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La Scena Musicale - Vol. 8, No. 7

Le violoncelle et le luthier

Par Saskia Latendresse, en collaboration avec Claire Godin / 3 avril 2003

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Gouges, rabots, scies, gabarits... L'univers d'un atelier de lutherie de violoncelle est plein de mystères. La Scena Musicale a rencontré cinq de ces artisans de la musique installés à Montréal pour découvrir les richesses de ce métier. Ce sont Gilles Blouin, Tom Wilder, Isabelle Wilbaux, Olivier Perot, luthiers et Louis Bégin, archetier.

Ce qui frappe en premier, c'est la passion des luthiers pour le bois. D'ailleurs, les odeurs d'érable, d'épicéa et de vernis soulignent que la lutherie est d'abord un travail du bois. Olivier Pérot a étudié le bois des anciens instruments par chromatographie de phase gazeuse. Un jour, il a remis à un technicien deux copeaux d'une même planche pour analyse : l'homme était certain qu'ils provenaient d'arbres différents. « On ne pourra jamais reproduire deux instruments pareils tellement le bois est empirique, hétérogène », conclut-il.

Au fait, comment devient-on luthier ?

Les instruments sont standards et on s'initie aux techniques autant dans les écoles que dans les ateliers. Gilles Blouin, luthier chez Violons Etc., a été initié par son père menuisier : c'est jeune qu'il apprend à reconnaître les essences par leur grain. De son côté, Tom Wilder a travaillé un an à la fabrication de canots en cèdre pour apprendre le maniement des outils qui, curieusement, ressemblent à ceux de la lutherie. « L'école nous apprend surtout à utiliser les outils. Pour vraiment apprendre le métier, il faut étudier les bons instruments. On en voit rarement de tels dans les écoles », ajoute-il. Isabelle Wilbaux aussi souligne l'importance d'étudier les instruments fins : « Je veux comprendre comment ces gens-là sont arrivés à des résultats si intéressants. » Pour y arriver, elle étudie des modèles de l'époque d'or en Italie.

Comme le perfectionnement du métier se fait à l'atelier, La Scena Musicale est allée voir comment se passait le travail. L'atelier de Tom Wilder est assez important : six luthiers et deux archetiers. « À Montréal, c'est une véritable atmosphère de coopération, un des avantages de travailler dans un gros atelier. Il y a un degré de spécialisation, mais on touche à tout. Notre succès est lié au travail d'équipe », dit-il. Chez Violons Etc., on peut aussi trouver un luthier de guitare. Le rêve de M. Blouin : un atelier qui englobe toutes les sortes d'instruments en bois. Cependant, Isabelle Wilbaux, qui travaille dans son appartement, apporte un bémol. « En dehors des ateliers, les fabricants travaillent en solitaires et sont bien moins visibles », souligne-t-elle. Justement, elle montera une exposition pendant le premier Concours International de Montréal des Jeunesses Musicales. Une vingtaine de luthiers du Québec ont répondu à son appel et exhiberont leurs instruments à Montréal le 1er juin.

On trouve aussi d'autres problématiques propres à cet instrument. Sa taille énorme, entre autres, rend le violoncelle plus vulnérable à certains maux. Par exemple, le bois travaille beaucoup plus dans les extrêmes de température. « Cette année, l'hiver a été très froid et sec, et les violoncelles ont davantage souffert que les violons », commente Olivier Pérot.

Le coût de l'instrument pose parfois problème. En effet, plusieurs luthiers se butent à un argument courant de la part des marchands : « Le violoncelle est un investissement considérable à l'achat ; les gens demandent bien plus souvent des violons.» Pour les artisans, il existe une importante différence entre les deux instruments. « Bien que leur système sonore soit semblable, l'adaptation du luthier est très différente. Les objectifs sonores diffèrent complètement. Le luthiers de quatuor fait souvent des instruments beaucoup moins homogènes qu'on le croirait, parce qu'il doit s'habituer à chaque instrument », explique M. Pérot. M. Wilder ajoute que les luthiers de violoncelle se spécialisent généralement dans sa fabrication : ils ont développé le sens de ce qu'est cet instrument.

Toutefois, ce travail ne se fait pas sans aide. En effet, tous s'accordent sur l'importance du contact avec les musiciens. Selon Tom Wilder et Gilles Blouin, il faut développer un vocabulaire pour traduire ce que les musiciens entendent par son nasillard, plein, clair... Olivier Pérot ajoute que « savoir jouer de son instrument est primordial pour pouvoir l'ébaucher, communiquer avec le musicien et connaître la raison pour laquelle quelque chose ne marche pas. »

Les instruments évoluent

À petite échelle, les luthiers perfectionnent la forme et l'épaisseur pour obtenir un meilleur son. M. Blouin explique que les instruments d'aujourd'hui doivent projeter beaucoup plus que leurs ancêtres. Certains poussent l'expérimentation très loin. Par exemple, il existe des archets courbés qui frottent les quatre cordes d'un violoncelle en même temps.

On voit aussi se pointer sur le marché des archets et des violoncelles en fibre de carbone. Le matériau soulève bien des questions. « Le problème, c'est le doute », dit Louis Bégin. « C'est toujours le son de la fibre de carbone, peu importe l'archet, alors qu'avec 10 archets de bois, on obtient 10 sons différents. On se demande toujours si le son ne serait pas mieux avec un autre archet. De plus, ce sont des instruments moulés, des copies.

« Fait-on évoluer le modèle et le son parallèlement ? » demande Olivier Pérot. « Si on recherche d'autres sons, il y a place à amélioration. Prenez Roger Lanne : il a installé des accessoires sur ses instruments, des billes, par exemple, qui font une percussion sur certaines notes seulement.»

Que réserve le futur pour les luthiers de violoncelle et leur instrument chéri ? La passion des luthiers, qui cherchent constamment à améliorer leurs techniques, de pair avec l'audace des musiciens qui poussent le violoncelle au bout de ses limites, sauront toujours nous surprendre. Nous n'avons qu'à ouvrir les oreilles...

Et la forêt ?

Il est difficile de parler d'un métier du bois sans penser à l'épuisement des ressources naturelles. De nos jours, les luthiers réfléchissent, entre autres, sur les questions des matériaux autres que le bois et à l'utilisation plus efficace des bois rares. À cet effet, Tom Wilder s'est engagé dans l'édition d'un livre sur les techniques de lutherie dans le but d'amasser des fonds pour la conservation du pernambouc, un bois originaire de la forêt atlantique du Brésil.


Pour Jean-François Raffin, une sommité dans le monde des archetiers, la lutherie semblait le métier idéal idéal car il reprenait deux de ses passions : la musique et le travail du bois. Après trois années d'études à Mirecourt et un stage d'un an au près d'Etienne Vatelot, il se perfectionne en archeterie (restauration, création et expertise des archets) aux côtés de Bernard Millant, dont il fut le premier assistant pendant 17 ans. En 1989, il crée à Paris sa propre entreprise. Depuis, il est l'invité recherché de nombreux stages de lutherie et a corédigé avec monsieur Millant un ouvrage de référence, Les Tourte et les archetiers français de 1750 à 1950. Lors de ses passages à l'école de lutherie Élan de la ville de Québec dans les années 1990, il a formé quelques-uns des archetiers d'ici : Louis Bégin, André Lavoie, Richard Compartino et Hubert Chagnon. Une dizaine tout au plus d'archetiers travailleraient au Canada, dont les deux tiers en sol québécois. Lucie Renaud


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