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La Scena Musicale - Vol. 8, No. 1

Le son Artec

Par Wah Keung Chan / 2 septembre 2002

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Ces salles ont un dénominateur commun : la conception acoustique d'Artec Consultants.

Toute personne qui assiste à des concerts connaît ce frisson éprouvé lorsque la musique est projetée de la scène et réverbérée dans la salle. Suivant l'acoustique, le résultat peut être acceptable ou splendide. Plusieurs grands projets réalisés dans les prochaines années feront des concerts une expérience encore plus excitante -- car les concepts reposent tous sur une bonne acoustique naturelle.

La pauvreté de l'acoustique a été la raison des rénovations entreprises au Roy Thomson Hall de Toronto cette année. Les musiciens comme le public se plaignaient depuis l'ouverture de la salle, il y a 20 ans, de l'acoustique éteinte de la scène et des fluctuations d'un endroit à l'autre de la salle. Damian Doria, président d'Artec Consultants, les acousticiens du projet, attribue les problèmes au fort volume de l'espace original et aux ouvertures vers le plafond, où le son se perdait. La nouvelle salle sera inaugurée lors d'un gala le 21 septembre. Parmi les solutions apportées, au coût de 20 millions de dollars, se trouvent 23 panneaux en bois ajoutés au faîte de la salle, lesquelles réduiront son volume de 13,5 % (voir l'encadré).

Les annonces, ce printemps, de la nouvelle salle de l'OSM à Montréal et de la nouvelle maison d'opéra de la Canadian Opera Company (COC) à Toronto (le Four Seasons Centre for the Performing Arts) laissent espérer de belles soirées musicales dans les deux villes. Les deux salles doivent être inaugurées en 2005. Au même moment, de nouvelles salles ou de nouveaux studios sont prévus au Conservatoire royal de musique et à la faculté de musique de l'Université McGill.

Une tendance au Canada

Le Canada jouit déjà d'une tradition de salles d'une bonne acoustique – le Winspear à Edmonton, le Chan Centre à Vancouver, le Jack Singer Concert Hall à Calgary, le Weston Recital Hall du Toronto Centre for the Arts, le Domaine Forget dans Charlevoix –, toutes des constructions des 20 dernières années. Ces salles ont un dénominateur commun : la conception acoustique d'Artec Consultants. Et, ce n'est pas un hasard, Artec est déjà la firme désignée des projets du CRM et de McGill et elle est candidate pour la salle de l'OSM. Artec a réalisé l'acoustique de la première maison de la COC il y a des années et la firme sera parmi les soumissionnaires cette fois encore.

Le produit d'Artec a fait ses preuves. « Il est important pour les compagnies d'opéra, les orchestres et les agences gouvernementales qui recherchent des consultants pour des salles de spectacle de pouvoir évaluer d'excellents produits finis non loin de chez eux », dit Russell Johnson, fondateur et, à 78 ans, encore PDG et acousticien en chef d'Artec, que Norman Lebrecht de La Scena Musicale Online a qualifié de seul homme sur terre pouvant assurer aux chefs un son parfait. « Lorsque nos maisons d'opéra ouvriront à Singapour et São Paulo, nous devrions voir notre présence augmenter dans ces parties du globe. J'ai commencé à travailler au Canada chez ARCOP à Montréal en 1955. Ainsi, il y a plusieurs décennies que nous travaillons au Canada et cela a peu à peu mené à des contrats de plus en plus nombreux. »

Les secrets de l'acoustique

Quels sont les secrets des succès d'Artec ? « Depuis le début, répond M. Doria, Artec a mis l'accent sur la conception de salles extrêmement silencieuses. Il y a longtemps que nous utilisons le seuil d'audibilité comme objectif dans le niveau de bruit de fond dans une salle, de manière à ce qu'on n'entende rien d'autre que le son produit par les artistes. Les ingénieurs refusaient de croire que l'objectif était réaliste, la plupart des systèmes de conditionnement d'air et d'éclairage produisant beaucoup de bruit. Or, avec l'arrivée des nouveaux microphones et du disque compact dans les années 1980, il devenait nécessaire, pour obtenir un enregistrement sans trop de bruit, d'avoir une salle silencieuse au départ. Auparavant, les maisons de disque et les diffuseurs se préoccupaient peu du bruit dans leurs salles, même le studio le plus silencieux produit pas mal de bruit. Or, dès les années 1970 et 80, Artec insistait sur le silence des salles, bien avant que les ingénieurs des diffuseurs et des maisons de disque comprennent qu'il fallait permettre aux artistes de créer un rapport intime avec le public et maximiser la dynamique dans la salle pour que même un pianissimo soit entendu avec clarté. »

