Les sentiers du jazz, Double jeu au Théâtre La Chapelle Par Marc Chénard
/ 5 mai 2003
De la clarinette, claire et nette, aux voix...
enchantées !
Comptant parmi les salles de spectacles les plus
attachantes en ville, le Théâtre La Chapelle (3700, rue St-Dominique) contribue
à l'essor culturel montrélais depuis 13 ans. Outre sa vocation de présentateur,
il se fait aussi animateur d'événements, organisant entre autres des rencontres
avec des artistes ou des ateliers de performances, tant en arts dramatiques...
qu'en musique. Dans ce dernier créneau, la salle acceuillera au cours des deux
premiers weekends du mois des initiatives orchestrées par son directeur
artistique, Richard Simas.
Pour les clarinettistes de tout acabit d'abord, c'est
le samedi 3 qui fera le mois (comme la veille aussi), car trois utilisateurs
notoires de ce bel instrument se réuniront dans un événement aux horizons
stylistiques des plus contrastants. De chez nous, place sera faite à Robert
Marcel Lepage qui nous turlutera son hommage à l'un de ses maîtres de jeu,
le tout aussi incomparable qu'inclassifiable Pee Wee Russell, cet épigone du
jazz classique de Chicago qui a pourtant tout touché, de la musique de Bix
Beiderbecke à celle d'Ornette Coleman. Instigateur de deux autres sommets du
genre en 2001 et 1999, Lepage aura l'occasion de se retrouver avec le Québécois
et désormais fils chéri de Vancouver, François Houle, un virtuose émérite
qui se fait autant remarquer en musiques contemporaines qu'improvisées. Ainsi en
est-il aussi de sa consoeur Lori Freedman, transfuge bien " actuelle " de
Winnipeg à Montréal... version Ambiances Magnétiques il va sans dire. Côté
répertoire, et outre le segment jazz/impro (qui sera d'ailleurs agrémenté par le
concours du guitariste René Lussier, du bassiste Normand Guilbeault et du
batteur Pierre Tanguay), on entendra aussi le tandem Freedman/Houle interpréter
une oeuvre de George Aperghis, deux pièces de Houle pour clarinette et bande, et
une création de Freedman pour clarinette, guitare (André Duchesne) et
alto (Jean René). Et si ce n'était pas assez, une grande parade de
clarinettes se déroulera le samedi après-midi alors que le Vancouvérois dirigera
d'abord un atelier (dès 13h30) pour ensuite faire défiler tout les participants
dans le voisinage. Alors amateurs, qu'attendez-vous pour aiguiser vos flûtes?...
ou clarinettes, devrais-je dire.
Si toutefois ce chalumeau ne vous chante pas, il y a
toujours... la voix! En effet, une semaine plus tard, les vendredi 9 et samedi
10, ce sera au tour de la singulière chorale Mruta Mertsi d'envahir
l'espace pour des concerts en soirée et pas moins de trois ateliers à la portée
des gazouilleurs de toutes compétences. Fondé par le bassiste André
Papathomas, cet ensemble de seize chanteurs et chanteuses, dont le nom
provient d'un texte du poète Antonin Artaud, se produit chez nous depuis près de
dix ans et a eu l'honneur d'ouvrir le FIMAV l'an dernier. Teintée de sonorités
de l'Europe de l'Est (les voix bulgares, quoi), la musique croise autant de
terrains familiers qu'inusités, la plus nouvelle contrée étant celle des
Mirlitonnades issues de la plume de Samuel Beckett. En avant première, le
jeudi 8, il y aura atelier libre entre 20h et 22h, puis un "Café mirlitonnant"
de 5 à 7 le lendemain avec poètes et gens de mots en sus puis, finalement, un
rassemblement extérieur au Carré St-Louis, toutes cordes vocales confondues, le
samedi après-midi à 14h.
