25 ans de musique au Domaine Forget
Frédéric Trudel, recherchiste à la Chaîne culturelle de Radio-Canada 2 Juillet 2003
Le Domaine Forget de St-Irénée célèbre cette année son 25e anniversaire !
La Chaîne culturelle de Radio-Canada, partenaire privilégié du Domaine depuis sa
fondation, sera de la fête et inaugurera officiellement ses antennes à Baie
St-Paul et à la Malbaie le 4 juillet prochain. Pour cette occasion, voici
quelques souvenirs de 25 ans d'histoire et de musique au Domaine Forget. Tous
ces témoignages sont extraits de Le Lieu d'un Rêve et Un Lieu de
passion et de beauté, premier et troisième épisodes d'une série de cinq
documentaires portant sur le Domaine Forget et préparés par l'animatrice
Françoise Davoine et la réalisatrice Édith Allaire. Ces documentaires seront
diffusés à la Chaîne culturelle de Radio-Canada, du 30 juin au 4 juillet à 20h,
à l'émission Concerts du soir.
C'est un
endroit du monde absolument unique. On se pose ici dans un paysage qui est
sublime, avec un rythme de vie qui, heureusement, n'est pas celui de toutes les
grandes cités. En venant ici, notre rythme biologique revient à la normale. Cela
favorise la pensée, la concentration et une certaine remise en cause de
soi-même. Nous les musiciens, on travaille des textes, des partitions, et
ensuite on les promène partout, mais le grand danger dans tout cela c'est de
perdre le sens du temps et de ne pas avoir le temps de réfléchir. Donc, je crois
que de revenir ici, dans un endroit plaisant, intelligent et beau, c'est très
important pour retrouver son propre rythme. Et c'est à ce moment-là qu'on
réfléchit à nouveau sur cet art qui est le nôtre.
Régis Pasquier, violoniste français Françoys Bernier, Chef
d'orchestre, bâtisseur, grand amoureux de la région de Charlevoix et fondateur
du Domaine Forget :
« J'ai toujours été préoccupé de
doter la musique des institutions dont elle a besoin. Dans le fond, ça a
toujours été, sans que je puisse l'articuler en des termes aussi précis, ma
préoccupation principale : que la musique ait les institutions dont elle a
besoin pour rayonner, pour se faire de plus en plus d'amis et se faire
apprécier, le plaisir de bâtir quelque chose qui, à vos yeux, est indispensable.
»
« J'admirais Félix-Antoine Savard
de pouvoir incarner Charlevoix par ses écrits et en quelque sorte attirer les
gens dans cette région grâce à son œuvre. Je me disais que pour un interprète,
un chef d'orchestre, il n'y avait pas grand chose à faire dans Charlevoix. Or
c'est là qu'un jour une propriété que je connaissais depuis mon adolescence a
été mise en vente. J'avais pour cette propriété un amour fou et je me suis
demandé qu'est-ce que l'on pourrait bien faire avec ce lieu qui rejoindrait mon
ambition de faire une contribution musicale à ce pays. Et en 1977, à partir
d'une petite corporation à but non lucratif, tout à fait locale, j'ai pu mettre
la main sur cette propriété. »
Thérèse Casgrain, fille de Rodolphe Forget :
« Papa adorait la musique. J'ai
appris le chant et le piano. Il paraît que j'avais une belle voix de contralto.
