sent to you via e-mail. So enjoy the summer and jazz it up when you can!


(c) La Scena Musicale 2002