Susie Napper et les chants de sa viole Par Sarah Choukah
/ 2 mars 2003
Susie Napper présente une feuille de route
impressionnante. Elle a été consacrée personnalité de l'année au dernier gala
des prix Opus et a reçu plusieurs prix prestigieux pour souligner l'excellence
de ses enregistrements aux côtés de Margaret Little, cofondatrice du duo pour
violes de gambes Les Voix Humaines. De plus, elle se produit avec les meilleurs
ensembles de musique baroque, dont le Studio de musique ancienne de Montréal
(SMAM), les Boréades, ainsi que le Trinity Consort à Portland, en Oregon. Mais
ce qui fait d'elle une musicienne exceptionnelle, c'est la qualité des
arrangements qu'elle fait pour Les Voix Humaines, une vocation rare qui fait
découvrir à un auditoire toujours plus grand les richesses du répertoire de la
musique pour viole de gambe.
Qu'est-ce qui vous a attiré dans le répertoire baroque au point de
vouloir vous y concentrer ?
La musique pour viole de
l'époque baroque est extraordinairement riche ! Le répertoire, plus grand que
celui du violoncelle, tire une part importante de celui des formations
orchestrales. Très virtuose, la musique pour viole demande beaucoup de
connaissances en analyse puisque leurs systèmes de notation diffèrent. Les
possibilités sont augmentées du fait que j'arrange pour la viole les pièces que
j'aime.
Parlons de votre plus récent arrangement, la chaconne de Bach, extraite de
la Partita pour violon no 2 en ré mineur.
Pourquoi avez-vous décidé de l'arranger ?
C'est une pièce que j'adore
depuis mon enfance, et ne pouvoir la jouer me rendait très triste. Je me suis
donc promis de l'arranger pour la viole. Étant donné sa difficulté, cela m'a
pris beaucoup de temps pour y arriver et, par la suite, pour la maîtriser avec
Margaret Little.
À quoi devez-vous être particulièrement attentive sur le plan technique
lorsqu'il est question d'arrangements pour viole de gambe ?
En ce qui concerne le registre,
la viole offre beaucoup de possibilités, presque autant qu'un clavier.
Cependant, comme la guitare, elle exige des doigtés particuliers. Un compositeur
ne sachant pas jouer de la viole de gambe pourrait difficilement composer pour
cet instrument. Arranger pour deux violes rend la tâche plus enrichissante,
puisqu'on peut jouer deux fois plus de notes, mais demande aussi plus
d'attention et de travail. Je dois également tenir compte de la résonance de
l'instrument, sa sonorité étant très délicate.
Votre association avec Magaret Little dure depuis 17 ans. Comment
décrivez votre dynamique ?
Nous formons un couple parfait !
Étant donné le manque d'organisation dont je fais preuve parfois, Margaret me
complète par sa rigueur et son sens de l'ordre. Nous sommes des contraires qui
s'assemblent très bien.
Le fait d'être deux femmes dans votre duo change-t-il la perception que
le public a de votre musique ?
Certainement. Il y a quelque
chose de plus féminin dans notre jeu. On remarque que nous somme plus délicates
avec l'instrument, plus « polies », plus subtiles et sensibles. Je crois
vraiment qu'il y a une différence entre le jeu des femmes et celui des hommes.
Nous cherchons davantage à nous rejoindre musicalement.
David Gaudreau, un enseignant en guitare classique dans une école
secondaire publique pour jeunes filles, disait que « la guitare faisait très
bien aux filles », qu'elle était bien servie par leur sensibilité. Diriez-vous
la même chose pour la viole de gambe ?
Oui, mais il est très étrange
que les plus célèbres gambistes soient des hommes, alors que la majorité des
instrumentistes sont des femmes. Je ne sais qu'en dire. C'est sûrement à cause
du poids des traditions. Les femmes ont encore du chemin à faire pour égaler les
hommes. La situation prend du temps à changer, même si l'équité est relativement
atteinte dans notre société. Remercions les musiciennes et les femmes en général
qui se démarquent et font changer cette apparence des choses, cette frontière
qui donne aux principes une réalité.
Les Voix Humaines se produiront à la chapelle
Notre-Dame-de-Bon-Secours, le 13 mars 2003 à 20 h. Au programme : Bach, Kümel,
Buxtehude et autres.
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