Sergueï Salov : 1er Grand Prix du CMIM 2004 Par Laurier Rajotte
/ 13 juillet 2004
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Sergeï Salov est le premier pianiste à
remporter le grand prix du Concours Musical International de Montréal
(CMIM). Balayant les doutes des sceptiques, il a également décroché le prix
du public. Un doublé imposant. Originaire d'Ukraine, Sergeï Salov n'en était pas
à son premier concours international ni à sa première exécution avec orchestre.
En effet, il se démarquait par son professionnalisme, et le poids de ses
expériences artistiques a su établir l'écart nécessaire à la première position.
« Expériences artistiques » il faut insister, car j'ai eu la chance de le
rencontrer dans différents contextes -- de la soirée officielle au lounge avec
un martini -- et de constater que Sergeï est un chercheur artistique qui dépasse
largement la simple bête de concours. Les chercheurs vous le diront : on
recherche avec nos forces, nos faiblesses, parfois on trouve, d'autres fois non,
mais il faut rechercher avec honnêteté dans le but d'atteindre la vérité. Je
l'ai rencontré en coulisse quelques minutes après sa performance au gala du CMIM
pour lui poser quelques questions, auxquelles il a répondu, encore fébrile, dans
un français impeccable. Voici ce qu'il a dit.
LSM : Qu'est-ce qui vous a motivé à
participer au CMIM ?
Je dois dire, franchement, que je ne savais pas que
c'était un « nouveau » concours. Je pensais participer au grand concours de
Montréal dont un des lauréats est Ivo Pogorelich. Mais ça ne change rien, je
suis sûr que ce concours sera désormais connu dans le monde entier comme la
continuation de « l'ancien » concours de Montréal. De plus, le fait qu'il y
avait neuf finalistes est très intéressant pour nous, cela augmente les chances
pour passer à la finale. Il y a également le fait de n'avoir que deux épreuves,
ce qui réduit la charge de stress et permet au jury d'être moins fatigué et plus
attentif.
LSM : Aviez-vous des attentes en venant
y participer ?
Oui, j'en avais, mais pas le premier prix ! En
fait, je voulais jouer le 2e concerto de Brahms avec orchestre. C'était
la deuxième fois et c'était mon objectif. J'adore ce concerto et je voudrais
avoir beaucoup de possibilités de me produire avec orchestre. Le premier prix au
CMIM me permettra du reste de concrétiser ce désir.
LSM : Quel a été votre moment préféré
?
De me promener dans Montréal, parce que la vie ici
est tellement réjouissante ! Tout le monde sourit, les gens sont décontractés,
il y a plein d'espace. C'est une ville très agréable et très inspirante. J'ai eu
une vie très confortable lors de mon séjour. Il est difficile de choisir un seul
moment, mais disons qu'il y a vingt minutes [après sa performance du gala],
quand j'ai vu le public se lever pour une ovation, j'étais franchement touché.
Je ne m'attendais pas à ça d'un public anglo-saxon et je me suis souvenu que
vous aviez de fortes racines latines. J'ai été charmé par l'esprit ouvert et
chaleureux du public.
LSM : Quels sont vos projets pour le
futur ?
Mes concerts pour la saison sont en train de finir.
C'est fantastique, j'ai eu mon anniversaire, j'ai eu le premier prix et j'ai
exécuté le 2e concerto de Brahms, je peux donc me reposer pour un certain
temps. Ça recommence à l'automne avec des concerts en Angleterre et au mois de
janvier, je reviendrai au Québec. Quant à l'école, je termine en juillet.
Ensuite, c'est terminé. J'étudie depuis l'âge de 15 ans (en institution
musicale) et j'en ai aujourd'hui 25. Cela fait maintenant 10 ans, c'est beaucoup
de temps !
LSM : Avez-vous des conseils à donner
aux jeunes musiciens qui souhaitent participer aux concours internationaux
?
J'espère franchement qu'il n'y a pas de jeunes qui
veulent faire carrière en courant les concours parce que ce n'est pas assez.
Même si on essaie très fort. Il faut surtout aimer la musique et toujours
essayer de perfectionner son style et faire des recherches dans son monde
intérieur pour bien le projeter. À la fin, ce qui compte au fond, c'est le don
de notre personnalité, de notre expérience de la vie, de l'amour. Je sais que
c'est un peu philosophique, mais l'essence de la vie se reflète dans la musique.
Une œuvre comme le Deuxième concerto de Brahms, c'est une histoire de vie, c'est
l'amalgame des impressions de Brahms, depuis le moment où il a commencé à jouer
du piano dans les tavernes jusqu'à ce qu'il devienne le compositeur le plus
célèbre de Vienne. Ses passions, ses espoirs et ses désespoirs se reflètent dans
sa musique et l'interprète doit être un vrai artiste, mais surtout un vrai être
humain, honnête, sans masquer ses faiblesses. Il faut prendre des risques pour
s'exprimer plus profondément. J'espère sincèrement qu'il n'y a pas de gens
obsédés par les concours pour la gloire. La musique est un monde qu'il faut
aimer. Il ne faut pas s'en faire pour les concours. Le palmarès du jury est une
chose, le jugement du temps en est une autre. laurajotte@yahoo.fr
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