Infos et billetterie pour les deux événements:
(514) 843-7738 / 3700 rue St-Dominique
Au rayon du disque
All is bright, but it is not day Fred Frith / Jean Derome / Pierre Tanguay
/ Myles Boisen
Ambiances Magnétiques AM 106CD
Outre le dernier des quatre individus qui se
partagent les honneurs de cette séance de libre improvisation, les trois
premiers larrons seront très prochainement de la partie au 20e rendez-vous
annuel du FIMAV... quoi qu'ils ne se produiront pas au même moment. La présente
rencontre en studio s'est déroulée en février 2001, dans le cadre d'une tournée
des deux Québécois sur la côte ouest américaine; outre leur vieux copain
guitariste Fred Frith, le spécialiste du son Myles Boisen
arrondissait leur collaboration en manipulant la musique depuis sa console. Près
de deux ans plus tard, en décembre 2002, le guitariste rendait la pareille à ses
amis lors du lancement du disque, dans une espèce de reprise en concert, cette
fois-ci avec le concours de Bernard Grenon, dont les interventions à la
régie étaient malheureusement bien discrètes, voire timides. Quant au disque, il
regroupe huit plages de durées très variables (de une et demie à quinze minutes)
où se mélangent bruitisme parasitaire, stridences acérées et moments de lyrisme
presque envoûtants. Jean Derome, que l'on connaît pour son usage (parfois
outrancier) de bidules hétéroclites, semble se fondre dans la pâte sonore, si
bien que son saxophone et sa flûte s'entendent rarement, peut-être trop enfouis
dans le tout. Le batteur en revanche ne se fait pas prier et tombe pendant un
moment dans un beat rock & roll emphatique. Quant au Gentleman
Fred, il lui revient surtout d'instaurer des climats et des assises aux pièces,
le plus souvent en égrenant, ou plutôt en étirant excessivement, de petits
motifs en boucle. Comme il semble priser ce genre d'artifice, il en a aussi fait
grand étalage durant sa récente prestation montréalaise. Avec une part de
surprises, et une autre d'errances aussi, la singulière musique de ce triangle à
quatre côtés réussit somme toute mieux sur disque. En effet, la présence
acoustique des instruments est plus immédiatement audible en direct que sur
l'enregistrement, où il s'avère bien plus difficile de départager le travail du
spécialiste du son de celui des musiciens. Belle présentation cartonnée aussi,
quoique les languettes intérieures retenant le disque se défont déjà... Marc
Chénard
Remi Bolduc and Kenny Werner Tchat Justin Time JTR 8500-2 (67 m 1 s)
A good conversation can be described in terms of
flow, reciprocation, and collaboration. To the type of conversation we call a
"chat" we can add elements of intimacy and whimsy; without a specific point to
argue, necessarily, the goal is pleasure in the act of exchange. Alto
saxophonist Remi Bolduc and pianist Kenny Werner bring all of the above to their
recent release. Werner, a widely recorded artist whose inspired approach to
music is documented in his influential book Effortless Mastery, proves to
be the right partner for Bolduc to display the mature state of his musical
language. Little known outside Montreal, Bolduc confirms with this, his third
release under his own name, that he is a musician who deserves wider
recognition.
There is a broad but cohesive range of
conversational topics here, with six Bolduc originals, three tunes penned by
Werner, and two standards. Right from the start, in Porter's I Concentrate on
You, Bolduc shows his ability to tastefully alternate between
lightning-speed virtuosity and concise lyricism and to tag along with Werner as
he explores and extends the song's harmony. Bolduc takes risks in a tune like
Corrosion and plays profound and poetic lines in A la memoire de
Michel, and Lumière d'étoiles. Werner's personality permeates this
recording, as he supports and incites with fresh, rich voicings and weaving
motivic figures. The playing by both musicians is lucid, inspired, and fluidly
chromatic. Two articulate musicians engaging in conversation worth listening to.
Paul
Serralheiro
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