2004, année Dvorák Par Isabelle Picard
/ 13 juillet 2004
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Le 1er mai 1904, s'éteignait un des grands
compositeurs du 19e siècle, Antonín Dvorák. Pour souligner ce centenaire,
La Scena Musicale vous présente un aperçu de sa musique et de sa place
dans l'histoire, de même qu'une liste de publications récentes et de concerts à
venir.
Contexte historique et culturel
Au moment où nait Dvorák, en 1841, il y a déjà
quelques siècles que la Bohême n'est plus un pays indépendant. Cette région qui
avait déjà été si riche, économiquement et culturellement (sous Charles IV, au
14e siècle, Prague était devenue la plus grande ville d'Europe, avec 50 000
habitants, et c'est là qu'avait été fondée la première université d'Europe
centrale), était à cette époque, et ce depuis le milieu du 18e siècle,
entièrement annexée à l'empire autrichien. Toute forme de nationalisme tchèque
entraînait des répressions, et l'allemand était devenu la langue officielle, la
seule utilisée dans les écoles et universités. Ce n'est qu'en 1918 (14 ans après
la mort de Dvorák), après des années de lutte, que les Slovaques et les Tchèques
ont pu former la Tchécoslovaquie.
Voilà un raccourci un peu simpliste de l'histoire,
mais ce qu'il faut comprendre, c'est que pendant toutes ces années, les tchèques
étaient privés de leur langue maternelle et par le fait même d'une grande partie
de leur culture. La musique jouait donc un rôle important dans la sauvegarde de
l'identité nationale. Elle était présente partout, presque tous la pratiquaient
au moins en amateur, et les musiciens tchèques avaient la réputation d'être
parmis les meilleurs d'Europe, louangés par des compositeurs comme Mozart,
Berlioz ou Wagner. Mais la musique qu'ils jouaient, même chez-eux, était
toujours d'origine étrangère (sauf en ce qui concerne la musique populaire,
évidemment). C'est avec Bedrich Smetana (1824–1884) que la musique tchèque
commence à revivre, et Dvorák suivra ses pas. En Bohême comme ailleurs (par
exemple avec Chopin), le 19e siècle musical sera largement
nationaliste.
La musique
Comme plusieurs représentants des écoles
nationales, Dvorák s'inspire beaucoup du répertoire folklorique, qu'il connait
très bien pour l'avoir joué (entre autre dans l'auberge que tenait son père).
Cependant, il ne cite jamais textuellement une mélodie folklorique. Il assimile
plutôt les caractéristiques de ce répertoire, pour créer ses mélodies propres.
L'invention mélodique est d'ailleurs un trait important de sa musique. Brahms
aurait dit à ce sujet : « Le bougre a plus d'idées que nous tous. Tout autre
pourrait glaner dans ses déchets la matière à des thèmes principaux. » (cité par
G. Erismann, Antonín Dvorák, le génie d'un peuple, Fayard, 2004,
p.204).
Parallèlement à cet apport folklorique, Dvorák
admire la musique des Mozart, Beethoven et Brahms, et ne renie pas l'apport de
l'école viennoise à la musique. Ainsi, il réussit dans ses plus grandes œuvres
un heureux mélange de formes classiques et de mélodies (et rythmes) à saveur
folklorique. Le résultat est typiquement tchèque, peut-être... mais surtout
typiquement dvorakien.
Répertoire symphonique
Dans le répertoire symphonique, sa Symphonie nº
9 « Du Nouveau Monde » est sans doute son œuvre la plus connue. Dernière
symphonie du compositeur, il l'a écrite alors qu'il était directeur du
Conservatoire de musique de New-York. Pour ses thèmes, il s'est inspiré de la
musique des noirs et des Indiens d'Amérique, mais on reconnait à certains
endroits des couleurs tchèques. Elle a reçu un accueil triomphal lors de sa
création, mais les opinions sont partagées sur son importance parmis les œuvres
de Dvorák. Les symphonies no 6, 7 et 8 font davantage l'unanimité. Elles offrent
un aperçu varié des qualités de symphoniste de Dvorák. La sixième, souvent
comparée à la musique de Brahms, est remplie de couleurs paysannes et
folkloriques, et les rythmes de danse sont endiablés. La septième est la plus
sérieuse et profonde des symphonies du Tchèque, et est considérée par certains
experts comme sa plus grande œuvre. La huitième est originale, indisciplinée, la
plus expérimentale de toutes, pleine de vitalité et d'invention. Dans tous les
cas, on remarque les qualités d'orchestrateur de Dvorák, et son
lyrisme.
Parmis les œuvres concertantes, il faut souligner
le Concerto en si mineur pour violoncelle, universellement reconnu comme
chef-d'œuvre et comme un des plus importants concertos écrits pour cet
instrument.
Musique de chambre
Dvorák, comme Brahms et Beethoven, a composé de la
musique de chambre tout au long de sa carrière. On peut avec ce répertoire
observer l'évolution du compositeur, de sa jeunesse à sa maturité. Parmis les
œuvres les plus importantes, il faut mentionner les quatuors à cordes suivants:
en ré mineur op. 34 (en particulier l'Adagio), en mi bémol majeur op.51,
en do majeur op. 61, en fa majeur « Américain » op. 96, en la majeur op. 105 et
en sol majeur op. 106. Ça fait beaucoup, mais Dvorák en a écrit 14 ! Le très
joyeux Quintette avec piano en la majeur op. 81 est également un
incontournable. Une pièce merveilleusement bien écrite, équilibrée, ingénieuse.
Le Trio avec piano « Dumky » op. 90 suit de près le quintette en
popularité. Dans ce trio, on entend une série de danses, en alternance vivantes
et mélancoliques.
Musique pour piano
Dans le répertoire pianistique de Dvorák, on
retiendra surtout la musique pour deux pianos. Musique de partage et du plaisir
de jouer à deux, l'éditeur Simrock en était friand parce que ça se vendait bien.
Les deux volumes de Danses slaves sont les plus populaires et ont connu
un succès instantané (elles existent aussi en transcription pour orchestre).
L'écriture de Dvorák pour deux pianos est colorée et quasi-orchestrale. Sa
musique pour piano solo est complètement différente. Musique d'intimité, elle
est très loin des traits virtuoses d'un Liszt. Elle est plutôt mélodique et
simple, mais mérite d'être écoutée même si on ne considère généralement pas que
ce sont ses plus grandes œuvres.
Musique chorale et opéra
Rusalka (1901) est sans contradiction
possible sa plus grande réussite à l'opéra. Malheureusement encore méconnu des
mélomanes, cet opéra a un grand souffle mélodique. Les autres opéras de Dvorák
sont peut-être un peu moins cohérents, mais la faiblesse tient des livrets et
non de la musique.
?Son Stabat mater (1877), écrit suite à la
mort de ses enfants, a été le premier véritable succès de Dvorák et le début de
sa reconnaissance à l'étranger. Il annonçait déjà la qualité du Requiem
de 1890. Dernière œuvre chorale, le Te Deum (1892) a été écrit
expressément pour souligner son arrivée en Amérique. Il s'agit probablement de
son œuvre chorale la plus innovatrice.
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