Artec continue de pousser plus loin l'enveloppe du silence: on dit que le studio d'enregistrement de McGill sera le plus silencieux au monde.

Bon nombre des belles réussites d'Artec sont des salles de forme rectangulaire. « Le rectangle ou la boîte de chaussures, explique M. Doria, permet d'obtenir à la fois une clarté suffisante et une longue réverbération. Dans une salle rectangulaire, vous avez une grande énergie latérale venant des côtés, lesquels créent un son enveloppant et en rehaussent la clarté. Le son qui parvient à l'auditeur dans les 70 à 80 premières millisecondes renforce, à la façon dont il perçoit psycho-acoustiquement, le son direct qu'il entend de la scène, ce qui augmente la clarté. Et si une salle en boîte à chaussures, comme beaucoup de nos salles le sont, est suffisamment haute, le son qui arrive au plafond est réfléchi plus tard dans la salle et donne cette longue réverbération nécessaire à de nombreux types de musique. Il existe d'autres options acceptables, mais elles comprennent souvent des éléments comparables à la boîte à chaussures : des formes hybrides qui comportent beaucoup de surfaces parallèles étroites, beaucoup d'éléments réflecteurs près de l'auditoire. Si l'idée est d'obtenir la meilleure acoustique au meilleur prix, alors la boîte à chaussures est un bon point de départ. »

La planification d'une maison d'opéra

Artec n'a pas voulu parler spécifiquement du projet de la COC, mais a volontiers fait part de son expérience en matière de salles d'opéra. « Les grandes maisons des siècles derniers étaient de très petit volume. Elles pouvaient accueillir un grand nombre de personnes dans ces espaces parce que les spectateurs acceptaient d'être collés les uns aux autres. De nos jours, il faut pouvoir évacuer une salle en cas d'incendie et l'on ne peut plus entasser autant de personnes dans un volume restreint.

« L'un des premiers objectifs dans une maison d'opéra est de maintenir un volume minimal et intime, non seulement pour l'acoustique, mais aussi pour assurer une proximité visuelle entre les artistes et le public. Très souvent, on adopte une forme en fer à cheval ou quasi circulaire. Pour assurer une vue de la scène, on tend à augmenter la pente des places dans une salle d'opéra ou de ballet plus que dans une salle de concert, l'intimité de l'espace compensant le désavantage sur le plan acoustique. La pente plus forte absorbe plus de son. Dans la plupart des opéras, l'on ne recherche pas une longue réverbération. Certaines des plus grandes maisons ont un temps de réverbération court, mais cela n'en fait pas nécessairement de bonnes salles de concert. »

Quel serait donc l'espace idéal ? Johnson offre une comparaison : « Le Metropolitan Opera, la maison la plus riche, peut s'offrir les meilleurs chanteurs du monde, qui composent plus ou moins avec les vastes dimensions du Met. La plupart des compagnies d'opéra construisent maintenant des salles de 1600 à 2100 places et celles-ci accueilleront des chanteurs assortis à leur échelle. On entendra dans ces salles des voix qui n'impressionneraient pas du tout au Metropolitan Opera. »

