De Montréal à Milan - Annamaria Popescu Par Wah Keung Chan
/ 3 septembre 2003
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Son talent pour apprendre vite est une question de chance, dit la
mezzo-soprano Annamaria Popescu. « Je peux le faire, c'est tout », dit-elle
modestement. En 1994, au pied levé, elle accepte le rôle d'Anna dans une version
de concert des Troyens de Berlioz avec
Sir Colin Davis et le London Symphony Orchestra. Cela la mène à la Scala de
Milan en 1996, où elle chante régulièrement depuis et où elle s'est
établie.
Mme Popescu se rappelle bien cette première des Troyens. « Ils m'ont accueillie à
l'aéroport la partition en main. Nous nous sommes rendus directement à la salle.
J'ai fait une lecture rapide avec le pianiste et en soirée j'ai travaillé avec
la répétitrice Janine Reiss. Le lendemain matin, j'ai chanté par cœur pour Sir
Colin. J'ai pensé que si j'apprenais le rôle par cœur, il serait content. » En
fait, Davis a été suffisamment impressionné pour qu'il l'engage, ainsi que trois
autres chanteurs, pour une représentation à la Scala.
D'où lui vient cette confiance
? Annamaria Popescu est la fille d'un pope de la communauté roumaine orthodoxe
de Montréal. « Le chant à l'église chaque dimanche vous expose à un nouveau
répertoire, dit-elle. Le cycle comprend huit offices, chacun de ton différent,
et chaque matin, c'est de la lecture à vue. »
« Il était inhabituel que des
personnes des familles de religieux montent sur la scène, mais pour une fille,
ce n'était pas si grave tant que c'était honorable. Je devais le faire parce que
j'avais une voix et que j'avais le devoir de m'en servir. Je faisais simplement
la seule chose que je savais faire. » Elle a chanté tout au long de son parcours
du collège Marianopolis et de l'Université McGill à l'Academy of Vocal Arts de
Philadelphie et l'Atelier Lyrique de Montréal. Les amateurs de voix de sa ville
natale se rappellent encore sa riche voix de mezzo dans les finales du Concours
international de musique de Montréal de 1993.
Après ses débuts à la Scala, Popescu a chanté le rôle de Meg Page dans le
Falstaff de Verdi sous la direction de Riccardo Muti. «
J'ai fait récemment ma septième ou huitième production. J'ai chanté à la Scala
presque chaque année. Chaque fois, ils m'entendent avec un orchestre et c'est
comme une audition avec public. Le moment le plus stressant est la première
répétition avec orchestre devant les régisseurs de distribution. Ils veulent
être sûrs de leur choix et votre contrat pour l'année suivante en dépend. Après,
ils me disent ce que je dois faire. C'est comme ça à la Scala : ils ne signent
jamais de contrat plus d'un an et demi à l'avance. »
Est-ce que c'est compétitif ?
« Il faut savoir nager, la compétition est féroce à ce niveau. Il faut
continuellement étudier, apprendre. Quand vous revenez sur scène, il faut aussi
chanter mieux que la dernière fois, parce qu'il y a tellement de filles qui
attendent uniquement la chance de prendre votre place. »
Mme Popescu étudie maintenant
à Paris avec Jean-Pierre Blivet, le professeur de Nathalie Dessay, mais elle
demeure à Milan avec sa fille et son deuxième mari, Sandro. Elle adore vivre en
Europe. « On est si près de tout, à une heure et demie d'avion de n'importe où.
On peut passer une audition presque sur-le-champ, c'est formidable. Sauf que si
vous êtes étrangère, c'est plus difficile, il faut aussi leur prouver que votre
italien, votre allemand ou votre français est bon. »
Avez-vous des conseils à
donner aux jeunes chanteurs ? « Oui, soyez bien préparé. Déjà avant la première
journée de répétition, connaissez bien votre rôle et tous les autres. Le chef
l'apprécie et le metteur en scène, qui pense à l'œuvre depuis longtemps, aime
pouvoir vous parler dès le premier jour. Il est difficile de travailler avec des
personnes (des chanteurs, des chefs ou des metteurs en scène) qui ne savent pas
ce qu'ils font. Il faut être prêt à apporter une certaine contribution si un
aspect le requiert. Par exemple, il faut être prêt à prendre les devants si un
autre chanteur n'y arrive pas avec la mélodie. C'est très important de savoir
les choses à l'avance. Apprenez le rôle même si vous ne l'avez jamais fait
auparavant. Préparez-vous même à figurer parmi les remplaçants. »
Que fait-elle présentement ? « J'étudie Sémiramide de Rossini, parce
que j'aime cet opéra et parce qu'il existe deux personnes pour qui je veux le
chanter. » Certains de ses rôles préférés sont ceux de Charlotte dans
Werther et de Tancredi dans l'opéra de
Rossini.
Aussi à l'aise en concert qu'en récital, Mme Pospescu a chanté en France, en
Suisse, en Allemagne et, dernièrement, en Espagne. « L'an prochain, je ferai mes
débuts à Gênes dans Nabucco, dans un nouveau rôle pour moi, et je ferai
Mère Jeanne dans le Dialogue des carmélites de
Poulenc à la Scala. »
Les Montréalais pourront entendre Annamaria Popescu au concert-bénéfice de
LSM le 17 septembre prochain. « Il est très important qu'il existe un magazine
pour promouvoir la musique classique dans la ville, dit-elle. Lorsque les
gouvernements se mettent à couper, ils commencent toujours par la culture. »
Plus tard cette saison, elle reviendra à l'OSM (le 16 mai 2004) dans le
Garden of the Heart de Schaffer qu'elle a enregistré pour les Disques SRC avec Mario
Bernardi.
Ayant perdu son père
récemment, Annamaria Popescu dit qu'elle aimerait pouvoir chanter plus souvent
au Canada et rester près de sa mère.
[Traduction de Alain
Cavenne]
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