Alors, je suis sûre que papa serait ravi de penser que le Domaine est devenu un
lieu consacré à la musique. »
Anne-Marie Asselin, 1ère directrice générale du Domaine Forget
:
« Au départ, c'était un beau rêve
que Françoys Bernier a réussi à me communiquer, une folie qui est devenue
réalité. Évidemment, le Domaine, on ne l'a pas eu en cadeau. Il a fallu
travailler très fort, il a fallu trouver les sous. Inutile de vous dire que cela
n'a pas été évident de « vendre » de la folie et des rêves à des gens qui
voulaient bien croire en nous mais... Parmi ceux-là, il y a quand même eu une
personne qui a cru en ce rêve : Jean-Marie Roy, un architecte de Québec, qui a
consenti à nous donner la somme de 35.000 $. N'eût été de Jean-Marie, je ne
crois pas que l'on aurait été capable de se porter acquéreur du Domaine. C'est à
partir de là qu'on a pu convaincre la Caisse Populaire de St-Irénée de nous
financer le reste de la somme de 50.000 $. »
Ginette Gauthier, 1ère assistante de Françoys Bernier et
aujourd'hui Directrice Générale du Domaine Forget :
« Françoys Bernier m'a amené
visiter les anciens bâtiments. Très enthousiaste et passionné comme toujours, il
me dit : « nous allons faire venir ici des étudiants de partout, les plus grands
artistes vont venir y donner des cours de musique, on va donner des concerts
extraordinaires... » Et moi, tout ce que je voyais c'était les milliers de
dollars nécessaires pour remettre tout cela en état. J'arrivais à peine à saisir
ce qu'il racontait parce que tout ce que je voyais c'était la désolation la plus
totale. Les bâtiments tombaient en ruine. Et lui qui continuait : « écoutez, ça
va être extraordinaire ! Imaginez ce grand bâtiment qui va servir à donner des
grandes classes de maître » me disait-il en me montrant l'écurie qui servait
encore en ces années-là. Il m'amène ensuite dans un ancien poulailler qui
faisait encore vraiment poulailler à l'époque et qui sentait mauvais. « Ici, me
disait-il, on va faire des dortoirs ! » C'était, pour moi, la scène la plus
invraisemblable. Pour moi, tout cela n'était pas du tout champêtre, pas du tout
poétique ni sympathique. C'était la catastrophe ! En rentrant chez moi le soir,
j'ai dit à ma mère : « C'est un éléphant blanc, il pense que les plus grands
artistes vont venir jouer ici ! C'est un artiste, c'est un rêveur !... Il est
certain que je ne ferai pas ma vie au Domaine Forget, c'est impensable !
»
Paul-André Gagnon, guitariste québécois :
« Il y avait un niveau de confiance
très élevé entre nous. On était évidemment tous des passionnés de musique et on
voulait démarrer quelque chose. Moi à l'époque, j'avais à cœur l'évolution de la
guitare au Québec. »
Pierre Amoyal, violoniste français :
« À l'époque, nous étions vraiment
dans un local tout à fait primitif, mais nous étions séduits tout d'abord par la
personnalité de Françoys et surtout par l'atmosphère qu'il faisait régner autour
de lui. Quand je suis arrivé au Domaine, j'ai été bien sûr séduit par le
Saint-Laurent royal qui se jetait devant mes yeux, mais le bâtiment dans lequel
se passait les cours et la salle de concert dans laquelle nous jouions, cela
n'avait vraiment aucune importance pour moi. »
Angèle Dubeau, violoniste, lorsqu'elle était stagiaire au Domaine, en
1979 :
« C'est très stimulant. On peut
travailler. On voit le fleuve. Ce qui est très bien, c'est que nos dortoirs sont
situés complètement en haut de la montagne. Quand on se réveille, on voit le
soleil qui se lève avec nous. C'est vraiment très bien parti. On en est
seulement à la deuxième année d'existence et on a déjà des grands noms comme
Maurice Gendron, Paul Doktor et le Quatuor Orford. Si ça continue comme ça, on
va entrer en compétition avec les camps américains. »
Ginette Gauthier, directrice générale du Domaine :
« De 1978 à 1985, tous les étudiants et professeurs dormaient dans les
poulaillers et la partie du gardien qu'on appelle maintenant la résidence des
étudiants. Les gens étaient entassés. Le dortoir, c'était treize personnes par
pièce ; il n'y avait qu'une salle de bain. Les professeurs dormaient à deux par
chambrette et il y avait une salle de bains pour huit personnes... Il y avait là un
frein à l'intérêt des gens pour le Domaine. Monsieur Bernier disait à l'époque
que la culture a besoin d'un minimum de confort pour se développer et nous
n'avions pas ce minimum. Alors, Quand les studios sont arrivés, les petits
studios d'hébergement avec chambre à coucher fermée, petit espace cuisine et
salle de bain privée, c'était le grand luxe ! Cette étape nous a vraiment permis
d'accueillir un plus grand nombre d'étudiants et d'aller chercher une clientèle
plus exigeante. On était à une croisée des chemins : soit que l'on apportait des
améliorations à nos structures d'accueil, soit que l'on perdait des clientèles.