Concevoir en même temps l'édifice et le son

Lorsqu'un nouveau centre des arts d'interprétation est planifié, l'acousticien est souvent choisi avant l'architecte et il établit les lignes directrices en matière d'acoustique. « En fait, c'est une belle collaboration », dit Johnson. D'après Thomas Payne, de KPMB, architecte des travaux au Roy Thomson, Artec a suggéré les principales modifications de la salle existante et il revenait à l'architecte de suivre ces directives. Parfois, en raison du budget, la réalisation se fait étape par étape sur une période de temps. L'été dernier, grâce à un donateur qui avait profité de la bulle Nortel, le Winspear Centre d'Edmonton a installé un nouvel orgue des Orgues Létourneau de Saint-Hyacinthe. « Nous avions déjà décidé de l'emplacement de l'orgue, dit Johnson. La plupart des salles de concert possèdent des orgues pour le répertoire symphonique pour orgue et orchestre. Cela permet de tenir des récitals d'orgue et ajoute aussi un cachet visuel. » Johnson privilégie l'installation de l'orgue au centre à l'arrière de la scène, au-dessus du chœur, comme à la salle Winspear. « Les places dans le chœur donnent aux spectateurs une excellente vue du chef et permettent en outre d'ajouter des places dans la salle », ajoute-t-il.

Artec ayant atteint le sommet dans son domaine, lui reste-t-il des défis à relever ? Johnson proteste : « Il est extrêmement important de continuer à améliorer notre expertise. Nous essayons constamment de savoir ce qui n'a pas bien fonctionné, en trouvant les lacunes, en cherchant les améliorations, même les plus subtiles. Nous sommes toujours à la recherche du Saint-Graal, la salle parfaite. »

Les éléments d'une bonne acoustique

Le bois, de bonnes surfaces de réflexion, un éclairage et un conditionnement d'air silencieux ainsi qu'un plafond ajustable sont parmi les éléments qui contribuent à la qualité d'une salle de concert. D'après Damian Doria, le coût d'un éclairage et d'un conditionnement d'air silencieux n'est pas tellement plus élevé. « Les gradateurs de lumière sont légèrement plus chers, mais la question est vraiment de choisir le bon type d'appareil d'éclairage et les bons circuits. D'abord, un groupe moto-ventilateur silencieux d'une puissance appropriée – ce qui, dans la plupart des cas, n'est pas plus dispendieux qu'un groupe standard. Ensuite, choisir le point sur la courbe de fonctionnement où il produit le moins de bruit. Nous concevons les conduits d'air de manière à ce qu'il y ait suffisamment de distance entre la salle et un ventilateur pour que son fonctionnement soit inaudible et nous arrondissons les courbes des conduits pour éviter le bruit de la circulation d'air. » À la conférence de presse présentant la nouvelle salle Roy Thomson, on a précisé que toutes les places avaient été modélisées sur ordinateur sept ans plus tôt. « Nous pouvons assigner à chaque surface de la salle un facteur d'absorption dans un ordinateur pour déterminer un temps de réverbération probable », dit M. Doria. Non seulement les 23 panneaux servent-ils à réduire le volume de l'espace et à donner à la salle les caractéristiques d'une forme plus rectangulaire, mais leur fini en érable traité au jet de sable réfléchit le son. Des bannières absorbantes peuvent être abaissées pour couvrir les panneaux et réduire la réverbération lors des concerts amplifiés. L'aspect le plus visible de la nouvelle salle est son plafond de panneaux circulaires ou en croissant amovibles au-dessus de la scène, dans lequel est enchâssé l'éclairage de la scène, ce que l'on retrouve au Chan Centre et dans de nombreuses autres salles d'Artec. Ce plafond réfléchit le son vers la scène et le public et résout les problèmes d'acoustique pour les musiciens. L'idée, c'est d'élever le plafond au maximum pour les grandes œuvres orchestrales et de le baisser pour les récitals. Des ajustements peuvent même être faits durant les entractes. Avant l'inauguration le 21 septembre, les ingénieurs d'Artec travailleront avec des musiciens du TSO et d'autres formations pour établir les meilleurs réglages. Lorsque les ajustements ne sont pas optimaux, les résultats peuvent être décevants. Le Kimmel Center de Philadelphie (autre réalisation d'Artec), inauguré en décembre dernier, n'a pas suscité d'enthousiasme. « Les propriétaires ont décidé d'ouvrir neuf mois avant la date prévue, dit Johnson. De nombreux aspects n'avaient pas encore été mis en place. »

[Traduction de Alain Cavenne] 


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