»
Françoys Bernier en 1992 :
« Moi j'avais déjà une vision très
précise de ce que ça pouvait devenir, de ce que ça allait devenir, et en 1992,
je le dis avec fierté, de ce que c'est devenu et de ce que c'est en voie de
devenir... Parce qu'on ne va pas s'arrêter là : on va continuer à développer, il
y a des projets précis, des choses qui sont en cours de réalisation et qui vont
faire du Domaine Forget de Saint-Irénée une institution encore beaucoup plus
forte, beaucoup plus dynamique. »
Raymond Guiot, flûtiste et compositeur français :
« Avec la disparition de Françoys
Bernier, cet homme immense, on s'est tous interrogés : Comment va perdurer
l'idée du Domaine Forget ? Et ça s'est passé merveilleusement. Il y avait là un
esprit, une flamme de perpétuer cette institution, c'est magnifique
».
Élise Paré-Tousignant, directrice artistique de 1993 à 2001
:
« Le lendemain des funérailles de
Françoys, il y avait une réunion du conseil d'administration. Il y avait un
rapport de déposé et un important projet sur la table : une étude recommandant
que l'on construise une salle de concert au Domaine, ce qui était l'un des rêves
de Françoys. On y proposait une salle multifonctionnelle de 900 places, mais
j'ai insisté pour qu'on opte plutôt pour une salle de 600 places axée totalement
sur la musique. Dès ce moment-là, je me suis retrouvée prise dans le tourbillon
des activités du Domaine et c'est peut-être ce qui a facilité mon intégration à
cette merveilleuse mission qu'est le Domaine Forget. »
Douglas McNabney, directeur artistique du Domaine depuis 2001
:
« Depuis que la salle est là, on se
dit tous qu'il faut un piano pour cette salle. Finalement, le conseil
d'administration a appuyé l'idée et fait des démarches pour trouver le
financement, car ce n'est pas évident de nos jours de dénicher 150 000 dollars
pour un piano de concert. Mais on voulait le meilleur qui soit... J'ai approché
un de nos meilleurs pianistes, Marc-André Hamelin. Ensemble, on s'est rendu à
Hambourg pour choisir le piano. C'est un grand moment dans la vie de la salle
Françoys-Bernier, et c'est un grand instrument. »
Françoys Bernier :
« C'est cette action conjuguée des
concerts publics et des activités pédagogiques qui a fait la réalisation de ce
rêve que j'ai imaginé d'un lieu pour la musique. Je souhaitais faire des choses
pour la musique et avec la musique. J'aimais la musique comme on aime une vaste
forêt dont on voudrait connaître tous les recoins. »
Célébrez l'inauguration de nouvelles antennes de la Chaîne culturelle à
Concerts du soir !
La Chaîne culturelle de Radio-Canada est heureuse de fêter deux grands
événements cet été : les 25 ans du Domaine Forget et l'inauguration de deux
nouvelles antennes dans la région de Charlevoix. Le 4 juillet prochain à 20 h
30, en direct de la Salle Françoys-Bernier du Domaine Forget, laissez-vous
bercer par Les Nuits d'été de Berlioz interprétées par Susan Platts et
l'OSQ sous la barre de Yoav Talmi. Le concert sera repris le 14 juillet à 13 h
30 dans le cadre de l'émission Concerts d'été.
Animation : Françoise Davoine (Concerts du soir, 4 juillet) | Michel
Marmen (Concerts d'été, 14 juillet) | Réalisation : Chantal
Bélisle | Réalisation-coordination : Guylaine Picard
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